Biodiversité et consommation : l’état de la situation en France

Éthique et biodiversité – Les solutions – Ce que l’État français peut faire de plus

Quelles sont les dimensions éthiques de la préservation de la biodiversité ?

La biodiversité n’est pas une notion abstraite. C’est éthique et c’est économique. En effet, une fois qu’on a parlé des espèces, il faut parler des écosystèmes, qui nous rendent des services très concrets – renouvellement de l’eau en quantité et qualité, renouvellement de l’air, pollinisation, etc. Or 60 % des services vitaux qui sont fournis à l’homme par les écosystèmes sont déjà compromis.

On fait de plus face à une probabilité accrue de ruptures non linéaires, comme pour la morue en Amérique du Nord, dont les stocks ne se reforment pas, malgré l’arrêt de la pêche car on est allé au-delà du point de rupture.

Le grand enjeu est donc de sortir de l’opposition entre développement économique et la nature et de vouloir – ce qui est très français – contrôler la nature. En France, on n’arrive pas par exemple à vivre avec le loup contrairement aux Italiens et aux Espagnols. On a aussi aménagé toutes les rivières.

Protéger les espèces c’est aussi préserver les options pour l’avenir – on parle souvent des médicaments qui pourraient se trouver dans la nature. C’est préserver la capacité évolutive des processus écologiques, il ne s’agit plus de geler une nature sauvage, maintenu dans son état primitif à l’abri des interventions humaines. Il faut admettre que la nature c’est le cadre de notre développement.

Certains disent, « avec une telle idée de protéger la biodiversité partout, on ne pourra plus rien faire ». Que leur répondez-vous ?

Je leur réponds « non » ! On ne pourra pas ne plus rien faire, mais on ne pourra plus rien faire comme avant. Il faut sortir de cette opposition – la préservation de la nature implique une gestion fine des territoires, avec des zones protégées, et d’autres où il faut faire plus attention.

On doit admettre qu’on partage une histoire évolutive avec tous les êtres vivants. Cela invite à beaucoup d’humilité.

Quelles solutions voyez-vous pour ralentir le rythme de perte de biodiversité ?

En tant que consom’acteurs il y a vraiment des gestes qui font une différence. Pour le poisson par exemple, si vous vous renseignez, il y a moyen de faire des choix qui font une vraie différence.

Vous pouvez plus généralement revoir vos modes alimentaires. On ne peut pas tous manger sur le mode américain, avec trop de viande.

Est-ce que l’État français peut faire plus ?

Les espaces protégés sont indispensables, ce sont des réservoirs. Mais on ne peut pas en faire partout. Le plus important c’est le triptyque « éviter ; réduire ; compenser », dans cet ordre. Donc, d’abord éviter l’impact écologique. Si on ne peut pas l’éviter, il faut le réduire au maximum. Et une fois qu’on l’a réduit au maximum, on essaie de compenser. Mais il faut le faire dans cet ordre, sachant aussi qu’aujourd’hui on ne sait pas bien compenser.

Au-delà, il faut revoir notre politique d’urbanisme. On continue à manger de l’espace plutôt que de réutiliser les espaces déjà utilisés. Les décisions se prennent par habitude en reproduisant les savoirs faire, sachant que les élus locaux manquent de compétences dans ce domaine. L’éducation à la biodiversité est essentielle, à tous les échelons.