Chaque actualité ou décision concernant le nucléaire tend à réouvrir un débat vif et souvent polémique sur le sujet stratégique de l’approvisionnement en énergie. La question concerne en effet chaque citoyen qui est forcément un consommateur d’énergie.
Le choix de la filière nucléaire pour la production d’électricité a été fait il y a maintenant plus de 50 ans, une histoire jalonnée de multiples péripéties techniques, politiques, économiques, environnementales et sociales.
Le débat que relance la fermeture de Fessenheim est plutôt celui de la sortie du nucléaire :
- Nécessaire et acté politiquement, le désengagement fait clairement partie de la transition énergétique et le plan doit maintenant être mis en oeuvre concrètement.
- Incompréhensible et paradoxal à l’heure où s’impose la réduction des émissions de carbone, l’arrêt d’un outil de production d’énergie décarbonée doit être retardé ou remis en question.
Pourquoi se priver d’une énergie « décarbonée » ?
La question est pertinente. Ce mode de production, comparé aux centrales à charbon qui fonctionnent dans le monde, est faiblement émetteur de carbone. Le remplacer par des énergies fossiles serait donc en contradiction avec l’accord de Paris. Mais, selon les tenants de la prolongation, la substitution par des énergies renouvelables est irréaliste :
- L’électricité renouvelable progresse mais ne peut remplacer la production nucléaire. L’hydroélectricité est majoritaire ( 52 % en 2019 ) mais les sites importants sont quasiment tous exploités. L’éolien progresse mais connait des controverses, le solaire mobilise de très grandes surfaces.
- La production renouvelable, tributaire des conditions météorologiques, ne peut être ajustée à la demande sans systèmes couteux de stockage et sans une refonte du réseau et des principes de régulation.
- Les énergies renouvelables n’ont pas un bilan carbone décisif par rapport au nucléaire. Elles ne sont pas non plus exemptes d’autres impacts ni de dépendances.
- Même si elles ne sont pas sans inconvénient, les centrales nucléaires sont là, elles sont opérationnelles, contrôlées par l’ASN, organisme jugé sérieux et indépendant qui atteste de leur sureté.
- L’arrêt d’une centrale comme Fessenheim pose pour le territoire des problèmes sociaux et économiques en termes d’emploi et de développement local.
N’est-il pour autant pas urgent de sortir de l’impasse du nucléaire ?
Selon les tenants du désengagement, les enjeux du carbone n’ont pas fait disparaitre les problèmes de sécurité, de gestion des déchets, de contrôle démocratique que pose la technologie nucléaire et ne doivent par conséquent pas servir d’alibi à une prolongation des programmes :
- Les leçons de Tchernobyl et Fukushima doivent être tirées. Pour le site de Fessenheim, aux risques communs à toutes les centrales, s’ajoutaient le risque sismique, le risque d’inondation par le canal voisin, l’impact grave sur la ressource en eau potable de tout le bassin rhénan en cas de fuite radioactive dans la nappe phréatique(1).
- Le désengagement s’amorce dans la plupart des pays et la poursuite dans cette voie isole la France, prive cette industrie de débouchés et la conduit dans une impasse économique (voir démission du directeur financier d’EDF Thomas Piquemal le 16 février 2016)
- Les dépassements de budget et les retards des projets de centrales EPR, de gestion des déchets, les couts de démantèlement engloutissent des sommes considérables sur le long terme qui pourraient être investies dans d’autres scénarios de transition énergétique.
- Solaire, vent et biomasse permettent une réappropriation du sujet énergie par les territoires. Le citoyen qui peut participer aux décisions et investir devient acteur de son énergie.
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Le nucléaire peut-il contribuer à décarboner l’énergie ?
Le nucléaire assurait en 2017 plus de 70 % de la production d’électricité, mais l’électricité n’est pas toute l’énergie(2). L’électricité représente un peu plus du quart de l’énergie finale consommée en France quand les combustibles solides, liquides et gazeux d’origine fossile en représentent plus de 60 %. Oui, la contribution du nucléaire dans le défi carbone est incontestablement utile mais elle doit être relativisée et ne fait pas disparaitre pour autant les graves inconvénients de cette technologie.
L’ADEME a publié fin 2018 une étude sur l’évolution du mix électrique incluant la sortie du nucléaire(3).
Parmi les scenarios de transition énergétique globale, celui de l’association négaWatt propose une sortie des énergies fossiles ET du nucléaire. L’originalité de l’approche est de s’intéresser prioritairement à la réduction de la demande. Selon Négawatt, en effet, se focaliser sur la sobriété et l’efficacité permettrait de réduire drastiquement la consommation énergétique globale. Les énergies renouvelables pourraient alors prendre progressivement le relais.
En conclusion
L’arrêt de la centrale de Fessenheim est un acte symbolique fort mais il ne suffit pas à marquer définitivement une sortie volontariste du nucléaire. Remettre en cause cette sortie suffit encore moins à définir un scenario de transition énergétique.
Quelle que soit l’orientation prise, l’ampleur du défi climatique nécessite en priorité de réduire drastiquement notre consommation d’énergie. Il est également urgent de réduire notre dépendance aux énergies fossiles (pétrole, gaz), fissiles (uranium) non renouvelables mais aussi aux matériaux (métaux, terres rares) nécessaires dans le déploiement des énergies renouvelables.
Sauf à adopter une posture dogmatique, les décisions restent difficiles.
Une aberration integrale . Je prefere me promener au milieu des champs de lavande et d’oliviers plutot que de traverser des immensités de panneaux
solaires ( merci les Chinois ) et de voir ces monstruosités d’eoliennes
gigantesques , aussi peu productives que dispendieuses ( merci les lobbies )
Quand les gens recevront leurs factures proportionnelles aux delestages
ils se rejouiront moins . Tres tendance , l’hypothese l’emporte sur la certitude
À attendre sa fermeture depuis avant même son ouverture, il faut bien dire qu’il y a de quoi se réjouir de la nouvelle…
Et effectivement totalement d’accord, d’autres fermetures ne seront réellement d’actualité que quand nous aurons tant réduit notre consommation qu’elles n’auront plus d’utilité.
Super article, merci !