Au beau milieu du parc des volcans d’Auvergne, une laiterie est accusée de souiller l’Auzon par des fuites récurrentes de ses eaux usées, depuis déjà quarante ans.
Du lait en partie exporté vers la Chine
Les vaches qui boivent de l’eau de source font-elles un meilleur lait ? C’est ce que l’on pourrait croire en découvrant la Société Laitière des Volcans d’Auvergne (SLVA), filiale du groupe Terra Lacta, plantée à 900 mètres d’altitude au coeur du parc naturel régional, à Saint-Genès-Champanelle (Puy-de-Dôme). Et les volcans, bien évidemment, la laiterie s’en sert pour promouvoir ses productions, faisant figurer le parc et ses volcans sur ses briques de lait.
Un argument de poids, quand on exporte 15 % de sa production vers la Chine… Mais une image d’Épinal en plein Massif Central.
&Car sur place, le son de cloche n’est pas tout à fait le même : une plainte a été déposée pour que la Société Laitière des Volcans d’Auvergne cesse de polluer la rivière Auzon avec ses rejets. La prise de conscience environnementale prend parfois du temps…
En effet, le ruisseau prend sa source sous la laiterie avant d’aller se jeter dans l’Allier. Or, d’importantes fuites dans les canalisations depuis septembre dernier, ont récemment rejeté à plusieurs reprises les eaux usées de l’usine directement dans le cours d’eau.
Des rejets de lactosérum
Résultats : le ruisseau a pris une couleur de lait dilué blanchâtre, tandis qu’une boue marron s’est déposée dans le lit du cours d’eau. Entre bactéries et odeurs d’égout, c’est tout le milieu aquatique qui est détruit par ces rejets, estime l’association des pêcheurs locale.
Deux enquêtes, administratives et pénales, sont actuellement en cours. Pour l’instant, les résultats des analyses, effectuées sur l’eau prélevée sur place n’ont pas été dévoilées publiquement. Mais les défenseurs de la nature craignent que l’on y trouve des traces de produits d’entretien, utilisés par l’usine pour nettoyer les cuves.
Une plainte a donc été déposée le 24 septembre 2018 pour « pollution du cours d’eau ». Le maire de Chanonat a pour sa part fait un signalement au procureur de la République. Du côté de la Direction départementale de la protection des populations (DDPP), on estime que, comme lors des pollutions passées, il s’agirait plutôt de sous-produits du lait : le lactosérum. Favorisant le développement de bactéries, et recouvrant le lit du ruisseau, il provoque un appauvrissement en oxygène de l’eau, et chasse les poissons de la rivière.
En revanche, selon le patron de la DDPP, les produits d’entretien (acide, soude…) ne seraient présents qu’en quantité infinitésimale, à l’état de traces, dans le cours d’eau.
Toujours des risques de déversement
Si la laiterie ne connaît en fait pas, faute d’en avoir les plans, le tracé exact de ses canalisations, des travaux ont tout de même été effectués en décembre dernier, suite à la dernière pollution de septembre 2018. Depuis 2016, SLVA dit avoir investi plus d’un million d’euros pour moderniser le site.
D’autres travaux devraient être effectués courant janvier. Leur but : déconnecter de l’Auzon le réseau d’eau pluviale dans lequel fuient les canalisations, et le rediriger vers une station d’épuration. À Theix, les abords du ruisseau ont également été nettoyés par une entreprise missionnée par la laiterie.
Dans un courriel envoyé à un collectif de riverains, Clermont Auvergne Métropole précise toutefois qu’ « en temps de pluie, il pourra y avoir un déversement dans le réseau public, mais ce sera un rejet à dominante eau claire ». Le souci de préserver l’emploi, cette entreprise employant 160 personnes et collectant le lait de fermes alentours, a sans doute longtemps retardé la prise de conscience de cette pollution. Mais protéger les emplois peut aussi se faire en protégeant la nature.