
Le 4 février 2025, le Sénat a examiné l’article 13 du projet de Loi d’Orientation Agricole. Ce texte, adopté en mai 2024 à l’Assemblée nationale, suscite une vive controverse en raison de son effet néfaste potentiel sur la protection des espèces protégées. En instaurant une présomption de non-intentionnalité, il change fondamentalement la manière dont les atteintes à la biodiversité sont sanctionnées. Jusqu’à présent, toute destruction d’espèce protégée pouvait entraîner des poursuites pénales sévères. Désormais, seules les infractions commises volontairement seront réprimées.
Un changement radical dans la réglementation environnementale
Avec l’adoption de l’article 13, la sanction en cas de destruction d’espèces protégées passe d’une peine pouvant aller jusqu’à trois ans de prison et 150 000 euros d’amende à une simple amende administrative de 450 euros. Cette évolution a été défendue par le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, qui y voit une mesure pragmatique visant à adapter la répression sans la supprimer, comme le souligne FranceTV Info. Selon lui, il s’agit de reconnaître la bonne foi des agriculteurs, qui peuvent être accusés à tort lorsqu’ils détruisent involontairement un habitat naturel.
Cette justification n’a pas convaincu les défenseurs de la biodiversité, qui y voient un blanc-seing pour la destruction des écosystèmes. Morgane Piederrière, chargée de plaidoyer pour France Nature Environnement, estime qu’il s’agit de « l’une des pires régressions du droit de l’environnement des dernières années ». Selon elle, l’article 13 crée un vide juridique qui permettra aux exploitants agricoles, mais aussi aux industriels et aux promoteurs immobiliers, d’échapper aux sanctions en invoquant l’absence d’intentionnalité.
La suppression des sanctions pénales pose une question fondamentale : comment prouver qu’un acteur a volontairement détruit une espèce protégée ? La difficulté à démontrer l’intentionnalité dans ces cas de figure signifie que de nombreuses atteintes à la biodiversité risquent désormais de rester impunies.
Lire aussi – Retour des néonicotinoïdes : une régression pour l’écologie et la biodiversité
Des associations écologistes en ordre de bataille
Les critiques ne se limitent pas aux militants de l’environnement. L’article 13 a suscité une levée de boucliers parmi les 38 associations de protection de la biodiversité qui dénoncent une régression de 35 ans dans le droit environnemental. Elles alertent sur un effet pervers du texte : non seulement il facilite la destruction d’espèces protégées, mais il pourrait également bénéficier aux chasseurs et aux industriels polluants, qui pourront désormais plaider l’absence d’intentionnalité pour éviter toute sanction.
Une pétition a été lancée par ces associations afin d’obtenir le retrait de l’article 13, dénonçant une manoeuvre législative précipitée qui a contourné les études d’impact environnemental et n’a pas été examinée par le Conseil d’État avant son adoption. Plusieurs ONG envisagent de saisir le Conseil Constitutionnel, estimant que le texte viole la Charte de l’Environnement, intégrée à la Constitution française.
L’article 13 n’a pas encore dit son dernier mot. Le passage final devant le Sénat est prévu pour mars 2025, et plusieurs amendements pourraient encore être déposés pour en atténuer les effets. Les associations écologistes, elles, ne comptent pas en rester là. Si le texte est adopté en l’état, un recours devant le Conseil Constitutionnel est déjà envisagé, et des actions en justice pourraient être menées pour contester sa conformité avec les engagements climatiques de la France.
Lire aussi
Apprendre à connaître la biodiversité ordinaire pour mieux la protéger
Abonnez-vous à consoGlobe sur Google News pour ne manquer aucune info !
A lire absolument




