Pour Hubert Garaud, président de Terrena, l’AEI c’est « une troisième voie entre le bio et le conventionnel », permettant aux agriculteurs de relever le triple défi qui consiste à produire plus pour nourrir une population mondiale qui ne cesse d’augmenter, tout en produisant mieux, c’est-à-dire des aliments sains de haute qualité nutritionnelle, et en respectant l’environnement.
Agriculture intensive, mais pas du tout comme l’agriculture intensive…
Attention ! Le ‘I’ de AEI ne se réfère pas à ‘agriculture intensive’, bête noire des écologistes, mais correspond plutôt à une « agriculture qui utilise intensivement les fonctionnalités des systèmes productifs »(3), c’est-à-dire le fait de combiner en les amplifiant certaines méthodes écologiques pour créer des synergies productives tout en réduisant les atteintes à l’environnement. C’est l’aspect écologique qui est intensif.
Concrètement, cela signifie, par exemple, l’utilisation de la méthanisation pour chauffer les serres ou le recours à des variétés de plantes plus résistantes à la sécheresse et qui ont besoin de moins d’engrais.
Mais Michel Griffon veut aller plus loin : en s’appuyant sur les principes de la viabilité des écosystèmes et des sociétés, il propose de créer une agriculture durable, dans un cadre d’écosystèmes eux aussi durables, pour des sociétés économiquement et socialement viables. « L’agriculture nous oblige à dépasser nos paresses, ne serait-ce que pour une raison : elle est multiple », nous dit Erik Orsenna dans sa préface au livre de M. Griffon. « Michel Griffon nous prouve qu’il faut tout à la fois lutter contre les idées générales, la plaie car paresse de l’esprit, et nous contraindre à une culture toujours plus ouverte… »
L’Agriculture Écologiquement Intensive se développe en France
Des agriculteurs français appliquent déjà les principes de l’AEI de multiples façons. Ainsi, Jean-Yves Ménard et ses quatre associés au GAEC des Buissons à Saint-Lambert-la-Potherie (Maine et Loire) ont installé récemment un Microferm, système qui produit électricité et chaleur à partir du lisier de l’exploitation. Cette unité de micro-méthanisation, nouvelle génération, convertit les effluents de ses 115 vaches laitières, mélangées avec la menue paille, les eaux de la salle de traite et les refus d’alimentation, pour produire 400.000 kWh d’électricité revendus à EDF et 250.000 kWh de chaleur, qui permet de chauffer trois habitations et l’eau du robot de traite.
Autre exemple : Stéphane Bodiguel, dans le canton de Pipriac en Ille-et-Vilaine, pousse l’idée plus loin en reliant son méthanier à trois bassins d’eau où il fait pousser la spiruline, micro-algue aux propriétés étonnantes. La chaleur générée par la fermentation du fumier et du marc de pomme permet de maintenir l’eau des bassins à 36° pour permettre le développement de ce micro-algue. « La spiruline est riche en protéines, dit Stéphane. Reste à savoir si le produit pourrait nourrir les animaux. Ses effets ont déjà été prouvés sur les chevaux de course, meilleurs à l’effort. »
Enfin, à Blou (Maine et Loire), Jean-Marc Poirier expérimente un système d’irrigation au goutte-à-goutte pour ses maïs sur une parcelle de trois hectares. Par rapport à son ancien système d’arrosage avec un enrouleur, il tire la conclusion suivante : « Si le coût est un peu supérieur, je consomme moins d’eau et je gagne en qualité d’arrosage. Il n’y a pas de volatilité et je peux également faire de la ferti-irrigation. La gaine va mettre en terre une forme de bulle d’eau que les racines du maïs vont aller chercher pour se nourrir.(4) »
D’autres expériences sont en cours : utilisation de robots pour arracher les mauvaises herbes, double cultures pour diminuer les parasites et améliorer la qualité du sol, sondes numériques pour envoyer des renseignements sur le champ, capteurs de méthane dans les étables.
Une idée de sortie : les Terrenales 2015
Vous pouvez voir tout ça et plus encore en vous inscrivant sur le site des Terrenales 2015 ! Les visiteurs y verront, sur huit hectares, une centaine de solutions concrètes aux problèmes quotidiens des agriculteurs : nourrir les animaux, contrôler les insectes, trouver des variétés adaptées aux changements climatiques, améliorer la qualité des sols, ou encore trouver de nouveaux outils numériques ou robotiques.
Merci Paul pour votre réponse. N’ayant pas le temps de lire Michel Griffon ces temps-ci, je viens de parcourir un peu le net. Je viens de faire un commentaire à nouveau sur une vingtaine de lignes 🙂 pour bien argumenter, mais l’ai perdu en oubliant de remplir les champs Nom et email ; tant pis : pour résumer sans argumenter plus, je pense que le modèle de Michel Griffon reste enfermé dans le paradigme actuel, y compris économique, ignore superbement une vision systémique réelle, ignore également la dimension sociétale et démocratique nécessaire qui inspire les pratiques du bio au sens large (agro-écologie, agro-foresterie, permaculture, …), et bien d’autres choses. Ce n’est qu’une tentative pour éviter une remise en question du modèle dominant en le faisant évoluer certes utilement, mais à la marge, ce qui veut dire continuer à le cautionner contre vents et marées.
D’ailleurs, Michel Griffon affirme que le plafonnement des rendements est « à cause du changement climatique ». Très pratique pour encourager les agriculteurs intensifs à continuer de se déresponsabiliser et à ignorer superbement les voix de ceux qui les enjoignent à changer de paradigme. Et intéressant de voir que ceux qui participent si activement à saboter tout effort pour limiter le réchauffement global du climat s’en servent maintenant pour détourner l’attention de leurs propres actes destructeurs.
Il y a énormément à dire sur ce point croustillant. Mais, pour commencer, Michel Griffon « oublie » que ces faux « rendements » (j’insiste : faux parce qu’ils externalisent les destructions collatérales, tous les coûts réels, ce que l’on trouve pratique de ne pas inclure dans leur calcul…) sont d’abord une conséquence logique d’une chose très simple : l’agriculteur intensif détruit ses sols ; en premier lieu, il en détruit la microbiologie, pourtant à la base de tout ce qui pousse depuis des centaines de millions d’années et avec des rendements tellement meilleurs que les tentatives arrogantes de l’agriculture artificielle. Et passons sur le lessivage des sols par manque de bon sens concret (un comble dans l’agriculture), et bien d’autres choses.
Donc, à la lumière de ces éléments et quelques autres, je maintiens et vais même plus loin que mon commentaire précédent : le modèle de Michel Griffon est un mauvais modèle.
Bonjour, je viens de lire tout le fil des commentaires que je trouve d’une excellente qualité. Merci à tous pour le temps passé à détailler votre contre-argumentation.
Je n’ai rien à rajouter, si ce n’est que le grand public ne comprendra pas de la même manière que nous tous le terme « Agriculture écologique intensive (AEI) ». En effet, celui-ci amène à penser que l’agriculture écologique n’est pas aboutie, qu’elle est moins optimisée, moins rentable… moins quoi ! On a l’impression que l’AEI se place comme une agriculture écologique 2.0 qui s’auto-imposerait face à l’agriculture écologique, laissées aux marginaux, dans le contexte du système technico-productiviste mondial actuel vendu comme le seul possible et/ou souhaité.
Pour moi c’est de la manipulation.
Il me fait penser au terme « développement durable » qui est aussi antinomique et vendu à la sauce « étiquette verte sur l’emballage en plastique de produits dont l’obsolescence a été programmée pour raison économique.
Voilà donc la cause des causes : la nécessité d’un réel changement de paradigme économique et sociétal et non plus le patching d’un système déjà en déclin, ce que fait exactement l’AEI.
Pas inintéressant, sauf qu’on a l’impression que c’est simplement des exploitations qui limitent leurs rejets, cherchent à les rentabiliser ou diminue leur cout. De toute façon, écologique et intensif sont des termes qui sont totalement antonymique. Les choses que la nature produit de façon intensive, quelque soit les conditions, sont d’ailleurs souvent nuisibles.
En fait ce n’est pas de l’agriculture bio, c’est l’illusion de faire croire que c’est mieux, tout en ne changeant pas le principal.
« » »des variétés de plantes plus résistantes à la sécheresse et qui ont besoin de moins d’engrais. » » »
Le moins d’engrais dit exactement ce qu’il veut dire.
MONSANTO a décidément encore bien de beaux jours devant lui…!
Vous êtes un peu sévère là, Janine. Lisez le livre de Michel Griffon avant de décider si c’est totalement illusoire, voire malhonnête (cf votre deuxième commentaire plus bas). Mieux: venez à St. Martin les 28 et 29 mai et parlez vous-même aux agriculteurs!
Bonjour Paul,
Je suis en AMAP Bio, notre Agriculteur est certifié bio, nous avons du pain bio avec un Artisan-boulanger certifié bio, nous avons des pommes également avec un arboriculteur bio certifié, des oeufs bio avec des producteur bio certifié, du miel, du café, de la viande de boeuf de veau, d’agneau… le tout est bio. Le tout n’est pas plus cher, on mange différemment. Moins de viande, mais celle-ci est bien meilleure… Nous n’avons pas d’obèse dans notre AMAP…!
C’est pourquoi j’ai une autre vision sur l’alimentation et notamment le bio, qui me revient moins chère qu’en achetant dans le commerce auparavant en non bio.
Notre agriculteur, au début ne pouvait pas alimenter plus de 90 personnes. C’était il y a 8 ans. A présent il alimente 120 personnes.
Je préfère manger propre, que de manger MONSANTO. Les agriculteurs sont les premiers touchés par tous les engrais, pesticides, insecticides, OGM… Bref, le jour où tous auront compris qu’il y va de leur santé, déjà en premier, et de toute la population… L’agriculture sera bio.
De plus je suis également dans ma AMAP, la Présidente de l’Association Locavores, c’est à dire que nous recherchons d’autres produits bio… si ceux-ci passent sous contrat, ils sont ensuite inclus à l’AMAP, sinon, ils restent Locavores…
C’est pourquoi, je suis contre l’intensif qui ne respectera jamais véritablement la nature et l’homme dans son ensemble.
A agriculture écologiquement intensive, je préfère :
Agriculture biologique, qui est écologique et c’est prouvée. L’agriculture écologiquement intensive, je suis contre, car le terme trompera beaucoup de personnes qui vont s’imaginer que celle-ci est la même chose que le bio…, le mot écologie pour beaucoup de personnes sonnent bien… et je suis certaine que ce mot n’a pas été choisi pour rien…
Bien à vous…
Bonjour,
Merci pour cet article intéressant. Toutefois, je ne comprends pas pourquoi des agriculteurs cherchent « une 3e voie » (même si j’aime en général beaucoup d’idée de 3e voie) alors qu’ils n’ont tout simplement pas encore cherché à comprendre la logique du bio (qui, elle-même, fournit d’ailleurs déjà de multiples modes de culture : il n’y a pas de voie unique, en bio). On n’explore vraiment une 3e voie que lorsqu’on en connait déjà 2, ce qui n’est pas leur cas. Une connaissance des sols, une pensée pragmatique et systémique, une indépendance par rapport aux discours des multinationales, relayées par un syndicat majoritaire qui va jusqu’à soutenir de les priver de leurs propres semences, … Comment espèrent-ils faire l’économie de toute cette démarche ? Peu importe qu’ils appellent « bio » ou pas le fait de passer à des modes de culture intégrant toute la vision globale nécessaire et disponible aujourd’hui, mais qu’ils fassent la démarche avant de s’élancer vers une 3e voie s’ils ne veulent pas que ce soit un nouvel enfumage.
Et pourquoi tant d’efforts pour éviter le « bio » même s’il marche techniquement mieux, de façon tangible ? Un blocage idéologique ? Une fierté mal placée qui leur interdirait de passer au « bio » après l’avoir déjà tant décriée au nom de cette même fierté mal placée, flattée par une industrie dont les velleités sont encore relayées par trop d’écoles d’agro ? Une difficulté à se remettre en question, et à reconnaître les faiblesses des concepts qu’on leur fait répéter, comme celui de « rendement à l’ha » ? Un faux rendement illusoire, d’ailleurs, qui condense une grande partie des erreurs du modèle intensif, car il ne tient compte pas de l’énergie dépensée – gaspillée – en amont et en aval de la récolte pour produire ces fameux quintaux à l’ha ; il faut souvent plus d’énergie perdue que l’énergie qui sera récoltée – un comble quand on prétend nourrir l’humanité – sans parler des nombreux coûts cachés de modes l’exploitation destructifs.
Comment inventer de nouveaux modes de production sans répondre à l’ensemble de ces questions et à d’autres, comme la diversité et la liberté nécessaires des semences ?
Peut-être l’article n’en dit-il pas assez sur ces questions alors que le modèle présenté les traite ? Merci de vos précisions si vous le voulez bien.
Cordialement.
C’est uniquement pour faire croire que ce sera propre, alors que ça ne le sera pas.
Merci Luco pour ce commentaire détaillé. Je ne suis pas spécialiste, donc ne peux pas répondre sérieusement à vos objections. Comme à Janine je dirais: lisez le livre de Michel Griffon et venez parler aux 100 exposants aux Terrenales les 28 et 29 mai avant de décider si c’est du sérieux ou pas.
Merci Paul pour votre réponse. N’ayant pas le temps de lire son livre pour l’instant, j’ai parcouru le net rapidement. Un article dans les Echos de Michel Griffon donne un peu la température : http://www.lesechos.fr/idees-debats/sciences-prospective/0204159076567-michel-griffon-lagriculture-de-demain-sera-ecologiquement-intensive-1095127.php
Je n’adhère pas à son modèle. Il va sûrement prendre de la place mais on reste finalement sur le paradigme habituel : une fuite en avant technique sans remettre en cause les idées nocives. Le modèle économique (et antidémocratique d’ailleurs) de l’agriculture intensive est le même. Et toujours pas de retour aux fondamentaux qui ne sont pas monétisables et appropriables par la recherche finalisée par le brevetage et le commerce des multinationales. Donc mauvais modèle : si les mêmes acteurs gardent la main sur le paradigme, il n’e s’agit pour elles que d’opportunisme et, cherchant à écarter les modèles alternatifs (le bio au sens large, pourtant bien plus performant au regard des besoins globaux à satisfaire dans le monde : agroécologie, agroforseterie, permaculture, …), rien ne les empêche alors de faire la pluie et le beau temps et de revenir plus tard à n’importe lesquelles de leurs pratiques habituelles, même les plus destructrices, lorsque c’est ce qui leur rapporte le plus, en externalisant les dégâts et les coûts comme elles le font actuellement.
Car le paradigme du « bio » (toujours au sens large des pratiques innovantes qui fleurissent et démontrent leur efficacité partout dans le monde) inclut aussi une dimension sociétale forte, économiquement beaucoup plus saine et robuste, en plus d’une vue écologique bien plus assurée (réellement systémique).
Petit détail qui ne trompe pas : Michel Griffon affirme que les rendements (qui sont faux, comme je l’ai déjà souligné, puisqu’ils externalisent tout ce qu’on préfère ne pas faire entrer dans leur calcul…) plafonnent « à cause du changement climatique ». C’est intéressant de voir comme ceux qui soutiennent les modèles économiques détruisant les équilibres naturels et faisant leur possible pour saboter les engagements face au réchauffement climatique (qu’ils nient souvent) l’utilisent maintenant pour justifier du fait que les rendements plafonnent…
Ce qu’il ne dit pas, c’est que les (faux) rendements plafonnent parce que les agriculteurs intensifs ont tué leurs sols et les écosystèmes qui font la fertilité dont a besoin l’agriculture. En ignorant et détruisant la microbiologie du sol, et en interdisant aux plantes de s’appuyer sur l’écosystème pour évoluer sainement, il y a forcément un moment où les rendements à l’ha plafonnent.
Pourquoi, quitte à être dans des modèles idiots, ne pas faire des plantes à la lumière artificielle ? Ou en milieux aseptisés ? (Ça se fait déjà, bien sûr, ains que le hors-sol). Les rendements plafonneraient aussi : parce qu’on oublie que les plantes fonctionnent à l’énergie solaire et que la microbiologie fait partie du système qui fait pousser tout ce que nous avons connu depuis quelques centaines de millions d’années. Si l’on supprime ces fondements, on peut s’étonner des « rendements » qui plafonnent et accuser un mal sur lequel « on ne peut rien », le changement climatique (qui est bien réel), ou n’importe quoi d’autre pour que les agriculteurs intensifs ne remettent toujours pas en questions leurs pratiques… Une bonne petite explication à la sauvette, et on se déresponsabilise à peu de frais (je peux détruire mes sols et ignorer les voix qui m’enjoignent de changer de pratique : ce qui arrive n’est pas ma faute, c’est la faute du climat : la nature est décidément mal faite !).
Cette approche révèle donc le manque de vision systémique et l’incapacité à remettre le paradigme en question.
Donc, j’insiste : pour ces raisons, je crois que le modèle de Michel Griffon est un mauvais modèle.