Pollution de l’air, proximité de sites industriels ou agricoles, les raisons de l’augmentation des cancers ne sont pas toujours liées à nos modes de vie. Contrairement aux autres pays européens, en France, les statistiques exactes du nombre de cancers survenus ainsi que les données pour comprendre l’origine de ces hausses, sont difficiles à trouver.
Une forte hausse des cancers entre 1990 et 2018
En 2018, le nombre de nouveaux cas de cancers était estimé à 382.000 en France par Santé publique France. Le cancer de la prostate est le plus important chez l’homme suivi du cancer du poumon et colorectal. Chez la femme, le cancer du sein est le plus fréquent puis le cancer colorectal et celui du poumon.
Selon Santé publique France, une surmortalité est observée dans la partie nord de l’Hexagone pour les cancers du sein et colorectal chez la femme mais aussi dans la partie de nord et centrale du territoire pour les cancers de la prostate et colorectal chez l’homme.
De plus, entre 1990 et 2018, l’incidence (le nombre de nouveaux cas de cancers sur un an) a augmenté de 65 % chez les hommes (de 124.000 à 204.600 cas) et de 93 % chez les femmes (de 91.800 à 177.400 cas). Concernant les hommes, 20 % de cette hausse sont dus à l’accroissement de la population, 39 % à son vieillissement et 6 % à l’augmentation du risque de cancer.
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Il faut noter que le nombre de nouveaux cas est une estimation réalisée à partir de registres des cancers d’une partie du territoire seulement. Cela ne correspond en réalité qu’à 22 % de la population dans 22 départements. Le reste du territoire n’est pas représenté dans ces données. Il n’est donc pas possible de connaître le nombre exact de cancers en France pour une année.
« Cette méthodologie repose sur l’hypothèse que la zone géographique constituée par les registres est représentative de la France métropolitaine en termes d’incidence des cancers », indique Santé publique France dans son dernier bilan de 2019.
Des statistiques non représentatives
Comme le rapporte Reporterre, certains départements comme le Tarn, l’Hérault ou le Finistère inclus dans ces registres ne sont pas forcément impactés par les pollutions des sites industriels. Par ailleurs, les cancers survenus dans des grandes villes comme Paris, Marseille et Toulouse ne sont pas comptabilisés.
Le Monde s’est également intéressé au fait que les sites industriels étaient peu couverts par les registres des cancers. Dans cette enquête, le quotidien représente sur une carte les registres généraux et spécialisés en comparaison aux sites classés Seveso.
Alain Monnereau, président de Francim, le réseau des registres français, explique dans Le Monde, que créer des registres représentatifs de toute la population française coûterait beaucoup trop cher. Cela représenterait entre 60 et 70 millions d’euros par an.
« Nous avons déjà dû mal à obtenir les 10 millions d’euros nécessaires au fonctionnement des registres actuels. Voir trop grand pourrait menacer la pérennité du système en place. Or, le suivi, et donc le financement sur le long terme, est un élément crucial de cette recherche, » poursuit-il. De leur côté, certains experts souhaiteraient améliorer la représentation de ces échantillons et couvrir davantage les métropoles et les zones très industrialisées.
Des cellules de veille à proximité de zones à risques
En 2018, une étude menée par Santé publique France avait révélé qu’il y avait durant la période 1998-2007 une surmortalité de 28 % par cancer du poumon pour les hommes habitant une zone de 15 kilomètres autour du centre de stockage de déchets radioactifs de Soudaines (CSFMA) en comparaison aux autres zones des départements de la Haute-Marne et de l’Aube.
Le centre de stockage, exploité par l’Andra, contient des déchets radioactifs de faible et moyenne activité à vie courte depuis 1992. L’étude précise toutefois « il est à noter que l’incidence du cancer du poumon est déjà plus élevée dans l’Aube et la Haute-Marne que la moyenne nationale ». Ainsi, difficile d’établir « avec certitudes » ce lien de causalité du fait du manque d’informations sur les « caractéristiques individuels » des habitants de cette zone.
Avec les moyens actuels, la question est de savoir si Santé publique France pourrait mettre en place un dispositif de surveillance autour des sites à risques. Cet outil permettrait de cartographier en temps réels les cas de cancers enregistrés par le biais des hôpitaux et de les corroborer avec la localisation des patients (habitation, lieux de travail) et les zones à risques sur le territoire. À l’avenir, il serait pertinent pour chaque citoyen de disposer de ce type de cartographie ne serait-ce que pour être informé des risques lors d’un déménagement dans une zone particulière.