C’est décidé : le Canal Seine-Nord reliant le Grand Paris aux ports du Nord tels qu’Anvers et Rotterdam, verra le jour. Avec la validation du financement européen mi-juillet par les Etats membres de l’Union européenne, à hauteur de 42 %, le démarrage des travaux en 2017, pour aboutir en 2023, ne fait désormais plus de doute.
Canal Seine Nord : 13 milliards de grands projets d’infrastructure européens
La Commission européenne a proposé le 29 juin une participation au financement de grands projets d’infrastructure, dont le canal, « au titre du mécanisme pour l’interconnexion en Europe », aux côtés de projets tels que le redimensionnement du port de Calais ou encore le tunnel Lyon-Turin. Cette liste a été approuvée le 10 juillet par les gouvernements européens. Un total de plus de 13 milliards d’euros pour des projets « présentant la plus grande valeur ajoutée européenne ».
Dernière étape : une signature formelle fin juillet, mais les décisions d’engager les financements – les États français et belge complétant le financement nécessaire à la construction du canal – peuvent déjà être prises.
Une longue gestation, des craintes multiples
Malgré le désir de nombreux acteurs de réduire le transport de marchandises routier au faveur du fret fluvial, beaucoup moins polluant, cet accord intervient après des années de controverses.
La facture élevée – 4,5 milliards d’euros entre 2017 et 2023 pour la France, et 780 millions d’euros pour la Belgique – et la concurrence que le canal renforcera pour Le Havre face à Anvers et Rotterdam suscitent l’inquiétude. Ses détracteurs, comme Jean-Paul Lecoq, vice-président de la Communauté d’agglomération du Havre (PCF), ou le député-maire du Havre, Édouard Philippe (LR), demandent un plan global d’investissement pour les transports de marchandises de la région par voies fluviale, ferroviaire et maritime.
Le canal Seine-Nord : penser global, agir local
L’impact sur la vie économique du canal, connu plus officiellement comme le canal Seine-Nord-Europe, ne sera pas uniquement local. Au-delà des effets directs – les travaux sur le canal, les ponts, les écluses généreront environ 20.000 emplois en France et en Belgique -, l’effet à long-terme et géographique sera durable : entretien et utilisation de l’infrastructure, activité de navigation intérieure, chargeurs, infrastructures d’entretien
Dans une perspective large, le canal favorisera l’attractivité industrielle des territoires traversés, l’offre de transport multimodale facilitant la gestion en flux tendu pour les usines de la région. Moins de stocks sur place, et plus de stock qui flotte sur les barges permettre aux entreprises d’être plus compétitives.
L’eurodéputé Dominique Riquet (UDI, successeur de Jean-Louis Borloo à la mairie de Valenciennes et président fondateur de l’intergroupe au Parlement européen sur l’investissement de long terme, accueille donc la décision avec satisfaction : « il faut voir cette annonce au regard des enjeux de la mondialisation : on vient de doubler le canal de Panama, le Nicaragua parle de creuser un canal encore plus important, on va aussi doubler la capacité de Suez, la route de l’Arctique devient une réalité, les transporteurs montrent un grand intérêt par rapport aux routes du sud, tout ça va requalifier les canaux du nord : si nous voulons que la zone du nord de l’Europe ne soit pas déclassée, elle doit investir dans ses infrastructures de transport ».
Frédéric Leturque, maire d’Arras, partage cet avis : « Arras se situe à quelques kilomètres du tracé du canal Seine nord, qui va relier Cambrai, Arras et le nord de l’Europe, et permettre un développement économique tel qu’on ne pouvait l’imaginer avant l’approbation du projet. On va relier la région parisienne au nord de l’Europe. Le canal nous offre la possibilité de travailler à notre développement économique avec les zones d’activité et de favoriser l’intermodalité de manière très intéressante. Cela va apporter du travail, d’abord sur le chantier, et au-delà, en permettant à la région Nord-Pas-de-Calais de trouver sa vraie place dans le développement économique du nord de l’Europe ».
Accéder au hinterland d’Anvers
La concurrence pour le port du Havre sera réelle : il est classé en 50ème position au niveau mondial pour le trafic de marchandises et en 8ème au niveau européen pour le transport de conteneurs, loin derrière les ports d’Anvers (14ème port du monde, 2ème port européen) et de Rotterdam (4ème mondial et 1er d’Europe).
Toutefois, face à la réalité de la prédominance d’Anvers et Rotterdam, l’enjeu serait de permettre aux entreprises françaises d’accéder au hinterland de ceux-ci, selon Dominique Riquet : « il s’agit de faire en sorte que tout ce qui est derrière le port soit desservi par la logistique, par voie fluviale et par voie ferroviaire ». Car poursuit-il « dans l’économie du flux tendu, l’enjeu n’est pas que ça arrive vite, c’est que ça arrive à l’heure. Donc la capacité à avoir un stock flottant permet d’écrêter les coûts. »
Il cite l’exemple d’Airbus, qui vient d’ouvrir sa première usine de montage aux Etats Unis : « si vous devez faire venir des pièces d’empennage très importantes, c’est complexe, mais si votre chargement bargé peut être transporté sans rupture de charge, c’est un argument très fort pour réduire les coûts et faire fonctionner votre système industriel ».
Et va plus loin, arguant de l’opportunité d’articuler les grands lacs des États-Unis avec le bassin Seine Nord : « vous pouvez charger des barges de 4 à 7 milles tonnes autour du grand bassin industriel que sont les grands Lacs, les mettre sur des porte-barges et les ressortir par exemple à Anvers ou Le Havre sans rupture de charge sur le système ».
L’enjeu désormais pour tous les acteurs locaux : gagner des parts de marché par rapport aux grands ports du Nord de l’Europe, et des contrats sur le chantier du canal.
illustration : Péniche en Ile-de-France © Shutterstock
Et la liaison Rhin-Rhône, c’est pour quand?
Compte tenu du nombre de camions qui traversent la France entre les pays du nord et ceux du sud, ce n’est même plus une opportunité économique, c’est une évidence.
Et au surplus, cette liaison ne supprimera presque pas de terres agricoles.
Bonjour
une opportunité économique que j’entendais déja enfant dans le Nord de la France. Il doit y avoir presque 50 ans bientôt… il aura fallu attendre les indicateurs de pollution et les embouteillages des camions entre Paris et la belgique pour enfin comprendre. L’homme doit marcher dans le trou afin de comprendre que cela fait mal…
Pas encore fait, attendons…