Aime-t-on plus ce qui nous ressemble ? Une équipe de chercheurs a publié une cartographie du monde vivant au travers du prisme de nos affects.
Une empathie pour les autres espèces à géométrie variable
Qu’est-ce qui nous fait ressentir de l’empathie pour telle ou telle espèce ? Inconsciemment, aime-t-on certaines espèces plus que d’autres ? C’est ce qu’une équipe de chercheurs du Muséum national d’Histoire naturelle et de l’Université de Montpellier ont souhaité vérifier en tentant de dresser une véritable carte affective de la biodiversité. Le but : « déterminer dans quelle mesure notre capacité à être en empathie avec d’autres organismes fluctue d’une espèce à l’autre ».
Pour ce faire, près de 3.500 internautes ont participé à un questionnaire en ligne conçu pour évaluer leurs perceptions des espèces, leur empathie à l’égard de l’une ou l’autre. « Ils ont été confrontés à un échantillonnage photographique d’organismes très diversifiés, allant des plantes aux humains ». À eux de répondre ensuite à des questions pour trancher entre deux espèces n’ayant rien en commun. Insecte, serpent, singe… Lequel préférez-vous ? Lequel sauveriez-vous en premier si les deux étaient en danger de mort ?
Plutôt orang-outan que tique
Les résultats de cette étude, publiés dans la revue Scientific Reports, « mettent en lumière la composante évolutive de nos réactions empathiques et l’emprise des mécanismes anthropomorphiques dans notre rapport affectif au Vivant ». En effet, « plus un organisme est évolutivement éloigné de nous, moins nous nous reconnaissons en lui et moins nous nous émouvons de son sort. Lorsqu’une espèce nous est évolutivement proche, nous partageons avec elle des caractéristiques, notamment physiques, progressivement acquises au cours de notre évolution commune ».
Nous ressentirons ainsi plus d’empathie à l’égard de grands singes que pour des méduses ou des anémones. Ainsi, la tique arrive en tête des espèces suscitant le moins de compassion, devant le cactus et la méduse. À l’inverse, l’orang-outan en suscite même plus qu’un être humain.
Compassion, altruisme, attachement… « Nous pourrions plus facilement reconnaître en une espèce un alter ego, et adopter à son égard les mêmes comportements prosociaux que ceux nous permettant d’entretenir des relations harmonieuses avec nos semblables humains », expliquent les chercheurs.
Au-delà de dresser pour la première fois une véritable carte affective de la biodiversité, « les résultats de cette étude ont de potentielles implications pour l’anthropologie, les sciences cognitives ou celles de l’évolution. Ils nous invitent également à nous pencher sur l’influence exercée par nos biais sensoriels et émotionnels sur les questions de société impliquant notre rapport au reste du vivant. » Dit autrement, notre vision de la préservation de la biodiversité, de l’éthique alimentaire ou du bien-être animal est faussée par nos sentiments inconscients.
Illustration bannière : L’orang-outan suscite plus d’empathie que l’être humain – © Lintang Hakim
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