L’arbrasson chante sous la simple caresse de la main, c’est la promesse poétique faite par cet instrument de musique taillé dans le végétal. A l’origine de ces objets musicaux, José Le Piez, ancien élagueur à la ville de Paris, passionné par les arbres et la sculpture. Zoom sur l’envolée féérique que nous propose cet instrument pas comme les autres.
L’arbrasson : un instrument taillé dans le végétal
L’idée de cet instrument est venue à José Le Piez lorsqu’il a commencé à tailler les abres. C’est en frottant un jour par hasard sa main sur l’une de ses sculptures, qu’il se rend compte que le bois émet des sons.
De là est né l’arbrasson, un objet vivant qui émet des sons au contact d’un effleurement. Peu connu du public, ni à corde, ni à vent et dépourvu de caisses de résonance, cet instrument existe déjà en Nouvelle-Irlande (Papouasie), sous la forme de « tambour à friction ».
Comme l’explique José Le Piez, l’histoire de son arbrasson n’a rien de banal « Je l’ai amené au musée du Quai Branly et les ethnomusicologues m’ont appris qu’un instrument similaire existe en Nouvelle-Irlande, une petite île de Papouasie. Il s’appelle le livika, c’est un instrument funéraire, il doit imiter la voix de l’âme des morts et sert à demander réparation pour cette injustice dans la répartition des richesses. C’est une question très contemporaine, qui me parle beaucoup, ce qui donne d’autant plus envie de découvrir cet instrument ».
L’arbrasson : un héritage familial
Les racines familiales de José Le Piez ne sont pas étrangères à la création de l’arbrasson. Son grand-père, forestier, lui disait « Pose toi et écoute bien derrière les oreilles ! Les arbres sont si timides qu’ils imitent les oiseaux pour que l’on ne les remarque pas ».
Des paroles d’un homme pourtant peu poète, qui ont marqué l’enfant, devenu artiste, puis arboriste grimpeur et sculpteur d’arbres.
C’est ainsi qu’il est devenu le créateur d’instruments inédits, entaillés de lames vibrantes et qui étonnent ceux qui les ont vus ou écoutés de près. En effet, ces derniers produisent des sonorités profondes et aériennes, qui échappent à toute classification.
Ils nous mènent dans un monde musical aux confins de la nature et nous parlent un langage profond et ancien, le langage des sens.
L’arbrasson : une création artistique et 100 % végétale
Pour réaliser ses arbrassons, José Le Piez taille les arbres à l’aide d’une tronçonneuse. Et cela, sans avoir au préalable préparé de croquis.
Mais le résultat final est toujours surprenant car la diversité des notes et la puissance de l’instrument dépendent du bois utilisé. Il souligne « Je fais des séries d’entailles dans des morceaux d’arbres morts et j’essaye de suivre la dynamique du bois. Chaque entaille va donner une note et le tout crée ensuite une ligne mélodique. Le cèdre va donner une attaque très douce. L’érable a une puissance sonore très très forte ».
L’arbrasson : sa musicalité dépend des éléments naturels
José Le Piez a réalisé une expérience pour le biologiste des arbres, Francis Hallé.
Résultat ? Les notes de l’instrument dépendraient également de l’humidité et de la lune !
Pour avoir un aperçu, regardez plutôt :
Le sculpteur explique « J’ai taillé dans un même arbre deux arbrassons totalement identiques mais à deux moments différents, l’un en lune montante l’autre en lune descendante. On obtient une même ligne mélodique mais avec une différence d’un demi-ton, ce qui est énorme ».
La théorie vient confirmer celle défendue par le chercheur et spécialiste de chronobiologie, Ernst Zürcher, qui certifie que l’évolution du diamètre des troncs des arbres s’exécute pendant la période des marées, donc sous l’influence de la lune.
Selon les bois utilisés, les sons qui s’en échappent peuvent ressembler à des chants d’oiseaux, des plaintes, des polyphonies et même à des aboiements !