Les producteurs d’huile de palme n’auront plus d’excuse : avec l’outil Haut Stock de Carbone (HCS de son acronyme anglais), développé par un consortium des principales ONGs environnementales et entreprises productrices d’huile de palme et papier, les producteurs de matières premières dans le monde entier pourront identifier précisément la valeur des forêts tropicales en termes de stock de carbone, de biodiversité… et ainsi réaliser leur engagement de mettre fin à la déforestation dans leurs chaînes d’approvisionnement.
Une boite à outil anti-déforestation pour ne développer de nouvelles plantations que sur les terres dégradées
L’approche « Haut Stock de Carbone », lancée début avril 2015, est une méthodologie pour identifier les zones de terres propices au développement des plantations et de zones forestières qui peuvent être protégées dans le long terme. Elle est conçue pour protéger et restaurer les secteurs tropicaux naturels subissant la conversion en plantations et de l’agriculture, tout en garantissant les droits d’utilisation des terres et des moyens de subsistance des communautés traditionnelles.
La méthodologie distingue les zones de forêts naturelles des terres dégradées, qui ne contiennent plus que de petits arbres, arbustes ou graminées. Les forêts « HCS », à haut stock de carbone, stockent une grande quantité de carbone qui serait dissipé dans l’atmosphère si elles étaient converties en plantations. Elles sont aussi particulièrement riches du point de vue de la biodiversité.
Images satellites et savoir local
La première phase de l’approche HCS utilise des images satellites de haute qualité de la concession à étudier. Les zones dégradées qui ne sont pas des forêts à haut stock de carbone sont identifiées grâce à ces images. Ces zones pourront être développées dans le respect de l’équilibre social et des besoins économiques. Les communautés traditionnelles ont besoin de donner leur consentement libre avant le développement d’une plantation.
L’imagerie satellite permet donc d’identifier des zones qualifiées comme étant « dans les classes inférieures de végétation ». Ces zones sont à faible émission de carbone – car stockant peu de carbone – et à faible taux de biodiversité. Il s’agit souvent de zones d’arbustes ou de prairies. Il est envisageable de convertir ces zones en plantations. L’imagerie satellite permet aussi d’identifier des zones contenant de jeunes forêts régénérées, ou encore des zones contenant des forêts secondaires. Toutes deux ont contribué à stocker plus de carbone dans leur plantes, ou ont davantage de biodiversité. Ces zones sont marquées pour la conservation.
La phase suivante consiste à identifier les parcelles de forêt viables qui peuvent être maintenues ou revenir à leur fonction écologique supérieure. Cela commence par un processus de cartographie participative avec les communautés permettant d’identifier leurs utilisations des terres comme jardins. Les zones « HCS » sont ensuite intégrées à des zones à haute valeur de conservation.
Grant Rosoman, expert forêts de Greenpeace répond aux questions de consoGlobe
L’outil est actuellement utilisé à quelle échelle, quelle est la part du marché que représentent les partenaires qui l’utilisent ? Et quelle est la part des nouveaux projets potentiels qui pourraient être positivement influencés par l’outil dans les années à venir ?
L’outil est maintenant largement utilisé sur des millions d’hectares de zones forestières tropicales. Les entreprises d’huile de palme l’utilisant et l’exigeant de leurs fournisseurs, couvrent environ 70 % de l’huile de palme commercialisée. La plus grande entreprise de papier et pâte à papier en Indonésie l’utilise également et la deuxième commence à l’utiliser aussi. Comme c’est un outil simple et pratique pour à la fois identifier les zones forestières à protéger, mais aussi pour identifier des terres qui pourraient être mis en culture, il est largement adopté.
L’outil est-il correctement appliqué ?
Des centaines de milliers d’hectares de forêt ont été identifiés comme forêt HCS et empêché d’être défrichés par les entreprises pour les plantations. Donc, l’impact sur le terrain est très clair. Cependant, le défi est maintenant de protéger ces zones forestières HCS à la fois dans l’immédiat et à long terme. Il y a d’énormes pressions sur les terres dans les tropiques, du fait de l’augmentation des populations, donc la prochaine étape urgente est d’étendre les outils de type HCS pour couvrir des façons novatrices pour conserver et protéger la forêt, notamment en partenariat avec les communautés locales et en leur fournissant à elles aussi des avantages.
Comment les consommateurs peuvent-ils savoir si les entreprises dont ils achètent les produits utilisent votre boîte à outils ?
Toutes les entreprises qui se sont engagées à utiliser l’approche HCS utiliseront la boîte à outils, donc les consommateurs peuvent rechercher ces engagements dans les déclarations publiques des entreprises et des grandes marques. De notre côté, nous nous efforçons de faire entrer l’approche HCS dans les systèmes de certification tels que RSPO pour l’huile de palme et FSC pour le bois et le papier – mais nous n’y sommes pas encore. Dans le même temps un groupe de pilotage a été créé pour superviser le contrôle de la qualité de l’outil, et les entreprises qui sont membres du Groupe Innovation du palmier à huile (POIG) sont suivies pour s’assurer qu’elles satisfont les normes de déforestation définies par l’approche HCS.
Une collaboration ONGs – producteurs
Bonne nouvelle : les entreprises de plantation et les ONGs les plus importants du secteur ont collaboré ensemble à l’élaboration de l’outil. La méthodologie HCS a été développée à l’origine par Greenpeace, The Forest Trust (TFT) et Golden Agro-Ressources (GAR). Cette méthodologie est maintenant régie et sera affinée par un groupe d’acteurs dont les ONGs Greenpeace, WWF, Forest Peoples Programme, Rainforest Action Network et, du côté des producteurs d’huile de palme, par des entreprises telles que Cargill, GAR, New Britain Palm Oil, Agropalma et Wilmar, et par des producteurs asiatiques de pâte et de papier dont le nom ne vous dira probablement pas grand-chose.
Ensemble, ils ont élaboré et lancé l’outil anti-déforestation, avec la publication début avril de la première version d’une boîte à outils qui fournit des conseils pour les producteurs sur la façon d’identifier les forêts à stock important de carbone (HCS), et de les intégrer avec d’autres approches de planification de l’utilisation des terres, d’identification des zones à forte valeur pour la biodiversité. Les entreprises et les ONGs cherchent également à coordonner les HCS avec les problématiques de la protection des tourbières, et avec le respect des droits des communautés traditionnelles sur leurs terres.
Fondé à Singapour en 2014, ce consortium d’entreprises et d’ONGs s’est formé pour développer les outils pour parvenir à un arrêt de la déforestation. Lors du lancement de l’outil, Grant Rosoman, coordonnateur des Solutions Forêt à Greenpeace, a déclaré : « L’approche HCS innove en offrant un moyen pratique pour atteindre l’objectif Zéro déforestation, ainsi que pour promouvoir la reconnaissance des droits fonciers des communautés. La publication de cette boîte à outil devrait permettre l’adoption généralisée de l’approche HCS dans les principales régions de forêts tropicales où les plantations à huile de palme et pâtes à papier sont en cours de développement ».
Depuis que le projet a été formé en novembre 2010 de créer cet outil, des quantités énormes de données satellitaires ont été étudiées de près, des dizaines de milliers d’arbres ont été mesurés dans des terres aussi diverses que l’Indonésie, le Liberia et la Papouasie-Nouvelle-Guinée, des vérifications au sol ont été effectuées, les communautés, les ONG, les scientifiques, d’autres experts et les gouvernements ont été consultés. La boîte à outils HCS distille la connaissance ainsi collectée pour une utilisation mondiale.
Déploiement actif en 2015. Il y a urgence.
L’outil a été testé pour l’huile de palme et la production de papier dans des concessions en Indonésie, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, et au Libéria et devrait être largement adopté par les entreprises dans d’autres pays en 2015.
Les forêts tropicales détiennent d’importants réservoirs de carbone. Elles sont des réserves essentielles de biodiversité, et sont vitales pour des millions de personnes issues des communautés autochtones et locales qui dépendent des forêts pour leurs moyens de subsistance. Les entreprises qui ont converti des forêts tropicales en plantations pour des produits comme l’huile de palme ou le papier ont donc ces dernières années été soumises à une pression croissante pour prouver leur que leurs opérations et chaînes d’approvisionnement ne sont pas à l’origine de la déforestation.
Définir ce qu’est la déforestation est en réalité complexe, car il faut prendre en compte l’impact sur le carbone et le sur climat, sur la biodiversité et sur les communautés locales. Cependant, l’urgence d’enrayer la déforestation augmente à chaque jour que sont détruites des forêts irremplaçables.