Imaginons un brainstorming. Une quarantaine de personnes rêvent la maison connectée de demain. De différents horizons, après avoir écouté des présentations inspirantes sur ce qu’est « l’Internet des objets », elles identifient quels sont les besoins futurs chez soi. Vient le moment de jouer. Ou plutôt, de stimuler la résolution de ces problèmes par l’utilisation d’un outil de réflexion sous forme de cartes. Résultat spectaculaire : en quelques dizaines de minutes, les sous-groupes identifient plusieurs dizaines d’idées, pour les meubles, l’aménagement, l’électronique, que le constructeur Lapeyre, organisateur de ce brainstorming, mettra en oeuvre.
Ce processus, l’agence d’innovation nod-A, concepteur du jeu, l’appelle le makestorming, mélange du bien connu brainstorming et de l’idée de faire. Car l’enjeu – sans… jeu de mot ! – est d’arriver rapidement et efficacement à des solutions concrètes, qui puissent être mises en oeuvre. Une version « durable » du jeu, l’Idea Maker Innovation Durable, a été co-développée avec l’agence Utopies, publiée au début du mois de juin, permettant désormais d’appliquer la méthode pour développer de nouveaux services et business modèles plus durables et intelligents.
Elle a déjà été adoptée par des employés de grands groupes tels que BNP Paribas, Leroy Merlin, ou Hermès pour développer de nouveaux modèles économiques, qui répondent au mieux aux enjeux sociétaux. Notamment dans le cadre du programme Noé dont nod-A est un des co-organisateurs et qui visait les 30 mai et 1er juin derniers à créer une communauté d’entreprises qui inventent « les offres, les business models et les marques de demain » dans une perspective durable. Sur deux jours et demi, des employés d’entreprises telles que L’Oréal, Leroy Merlin, Hermès se sont efforcés d’imaginer ensemble des produits ou services innovants et durables, chaque entreprise travaillant sur les problématiques propres à une autre entreprise.
Idea Maker Innovation Durable : « 30 à 40 bonnes idées par séance et une très bonne idée à la fin »
Claire Etienney, co-conceptrice du jeu, et responsable du design de produits chez nod-A, explique son principe : « Au début du jeu, chaque groupe part de problématiques à résoudre. Pour l’y aider, chacun va avoir à sa disposition un ensemble de cartes, qui vont l’aider à générer des réponses. Le groupe commence par tirer une carte ‘bénéfices’, qu’on laissera sur la table, pour suggérer un type d’amélioration à rechercher : ça va être soit les relations à la personne (par exemple réduire la pauvreté), soit à à la nature (par exemple diminuer les gaz à effet de serre), ou à son bien être et à sa santé individuelle. Si on tire par exemple la carte ‘améliorer la santé et le bien être physique’, tout le monde va devoir réfléchir à une solution à cet enjeu dans le cadre de son entreprise ».
Puis chacun va tirer au hasard une autre carte, soit sur différents modèles économiques (par exemple l’économie collaborative), soit différents types de cibles (par exemple le quatrième âge, les associations de consommateurs, les populations défavorisées, ou les personnes en situation de handicap), soit des cartes « boosters » (on pourra tomber par exemple sur une carte « freemium » ou « biomimétisme »).
Toutes ces cartes, croisées avec les problématiques auxquelles les participants s’attaquent et les ‘bénéfices’ cherchés vont donner des idées d’approches innovantes. Chaque joueur va donc devoir générer des idées sur ce que peut faire son entreprise en croisant sa carte (par exemple celle sur l’économie collaborative) avec l’objectif commun (par exemple réduire la pauvreté).
Le ‘gameplay’ fait fuser les idées
Et c’est parti : chacun réfléchit pendant 2 minutes, puis les idées sont partagées entre participants, triées selon des indicateurs d’innovation durable, et classées soit dans « la forge » (les idées dont on se dit qu’il faut battre le fer tant qu’il est chaud), « le jardin » (on va laisser mûrir…), ou « le cimetière » (soyons honnêtes, elles ont déjà un pied dans la tombe !) au regard des cinq critères. « En faisant 3 à 5 tours de jeu, on a rapidement 30 à 40 idées de transformation de ton entreprise autour de la table », raconte Claire Etienney.
Pour avoir participé à l’un de ces exercices, je peux témoigner de la très grande efficacité de l’exercice pour faire avancer une réflexion parmi d’autres techniques « d’idéation », c’est-à-dire de génération d’idées.
Après l’un ou l’autre séminaire de découverte qui permettra de rentrer dans une problématique, et après en avoir identifié et classé les « pain points » – pour « points de douleur » en anglais -, une partie d’Idea Maker permet d’enrichir la réflexion d’idées individuelles, que l’on peut trier, visualiser, et idéalement prototyper. Comme nod-A l’avait fait par exemple pour Lapeyre, avec au bout de quelques jours de réflexion, des maquettes grandeur nature de meubles et d’aménagements concrets.
Nod-A : fondée en 2009 par Stéphanie Bacquere et Marie-Noéline Viguié, l’agence s’est donnée comme mission de transmettre les nouvelles cultures de la collaboration et du travail issues des mondes numériques aux grandes organisations publiques et privées. Le Makestorming est sa réponse : une approche du travail concrète, pragmatique et ambitieuse déjà largement diffusée avec plus de 200 ‘sprints’ – des sessions de réflexion collective – à travers le monde.
Le jeu peut être acheté sur le site de l’agence.
L’agence Utopies, née en 1993, agit pour « inciter les entreprises à intégrer les enjeux sociaux et environnementaux à leur stratégie, et pour les accompagner dans cette révolution ».