Bien involontairement, les scientifiques ont signé l’arrêt de mort des geckos lorsqu’ils les ont découverts, dans les grottes chinoises, au début des années 2000. En effet, très peu de temps après la publication de cette découverte, ces animaux se monnayaient à 150 dollars, livraison incluse : il suffisait de taper leur nom sur Google pour trouver où les acheter – illégalement. Et les voici en voie d’extinction. Ils ne sont pas les seuls !
L’impact d’internet sur les espèces animales sauvages
Ainsi, plus les espèces vivent sur de petites étendues géographiques, dans des habitats spécialisés, plus elles sont repérées facilement par les braconniers : ils n’ont qu’à faire une recherche internet pour obtenir en un clic des informations précieuses sur leur emplacement et leurs habitudes.
L’histoire de l’Aprasia parapulchella (appelé ver-lézard à queue rose (Pink-tailed worm-lizard) en anglais) témoigne d’une autre réalité : les biologistes qui étudient cette créature étonnante, en Nouvelle-Galles du Sud, ont mis en ligne – ils y sont tenus – des données de localisation précises. Peu après, les propriétaires fonciers qui avaient accepté de collaborer avec la science, ont commencé à rencontrer des intrus sur leurs terres…À lire aussi : Le piratage informatique, un risque supplémentaire pour les animaux
Ainsi, non seulement les animaux à risque se trouvent ainsi mis en danger par ceux-là même qui sont censés aider à leur protection, mais en outre, les relations entre chercheurs et propriétaires fonciers, cruciales pour la continuation de la recherche, se détériorent.
Les braconniers ne constituent pas la seule menace
Certes, Internet a permis l’organisation de bases de données à l’échelle mondiale, favorisant une collaboration internationale entre chercheurs, et donnant un vrai essor à la recherche et à la découverte de nouvelles espèces. Cet accès libre répond aussi à une tradition séculaire, qui veut qu’on publie toutes les informations récoltées, dans l’intérêt de la science.
Mais le monde a changé. Le braconnage n’est pas le seul à faire son miel d’internet : les passionnés de la vie sauvage, eux aussi, potassent les documents scientifiques, les rapports gouvernementaux ou d’ONG, les atlas de la faune publiés en ligne. Et s’en vont photographier, manipuler et souvent déranger des espèces rares, détruisant leurs micro-habitats spécialisés et répandant les maladies.
Une nouvelle façon de travailler ?
Aujourd’hui, dans un essai publié dans la revue anglaise Science, des chercheurs s’interrogent : faut-il changer leur façon de travailler ? Devront-ils, à l’avenir, s’autocensurer pour éviter de contribuer, involontairement, à la diminution des espèces ?
Sans interdire totalement les publications scientifiques sur le Net, peut-être faut-il en appeler au bons sens des chercheurs ? Déjà, de nouvelles descriptions d’espèces sont en cours de publication, sans donnée de localisation ni description d’habitat. De même que les paléontologues et archéologues préfèrent désormais garder secrète la localisation de sites importants pour éviter les pillages, les biologistes de la vie animale pourraient publier nombre d’informations utiles, tout en excluant les détails qui pourraient aider les braconniers… ou même tout simplement les amoureux trop enthousiastes de la nature !