A l’entrée du temple réalisé par l’artiste Subroto Banerjee, une vache hybride, croisée avec un oiseau, accueille le visiteur. Son regard triste éveille la conscience : jusqu’où la Science peut-elle aller ? Cet immense pandal – comme on appelle ici les sanctuaires éphémères dressés partout dans la ville de Calcutta et les villages du Bengale pour le festival de Durga Puja – est l’une des pièces maîtresse de cette nouvelle édition.
Une exposition à ciel ouvert
Cette année, Durga Puja s’est déroulée du 18 au 25 octobre et on a pu y voir de nombreux pandals sur le thème de l’écologie. Le festival repose sur une tradition hindoue : chaque temple accueille une idole de la déesse Durga. Parfois qualifié de Carnaval bengali, il s’apparente aujourd’hui à une exposition géante d’art contemporain à ciel ouvert. Chaque quartier ou village est représenté par un comité (ou club). Associé à un artiste, le comité se charge de l’exécution de l’oeuvre. Il faut en général 6 mois de travail pour réaliser les plus grands pandals, dont 2 ou 3 mois sur place, preuve que le « vivre ensemble » n’est pas qu’une profession de foi mais bien une manière d’être à Calcutta.
Créé pour le comité de Tala Barowari, installé dans le quartier du Nord de Calcutta, le pandal de Subroto Banerjee alerte sur les dangers des organismes génétiquement modifiés et la malbouffe en général. Subroto Banerjee avait déjà travaillé sur le thème du clonage. « Nous savons qu’ingérer des OGM provoque toutes sortes de problèmes de santé, tout comme la présence de sodium et d’autres substances toxiques dans notre nourriture. Nous voulons en faire prendre conscience aux habitants de notre pays », explique Suvresh Chatterjee, un membre de Tala Barowari.
Le « laboratoire du diable » représente les manipulations génétiques de la Science : les éprouvettes portent des têtes de mort et l’ADN courre dans le couloir sous forme de néon. A l’intérieur du pandal de 200 m2, les 9 animaux stylisés, réalisés en feuilles d’aluminium, sont le fruit de mariages hasardeux entre plusieurs espèces. Ces « bébés » du diable, coq-dinosaure, éléphant-rhinocéros et autre chien-aigle, sont autant de monstres imageant les dérives de la production agro-alimentaire.
Ils ont été inspirés par les textes d’un poète bengali afin que le message passe plus aisément auprès des populations non-éduquées. « Malgré les efforts du gouvernement indien, nous demandons des lois pour que la présence d’OGM soit clairement indiquée aux consommateurs, comme on appose déjà une pastille verte pour la nourriture végétarienne », martèle le comité.
Au coeur du pandal, les Hommes se jettent de l’arbre de la Vie. « Ils s’éloignent de la nature et le poison grimpe dans la sève, jusqu’à ce que les Hommes se perdent dans le néant. Nous demandons à notre Mère la déesse Durga de prier pour nous. Le papillon sur sa coiffe incarne la pureté et le naturel », poursuit Suvresh Chatterjee.
La conscience écologique des Indiens, et pas seulement dans les classes aisées, se réveille, puisque chaque année de nombreux comités choisissent un thème sur l’écologie. Fleurs et tournesols ont donc habillé les rues de la capitale du West-Bengal. Des Leds à faible consommation ont été utilisées pour décorer les pandals et les rues de mille couleurs.
Tradition religieuse oblige, les idoles de la déesse Durga sont destinées à être immergées dans le Gange après la fête car la déesse retourne à sa source dans l’Himalaya selon la croyance. Cependant, depuis quelques années, les statues sont récupérées après le bain par des grues, au lieu d’être simplement abandonnées dans les flots. Les déchets sont rassemblés puis emportés dans le quartier des potiers pour les années suivantes.
Par ailleurs, une seule portion du Gange peut être utilisée pour tremper les statues afin de limiter la pollution. Les pandals sont généralement démontés et recyclés. « Nous ne détruirons pas notre pandal. Nous cherchons un musée ou un organisme pour récupérer les animaux qui pourront servir à éduquer les populations », soulève Suvresh Chatterjee.
Le paradoxe entre l’engagement écologique des artistes et le concept de « fête jetable » n’aura donc bientôt plus de raison d’être. Des efforts louables sont réalisés chaque année dans ce sens. Gageons que d’ici quelques années, Durga Puja devienne une fête 100 % durable. Une raison de plus pour découvrir ces réjouissances fabuleuses !
Photo de bannière : © Julie Olagnol
Ca a l’air vraiment chouette ! Je booke mes billets pour l’année prochaine. Il doit y avoir tant à voir et je ne m’imaginais pas du tout l’Inde sous cet angle de vue. Ce sous-continent n’aura de cesse de nous étonner.