La méthode Jean Pain : de l’énergie verte grâce au compost de broussailles

Ingénieux et autodidacte, Jean Pain a inventé dans les années 1970, un système de production d’énergie (chaleur et gaz) et d’engrais autonome qui fait encore des émules plus de 30 ans après sa mort. Comment fonctionne sa méthode ?

Rédigé par Paul Boucher, le 10 Mar 2023, à 14 h 15 min
La méthode Jean Pain : de l’énergie verte grâce au compost de broussailles
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L’invention d’un Français, datant des années 1970, passionne aujourd’hui les maraîchers d’Amérique du Nord. Développée en plein choc pétrolier, la méthode Jean Pain, apparaît alors comme un moyen simple et économique de produire de l’énergie et de l’engrais à partir de simples broussailles, une réponse non négligeable au problème mondial posé par la pénurie de carburants d’alors.

Jean Pain, l’homme qui produit de l’énergie avec des broussailles

Dans les années 1970, grâce au livre « Un autre jardin », écrit par Ida, et un article du Reader’s Digest publié en 16 langues, la méthode Jean Pain, alors sacré Chevalier du mérite agricole pour cette découverte, reçoit une audience internationale, avant de tomber dans un oubli relatif. Aujourd’hui, grâce au développement de la permaculture, on observe un regain d’intérêt pour cette méthode révolutionnaire, adaptable à toutes les régions boisées.

L’histoire de Jean Pain et de son compost magique

En 1964, Jean Pain et son épouse Ida s’installent au Domaine des Templiers à Villecroze dans le Var. Ils sont alors chargés du gardiennage de ce domaine de 240 ha, qu’ils peuvent utiliser à leur guise pour produire leur nourriture : jardin potager et petit troupeau de chèvres suffisent à entretenir une vie simple et près de la nature.

Un jour Jean décide, par mesure d’économie, de remplacer la paille dans la litière de ses chèvres par les petites broussailles de la forêt environnante. Surprise : lorsqu’il utilise cette nouvelle litière compostée sur ses cultures, il remarque une nette amélioration de celles-ci.

Comment expliquer la différence ? Et si c’était les brindilles, les feuilles, les aiguilles et autres matières issues de cette broussaille qui étaient à l’origine de la nouvelle fertilité de son jardin ?

Le compost de broussailles, une vieille invention française (presque) oubliée

Il décide alors de réaliser un compost constitué exclusivement de petites broussailles récoltées en sous-bois. Plusieurs tentatives sont nécessaires pour trouver le bon mélange de broussailles et d’eau.

En 1969, il applique sur son jardin son « compost de broussailles » : les résultats, spectaculaires, sont rapidement remarqués par les voisins, mais aussi par les agronomes et les journalistes locaux. Il teste son compost sur des terrains ingrats – nus de toute végétation, brûlés de soleil, peu arrosés, pleins de cailloux – et obtient à chaque fois, avec 7 centimètres de son compost recouverts de 10 cm d’herbes sèches, des jardins potagers plus qu’acceptables.

Le chauffage par le compost

Grâce à son travail sur le compost, Jean Pain se rend compte qu’il peut récupérer la chaleur produite par la fermentation pour chauffer sa serre et sa cabane, et même produire du méthane.

Actuellement sa méthode est adoptée par de nombreux agriculteurs bio et ingénieurs agronomes aux États-Unis et au Canada(1)(2)(3). Son neveu, Étienne Bonvallet a également créé une entreprise qui commercialise des broyeurs à végétaux adaptés à la méthode(4).

Le débroussaillage à la base de la méthode

Les forêts, surtout en région méditerranéenne, ont besoin d’être débroussaillées régulièrement pour éviter les feux de forêt. On a calculé que 40 hectares de forêt peuvent fournir 1.600 tonnes de broussailles tous les 8 ans pendant 24 ans(5). Ces proportions industrielles peuvent évidemment être adaptées aux besoins du particulier. Il faut cependant savoir que la méthode nécessite de grandes quantités de broussailles : pour chauffer complètement une maison il faut un tas de compost de taille équivalente !

Le bois récolté doit ensuite être broyé de façon à obtenir des morceaux de 8 mm, taille idéale d’après Jean Pain (d’autres spécialistes parlent de 3-4 mm) pour obtenir rapidement un compost de qualité. Une fois broyé, sur place si possible, le bois doit être mouillé dans sa totalité (700 litres d’eau par m3 de broyat) et ensuite monté en tas d’environ 1,5 m de haut et 2 m de diamètre.

On couvre ensuite le tas d’une couche de 2 cm de feuilles, de terre, de sable ou de compost et on ajoute une bâche ou des branchages pour maintenir un taux d’humidité constant. Au bout de trois mois avec cette méthode, on obtient un paillis qui peut être appliqué à la surface et trois mois plus tard un humus de grande qualité qui peut être directement incorporé au sol.

Comment récupérer la chaleur ?

Outre ses propriétés intéressantes pour la production de compost, la méthode qu’a mise au point Jean Pain permet de récupérer la chaleur (environ 60°C) et le méthane produits naturellement par la fermentation. D’après lui, un tas de 50 tonnes produit de l’eau à 60°C pendant six mois à la vitesse de 4 litres par minute.

Évidemment, plus de tas est grand, plus longue est la durée de production. Un radiateur branché sur ce système permet de chauffer une serre ou une petite maison. En plaçant le compost plus bas que le lieu à chauffer, on n’a même pas besoin d’une pompe, puisque l’eau chaude monte naturellement vers le radiateur et l’eau refroidie redescend ensuite au compost pour être à nouveau réchauffée.

Pour récupérer la chaleur, on enterre des tuyaux de polyéthylène dans le tas. Plusieurs systèmes existent – vertical, horizontal ou en spiral – selon les contraintes qu’on s’est fixées (extraction plus ou moins facile du compost, stabilité du tas, etc.). Le système en spirale est illustré ci-dessous.

jean pain

Et pour récupérer le méthane ?

On calcule que 10 kg de broussailles broyées produiront 2 m3 de méthane, donc l’équivalent en énergie à 11.000 calories-kilo, ce qui équivaut à 1 litre de pétrole. Sans parler des 8,5 kg de compost. Pour récupérer le méthane, il faut placer un bac de 25 m3, rempli de matière à compost et d’eau, puis hermétiquement fermé, à l’intérieur d’un tas de broussailles broyées fraiches de 80 m3.

On branche ensuite un tuyau sur le bac pour récupérer le méthane. Ce tuyau peut être entouré de tuyaux de polyéthylène pour récupérer la chaleur en même temps que le méthane. En faisant circuler de l’eau froide dans le bac, sans descendre en dessous de 36°C, ce qui arrêterait la fermentation, on peut ralentir le processus, ce qui permet une plus grande longévité. Le méthane est récupéré dans des chambres à air empilées. Un mètre cube de méthane peut, en principe, produire 4,5 kwh d’électricité.

Vous pouvez aussi consulter ici un témoignage intéressant sur la méthode Jean Pain et la réalisation d’un compost de broussailles

 

Article republié
Références :
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Professeur d’université à la retraite, Paul aime observer le monde moderne et ses évolutions. Il s’intéresse tout particulièrement à l’économie...

4 commentaires Donnez votre avis
  1. Aujourd’hui, les chèvres de Mr Pain seraient toutes égorgées par les loups lâchés par nos ennemis écolos et la broussaille, maquis et garrigue gagnent du terrain dans le sud est, rappelons que certaines zones gérées par nos ennemis écolos interdisent le débroussaillage, résultat: la Lande des Maures

  2. Bonjour ,je voudrais savoir , s’il est possible ,
    quelle matière de canalisation peut supporter les bactéries, pour l’eau chaude sanitaire qui traverse le compost
    Merci

    • L’article parle de tuyaux de polyéthylène. Je n’en sais pas plus. Vous avez tenté de faire un composte à la Jean Pain? Quels résultats?

  3. Retrouvez Jean Pain ainsi que beaucoup d’autres illustres inventeurs en avance sur leur temps sur la grande frise des inventions énergétiques : paleo-energetique.org

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