Savez-vous qu’il y a plus d’organismes vivants dans une cuillère à soupe de terre… que de personnes sur celle-ci ? C’est cette prise de conscience qui a fait naître « l’agro-écologie », ou « agriculture du vivant », axée autour de trois grands principes :
- On ne laisse jamais la terre à nu : un sol non planté ne crée pas d’énergie, alors que les végétaux absorbent la lumière et participent ainsi à un processus de photosynthèse. Leur présence évite aussi le désherbage.
- On fait tourner les cultures : rien de mieux pour préserver la fertilité du sol et l’enrichir, en faisant se succéder des cultures et des « engrais verts », en alternance, sur un même terrain.
- On ne laboure pas le sol : ainsi, on limite l’érosion et on laisse en paix les organismes vivants indispensables pour dégrader les déchets et enrichir la matière organique (insectes, vers de terre…)
« Tout l’environnement doit rester vivant ! » – Rencontre avec Jean-Paul Devulder, producteur Pour l’Agriculture du Vivant
En pratique, comment ça se passe ? Quelles garanties cela apporte-t-il au consommateur ? Jean-Paul Devulder, producteur de pommes de terre et acteur de cette démarche de progrès, nous éclaire.
ConsoGlobe – Pouvez-vous nous présenter votre exploitation ?
Jean-Paul Devulder : C’est une exploitation de 750 hectares, située entre Reims et Rethel, en Champagne. Nous y cultivons depuis 1994 des pommes de terre sur 250 hectares, le reste étant consacré aux céréales et betteraves sucrières. On travaille en famille : mon épouse Marie-Christine, mes deux filles et mes deux gendres !
Depuis 1996, on conditionne les pommes de terre sur place. Et on adhère depuis vingt ans environ à la charte PADV (Pour l’Agriculture du Vivant).
ConsoGlobe – Qu’est-ce qui vous a poussé vers cette démarche ?
Jean-Paul Devulder : En Champagne, on est sur un sol de craie, à chaque fois qu’on labourait on remontait de la craie, c’est calcaire et ça refroidit le sol. Je voulais travailler le sol sans le dégrader, qu’il reste sain et vivant, c’est une marque de respect.
Le sol, c’est comme un être humain et les produits phytosanitaires, comme les médicaments : on soigne, mais en même temps on abîme ! Pour limiter les traitements, il faut que les plantes soient toujours en forme, et donc que le sol soit toujours sain et bien nourri.
Cela n’interdit pas de l’améliorer, et de le soigner s’il est malade… mais toujours en le respectant ! L’AGDV c’est un moyen d’avancer vers ce respect.
ConsoGlobe – Qu’est-ce que ça change en pratique, dans le mode de culture ?
Jean-Paul Devulder : C’est une agriculture de conservation, tout l’environnement doit rester vivant ! Avec l’AGDV, on prend plusieurs engagements, notamment de celui de couvrir les sols le plus longtemps possible : après la récolte, on sème des engrais verts (avoine, lin, trèfle d’Alexandrie…) qui restent en place jusqu’en avril suivant, au moment de la plantation.
Je n’ai plus labouré depuis vingt ans ! Les racines des végétaux fissurent le sol naturellement, mais on n’a pas besoin de le retourner, ce qui le désagrège et tue tous les organismes vivants.
Ce procédé a de nombreux avantages : le sol continue de vivre, mais la présence des engrais verts empêche la pousse des mauvaises herbes ; donc pas d’emploi de désherbants. Et cela évite l’érosion des sols, qui peut représenter jusqu’à un centimètre par an, alors qu’il y a en moyenne, en France, 30 cm de terre arable !
ConsoGlobe – Est-ce aussi moins polluant ?
Jean-Paul Devulder : Oui, du fait qu’on ne désherbe pas, mais aussi qu’on traite moins. On est en train de monter le cahier des charges, pour l’instant on s’est fixé une réduction de moitié de l’indice de fréquence des traitements (IFT), mais on est peut aller beaucoup plus loin, ce n’est qu’un début !
En ce qui nous concerne en Champagne, l’IFT moyen c’est 25 hors herbicide… nous on est à 6. On traite uniquement par mélange de molécules, on s’interdit toujours d’en mettre une seule, on prend 3 ou 4 molécules à faible dose, on les associe, on ajoute un acidifiant, de la résine de pin pour que ça colle bien sur la plante… et ainsi on arrive à diminuer les doses.
On réduit également les transports, on fait en sorte d’acheter et vendre le plus près possible de l’exploitation pour faire baisser l’empreinte carbone. On essaie également d’être autonome en énergie – nous pensons installer bientôt des panneaux solaires sur les bâtiments – et d’avoir des moteurs de tracteur moins polluants.
On le voit encore ici : comme les consommateurs pour leur alimentation, les producteurs Français ont aussi amorcé leur transition agricole, en améliorant constamment leurs pratiques. Ensemble, ils attendent des engagements et des mesures concrètes : des politiques publiques allant dans ce sens et non freinant des 4 fers !