Non, tout n’est pas qu’instinct. Une étude parue dans la revue Science démontre que, comme les êtres humains, les animaux sont à même de développer et transmettre une culture.
Une forme d’héritage culturel répandue dans la nature
Entre animaux et humains, quelles frontières et quelles différences ? Certes, nous ne sommes que des animaux évolués et doués de conscience. Mais on estime que le fait de développer une culture et des traditions se transmettant de génération en génération nous différencie au fond du règne animal. Finalement, nous ne cessons d’en apprendre sur les animaux et les choses ne sont pas aussi simples et binaires que l’on pourrait le supposer. En réalité, tout comme le font les êtres humains, les animaux se transmettent également traditions et culture, et pas seulement les animaux de compagnie.
C’est ce qu’est parvenue à déterminer une équipe de scientifiques de l’Université de St Andrews, en Écosse. Pour ce faire, ils se sont fondés sur des données portant sur pas moins de sept décennies de comportements animaliers. La culture n’est donc pas, ou plus, le propre de l’homme. « La culture peut être définie comme tout ce qui est appris des autres et est transmise à plusieurs reprises de cette manière, formant des traditions qui peuvent être héritées par des générations successives, expliquent les chercheurs en introduction de cette étude. Cette forme d’héritage culturel était autrefois considérée comme spécifique aux humains, mais les recherches menées au cours des 70 dernières années ont plutôt révélé qu’elle était répandue dans la nature, imprégnant la vie d’une diversité d’animaux, y compris toutes les principales classes de vertébrés ».
Les espèces animales apprennent et transmettent
Ainsi, « au cours du siècle actuel, on a constaté que la portée de la culture animale s’étendait à de nombreux domaines comportementaux différents et reposait sur une série de processus d’apprentissage social facilités par une variété de biais sélectifs qui améliorent l’efficacité et l’adaptabilité de l’apprentissage ». Les espèces animales apprennent et transmettent donc, au point de passer et de développer leur propre culture au fil du temps. Des habitudes voire des traditions solidement ancrées qui sortent du pur champ des comportements innés, dictés par le seul instinct.
Les premières preuves de la culture animale sont apparues au milieu du XXème siècle, rappelle cette étude, avec la découverte des dialectes régionaux du chant des oiseaux et la diffusion du lavage des patates douces chez les singes japonais. Puis, des études à long terme sur les chimpanzés sauvages et les orangs-outans ont révélé des cultures complexes composées de multiples traditions couvrant divers aspects de la vie des singes, allant de l’utilisation d’outils jusqu’au comportement social et sexuel. Aujourd’hui, il ne fait donc « aucun doute que la culture est répandue parmi les espèces animales, tant vertébrées que invertébrées, marines et terrestres ».
De quoi bousculer les fondamentaux de l’évolution
Cette découverte doit questionner notre rapport au monde animal, en ces temps où de trop nombreuses espèces sont menacées. « Reconnaître que d’autres espèces ont une culture complexe et variée a des implications pour la conservation et le bien-être et pour comprendre l’évolution de cette composante essentielle des sociétés animales, y compris la nôtre, » soulignent ces chercheurs. C’est pourquoi il faut continuer à imaginer et développer « des méthodes innovantes pour identifier et retracer les cultures animales dans la nature ».
Au-delà, la richesse de ces découvertes sur les cultures animales doit amener demain à approfondir d’autres questions : les cultures animales évoluent-elles, cumulativement, comme les cultures humaines l’ont fait au cours des millénaires passés ? À quel point les cultures humaines et animales doivent-elles désormais être perçues comme étant proches, et au fond quelles différences clés subsistent encore ? La place de la culture dans la vie des animaux pourrait bien nous amener à remodeler entièrement notre compréhension de l’écologie comportementale, voire les principes fondamentaux de l’évolution en général.