N’est-ce pas étonnant que le monde de la politique semble si hermétique à la créativité, alors qu’entreprises, designers, artistes et tant d’autres secteurs en ont fait une priorité absolue ? Pourtant, en politique comme ailleurs, l’objectif est bien de faire mieux, plus vite et avec moins de ressources… Voici donc le mystère auquel s’est attaqué Stephen Boucher, Directeur général de consoGlobe.com, dans son Petit manuel de créativité politique, à paraître le 23 février. Interview exclusive (ce n’était pas difficile, je n’ai eu qu’à traverser la pièce !) de l’auteur pour comprendre comment on pourrait mieux mobiliser les énergies créatives, non pas au niveau d’une entreprise, mais de tout un pays.
Créativité politique et audace collective : rencontre avec Stephen Boucher
« Si je vous demande si vous connaissez le nom d’un type créatif qui aurait inventé des aspirateurs super innovants, je suis sûr que vous saurez qui citer », remarque Stephen Boucher. Mais, ajoute-t-il, « je suis aussi certain que si je vous pose la même question à propos d’acteurs politiques, vous aurez beaucoup plus de mal à répondre… Et nous ne serons probablement pas d’accord ! » Comment cela se fait-il, et que faire pour rendre nos politiques créatifs ?
consoGlobe.com – Pourquoi avoir écrit ce livre sur la créativité en politique ?
Stephen Boucher – Ce manuel est la contribution de consoGlobe.com, porte-parole des innovations sociales et des modes de vie durables depuis 12 ans, à la campagne politique en cours, dans un contexte de défiance envers les acteurs politiques traditionnels. Car, nous l’avons constaté, si les citoyens ont une image très négative de la politique politicienne, des solutions originales et efficaces sont constamment inventées à tous les niveaux de la société.
La question essentielle que je me suis posée, c’est comment faire pour que les initiatives citoyennes, les solutions apportées par les civic tech, les innovations de municipalités avant-gardistes, d’entreprises et autres fassent système. Parce qu’aujourd’hui, le souci n’est pas que l’on manquerait d’idées, de solutions, de bonnes volontés, mais plutôt qu’il y a une grande dispersion de celles-ci. Et, le système conduit à freiner plutôt qu’à encourager l’innovation politique.
Dans ce livre, je cite des exemples concrets, et tente de tirer des méthodes afin de :
- mieux définir les problèmes au lieu de les réduire prématurément à des oppositions stériles ;
- identifier des solutions à ces problèmes ;
- les faire accepter ;
- les expérimenter ;
- les diffuser à plus grande échelle ;
- les évaluer.
consoGlobe.com – C’est quoi la créativité politique et en quoi diffère-t-elle de l’innovation politique ?
Stephen Boucher – La créativité est un concept récent, entré dans la langue française en 1971 seulement. On peut s’étonner de ne jamais trouver ces deux mots ensemble jusqu’à maintenant : la créativité politique, c’est la faculté à produire en temps voulu des solutions originales, efficaces et efficientes, c’est-à-dire nécessitant moins de ressources, en réponse à nos maux contemporains.
Il suffit de se pencher sur cette définition, ne serait-ce que le peu de temps qu’il faut pour la lire, pour que l’évidence saute aux yeux : tout acteur politique devrait avoir comme priorité absolue de chercher le plus haut niveau de créativité possible, puisque la politique s’occupe précisément – ou devrait en tout cas s’occuper – de résoudre des problèmes sociétaux avec des réponses plus efficaces et toujours moins de moyens !
L’innovation, c’est ce qui résulte du processus de créativité. Prenons l’exemple d’une idée nouvelle dans cette campagne électorale : le revenu minimum universel. Il ne sera pas une innovation tant qu’il ne sera pas introduit (ce qu’il est d’ailleurs à des échelles plus locales). Les deux concepts vont donc ensemble : pas d’innovation sans créativité, pas de débouché concret de la créativité sans innovation.
consoGlobe.com – Pourquoi avoir lancé une campagne de crowdfunding ?
Stephen Boucher – Ce livre n’est pas fait pour accumuler la poussière sur quelques étagères. Il doit servir ! Donc il doit être connu, des élus et des citoyens. Or, il sort 245 nouveaux livres par jour en France, sans compter les rééditions.
L’ambition de cette campagne est donc de permettre d’organiser des rencontres locales, avec des acteurs politiques, des « créatifs », des citoyens, pour diffuser le message, changer les pratiques, et préparer une deuxième édition enrichie d’encore plus d’exemples. Votre aide est décisive pour changer notre manière de penser la politique.