Chaque année, en France, rappellent Les Amis de la Terre « au minimum 40 millions de biens tombent en panne et ne sont pas réparés. Les raisons sont multiples : appareils non réparables, absence de motivation du consommateur à faire réparer, coût de la réparation élevé. » Les conséquences sont également importantes : un volume croissant de déchets électriques et électroniques à gérer, des emplois de réparateurs qui disparaissent et des consommateurs qui s’orientent de plus en plus vers le renouvellement du bien plutôt que sa réparation.
Rencontre avec Camille Lecomte, des Amis de la Terre
Camille Lecomte répond à nos questions concernant ces sujets.
consoGlobe.com – Quelle est la situation en termes de garantie des produits aujourd’hui en France ?
Camille Lecomte : on parle beaucoup du sujet de l’obsolescence programmée (NDLR : cf l’encadré ci-dessous) et de la difficulté à faire réparer, mais on parle peu des conséquences de l’obsolescence programmée en termes de gestion des déchets électriques et électroniques : nos biens ne sont pas conçus pour durer.
On a estimé combien d’appareils tombaient en panne chaque année et essayé de le mettre en perspective : sur dix ans, c‘est 1 million de tonnes de déchets électriques et électroniques produits uniquement parce que des biens tombés en panne ne sont pas réparés. Et la moitié des réparateurs d’appareils ménagers et audiovisuels ont mis la clef sous la porte. Il faut rappeler qu’il y a une solution pour réduire le vol de ces déchets et préserver ces emplois, c’est la garantie à 10 ans !
Convergence de vues sur l’obsolescence programmée
La Fabrique Écologique, le think tank transpartisan dont consoGlobe.com est partenaire média, a fait sur cette question trois recommandations :
1. Garantir la réparabilité des produits par une application plus résolue et quelques modifications de la loi consommation du 17 mars 2014 (Loi Hamon).
2. Intégrer dans les prix des produits des critères favorables à l’intensité d’usage et à la durée de vie.
3. Apporter au consommateur une information relative à la durée de vie du produit afin de lui permettre de s’engager plus fortement vers une pratique d’achat responsable.
En parallèle, le groupe d’électroménager SEB a annoncé un nouveau label qui permettra de garantir pendant 10 ans la réparation d’un produit de sa marque. D’autres marques, telles que Babymoov, assurent une garantie à vie sur leurs produits.
consoGlobe.com – Passer à une garantie à 10 ans, comment est-ce faisable dans la pratique ?
Camille Lecomte : il y a six ans, quand on a commencé à travailler sur le sujet, on s’est posé la question de savoir s’il était techniquement possible de produire des biens qui durent. La réponse est oui. Le cas de SEB du label réparable 10 ans sur le petit électroménager est un très bon exemple. À l’inverse, les marques qui sont plutôt sur une logique de renouvellement très fréquent, devraient être incitées à ne plus le faire. On connait bien Apple, mais il n’y a pas que cette marque qui fait du renouvellement très fréquent des biens une logique commerciale…
consoGlobe.com – On peut présumer que ce n’est pas aussi facile d’étendre la garantie à 10 ans pour tous produits. Comment peut-on faire ?
Camille Lecomte : le plus facile serait pour le gros électroménager puisque, selon les estimations les plus courantes, leur durée de vie est de dix ans. Donc passer à une garantie de dix ans irait très vite. Pour ce qui est du petit électroménager, pendant des années on a remplacé à neuf la bouilloire, sans chercher à la réparer, même pendant la période de garantie. SEB a été leader en la matière, et montre que c’est possible. On espère que cela va inciter les concurrents à s’aligner sur du réparable ou une garantie à 10 ans.
Là où cela devient plus compliqué, parce que ne correspondant pas aux habitudes de consommation d’aujourd’hui, c’est sur les téléphones portables que l’on renouvelle, d’après les statistiques, environ tous les 20 mois. Donc passer à 10 ans, ça serait beaucoup trop long pour les consommateurs et les fabricants qui sont dans une logique de développer toujours plus vite des nouvelles technologies et fonctionnalités, sans être sûrs de leur fiabilité. Pour les téléphones, nous proposons donc un passage à 5 ans de la garantie.
Un bon exemple de nouvelle technologie mal maîtrisée en termes de fiabilité a été donné récemment avec le smartphone Samsung, qui a fait l’objet d’un rappel massif pour des problèmes de fiabilité, notamment en Corée et aux États-Unis. C’est typiquement dû à la logique de sortir des appareils très régulièrement – tous les six mois environ -, sans que la gamme ne soit vérifiée.
consoGlobe.com – Comment se place la France sur ces questions par rapport à d’autres pays ?
Camille Lecomte : comme dans d’autres pays européens, le système des garanties est assez complexe et difficile à comprendre. C’est un millefeuille de garanties légales. En France, le Code de la Consommation impose les minimums de garantie légaux, auxquels s’ajoutent des minimums de garanties commerciales, qui elles sont facultatives.
Au Royaume-Uni, il y a un système de garanties légales de 6 ans pour le gros électroménager. Dans les rayons des supermarchés ou sur les sites de vente en ligne, on trouve du gros électroménager avec des garanties de 5, voire 10 ans, pièces et main d’oeuvre, ce qui montre bien que c’est possible.
Il y a d’autres systèmes de garanties en Europe, où se mêlent durée de vie des produits et garanties. C’est intéressant, parce que cela permet de faire une distinction entre les produits, comme c’est le cas pour le gros électroménager qui est plus fiable qu’un téléphone portable, par exemple. Mais pour le consommateur, c’est plus compliqué.
Donc, nous demandons un système de garantie le plus clair et lisible possible, soit une garantie à 10 ans pour le gros électroménager, et une garantie à 5 ans pour le matériel mobile : téléphones ou ordinateurs portables.
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