En Inde, la naissance d’une fille n’est pas synonyme de bonheur dans la plupart des familles. La société patriarcale très traditionnelle implique que les hommes soient le pilier de la famille et de l’économie du foyer, alors que les femmes, elles, sont perçues comme une source de dépenses. Bien que la loi de l’Inde l’interdise depuis 1961, le paiement d’argent ou d’une dote par la famille de l’épouse à celle de l’époux reste très habituel dans tout le pays. Ce type de pratiques peut avoir des conséquences inhumaines, comme le foeticide des filles, surtout chez les familles les plus démunies.
Le village de Piplantri au Rajasthan, a décidé de changer la donne en mettant sur pied le projet Kiran Nidhi qui consiste à planter 111 arbres pour chaque fille née.
Une centaine d’arbres pour soutenir le futur de femmes
Le familles adhèrent au projet sur une base volontaire, et prennent la responsabilité de planter et d’entretenir 111 arbres pour chaque nouvelle fille née. Cet engagement peut être complété par un dépôt de 21.000 roupies (un peu plus de 270 euros) pour le futur de ses filles. Le reste du village de Piplantri contribue aussi à hauteur de 10.000 roupies supplémentaires.
L’instigateur du projet est le maire du village, Shyam Sundal Paliwal, réfléchissait aux moyens d’améliorer l’assainissement et l’environnement de Piplantri quand il apprit le décès par déshydratation de sa fille. Ce drame fut le déclencheur final du projet Kiran Nidhi, nommé d’après la jeune défunte.
Malgré son caractère volontaire, le projet rencontre un grand succès : presque 300.000 arbres ont été plantés sur les 2.000 hectares dédiés à cette plantation originale. Le projet apporte donc des bénéficies majeurs pour l’environnement, mais aussi pour le futur des filles, qui trouvent dans les arbres une source de nourriture et de revenus.
Le maire de Piplantri assure que les familles sont moins réticentes à avoir des filles dorénavant, et ce grâce aux bénéfices économiques de la plantation d’arbres.
Les inégalités en Inde
Il n’existe pas de chiffres précis sur les inégalités homme-femme en Inde, mais les recensements de la population montrent ces disparités.
Ainsi en 2011, on comptait 94 femmes pour 100 hommes. Or, au Rajasthan, cette proportion est plus basse et tombe à 92 femmes pour 100 hommes. La situation est plus inquiétante encore dans le cas des enfants âgés de moins de 6 ans : 88 filles pour 100 garçons, alors que la proportion naturelle des sexes est de 103 à 107 hommes pour 100 filles.
En Inde, malgré les interdictions légales de pratiquer des avortements en raison du sexe de l’enfant, et même de prédire le sexe du foetus, les recensements indiquent toujours une préférence nette pour les bébés de sexe masculin.
58 % des femmes en Inde sont mariées avant l’âge de 18 ans
Selon UNICEF, l’Inde est le quatrième pays du monde en termes de mariages prématurés. En effet, chaque trois secondes, une fille mineure est mariée de force, 58 % des femmes ont été unies à des hommes avant l’âge de la majorité, et plus d’un quart de la population féminine du pays s’est mariée à moins de 15 ans.
Ces chiffres affolants montrent l’urgence qu’il y a à agir pour assurer un futur meilleur aux femmes indiennes, et empêcher que des pratiques telles que les foeticides ou les mariages prématurés, ne se développent encore plus.
Selon les calculs du gouvernement local de Piplantri, après 18 années de vie, quand les filles ont la majorité d’âge, chaque arbre peut avoir un valeur marchande de 50.000 roupies. Ce qui fera un total de plus de 5 millions de roupies (environ 71.000 euros), à disposition de chaque femme.
Les bénéfices de planter des arbres
La plantation d’arbres de plus de 200.000 hectares a eu de multiples effets bénéfiques pour le village de Piplantri dont les mines de marbre, moteur économique de la région, avaient détérioré l’environnement. Le village était presque désertique du fait des déchets produits par l’activité minière : ils empêchaient l’infiltration des eaux, ainsi que la croissance de la végétation. À présent, les arbres ont créé un nouvel équilibre naturel, en favorisant l’accumulation d’eau et la fertilisation des terres.
Autre point positif, le projet a favorisé l’apparition de coopératives de production et vente des dérivés d’aloe vera : les femmes de Piplantri ont commencé à faire pousser ces plantes afin d’éloigner les termites des arbres de la plantation. Ces 300.000 aloe vera ont rapidement permis de relever le niveau de vie du village, grâce à des bénéfices s’élevant à près de 200 roupies (26,5 euros) par jour. Parallèlement, d’autres projets voient aussi peu à peu le jour, comme la fabrication artisanale de meubles et d’autres objets.
Les familles de Piplantri ont aussi pris conscience de l’importance des arbres et de l’environnement. Et les filles décorent leurs arbres avec des cordes et des pierres de couleurs comme symbole de respect et de protection.
Lae gouvernement local de Piplantri a également commencé à planter 11 arbres pour chaque décès dans le village, afin d’honorer la mémoire du défunt et montrer sa connexion avec la nature.