C’est aujourd’hui, jeudi 8 août 2019, que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) publie son rapport sur la contribution de l’utilisation des terres au dérèglement climatique et comment ces changements affectent en retour nos terres.
Les sols face au changement climatique – un nouveau « résumé à l’attention des décideurs politiques » du GIEC
Comment le réchauffement climatique affecte les terres agricoles et sylvicoles, ainsi que l’élevage et donc notre sécurité alimentaire ? À l’inverse comment nos pratiques ont un impact sur le climat ? Bref, quels sont l’avenir et le rôle des terres dans un contexte de changement climatique ?
Voilà les questions sur lesquelles s’est penchée la direction scientifique des trois groupes de travail du GIEC, en collaboration avec l’Équipe spéciale des inventaires nationaux de gaz à effet de serre et le Groupe de soutien technique du Groupe de travail III. Un rapport scientifique épais de 1.200 pages, rédigé par une centaine de chercheurs de 52 pays – dont, pour la première fois de l’histoire, une majorité d’auteurs de pays en développement !
« J’espère que ce rapport sensibilisera l’ensemble de la population aux menaces et aux possibilités que le changement climatique fait peser sur les terres sur lesquelles nous vivons et qui nous nourrissent », a déclaré Hoesung Lee, le Président du GIEC. Y sont abordées de nombreuses questions, comme celles de l’agriculture, des régimes alimentaires, de la déforestation, face à la nécessité d’assurer la sécurité alimentaire d’une population croissante et la lutte contre le réchauffement.
GIEC – Le saviez-vous ?
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat est l’organe des Nations Unies chargé d’évaluer la science liée au changement climatique, créé en 1988 par le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et l’Organisation météorologique mondiale (OMM)
Sa mission ? Fournir aux décideurs des évaluations scientifiques régulières sur le changement climatique, ses implications et les risques futurs potentiels, et pour proposer des stratégies d’adaptation et d’atténuation.
Le dilemme auquel on ne veut pas être confronté : Nourrir correctement les milliards de Terriens ou lutter contre le réchauffement climatique ?
L’agriculture industrielle, la production alimentaire et la déforestation, sont des facteurs importants du réchauffement climatique. Alors, sans grande surprise, le rapport confirme que face à la crise climatique, il est impératif de protéger les forêts et de transformer radicalement le système agricole et alimentaire mondial qui repose sur une surproduction et une surconsommation de viande. Et il faut mettre en place des actions à court terme !
Les constats
Entre le méthane de l’élevage, le protoxyde d’azote des engrais et le dioxyde de carbone des machines agricoles, l’agriculture bouleverse le climat représentant 23 % des gaz à effets de serre émis.
L‘expansion agricole grignote du terrain : prairies, tourbières et forêts, qui sont pourtant des écosystèmes pompant naturellement du CO2 de l’atmosphère pour le stocker dans les sols. Le cycle naturel permet de stocker 2.200 gigatonnes de carbone dans la végétation et les sols, ce qui représente presque trois fois la quantité de carbone retrouvée dans l’atmosphère. Globalement, les sols absorbent l’équivalent de 29 % de nos émissions de CO2. Mais ce puits de carbone pourrait s’épuiser…
Les terres deviennent plus sèches et moins fertiles. Ceci a un impact sur les rendements, la qualité nutritionnelle des cultures et les prix à plus long terme. On estime par exemple que les céréales pourraient augmenter de 23 % dans les 30 prochaines années, déstabilisant fortement les stocks et réserves alimentaires.
Pour Nicolas Vercken, Directeur campagnes et plaidoyer à Oxfam France : « Les terres sont centrales dans la lutte contre la crise climatique et la faim. L’agriculture industrielle, la déforestation et la multiplication des chocs météorologiques détruisent les terres, dont nous dépendons pour notre alimentation, et les populations les plus pauvres du monde sont les plus durement touchées. Nous devons mettre fin à l’agriculture industrielle destructrice et investir dans les approches agroécologiques qui stockent du carbone, améliorent la santé des sols et augmentent les rendements ».
Lire aussi : Rapport IPBES – Des preuves accablantes et inquiétantes du déclin de la biodiversité
Que faire selon les experts ?
Ils ont identifié 3 leviers pour parvenir à nourrir une population croissante tout en stockant un maximum de carbone atmosphérique dans les sols.
Gérer les forêts en luttant contre la désertification et la déforestation
Les préconisations incluent des mesures d’atténuation basées sur les terres et leur changement d’usage. Pour les experts, procéder à d’importantes conversions comme par exemple de reboiser des parcelles pour capturer du CO2 ou de dédier des champs aux bioénergies, etc., peut avoir des « effets secondaires indésirables » comme la désertification, la dégradation des terres… Cette approche risquant d’exacerber la faim et les accaparements de terres.
Adopter une agriculture plus respectueuse de la santé des sols
Changer notre mode de gestion des terres pour la production alimentaire vers des pratiques agroécologiques plus respectueuses (moins de labours, moins de produits phytosanitaires et une meilleure intégration dans un paysage plus varié intégrant des haies, des étangs, des forêts et des habitats rocheux, agroforesterie…).
Cela doit aussi passer par davantage d’investissements dans l’agriculture familiale, une prise en considération des femmes agricultrices, et de la défense des droits des peuples à leurs terres et leurs forêts.
Modifier les modes de consommation alimentaire
Il faut impérativement réduire la surconsommation ! Encore une fois rien de nouveau sous le soleil, mais il faut réduire drastiquement le gaspillage alimentaire et adopter des régimes alimentaires plus sains.
L’élevage pour soutenir la consommation de viande actuelle dans les pays développés nécessite les trois quarts de la surface agricole mondiale, soit pour les pâturages, soit pour la production de fourrage. Il faut donc réduire notre consommation de viande pour aller vers « des régimes sains et durables, comme ceux basés sur les céréales, les légumes et légumineuses, les noix et les graines ».
En conclusion
Le but des politiques doit donc être double : éradiquer la faim et atteindre zéro émission. Ils doivent rejeter les fausses solutions qui détournent la terre de la production alimentaire au profit de cultures destinées à la production d’énergie et à la capture de carbone.
Pour assurer la sécurité alimentaire d’une population croissante et lutter contre le réchauffement, une transformation majeure et durable de nos systèmes alimentaires et agricoles est absolument nécessaire !
Après le rapport rendu public en octobre 2018 sur les effets d’un réchauffement de 1,5 °C, et celui d’aujourd’hui, un autre rapport du GIEC est attendu en septembre qui portera sur les océans et la cryosphère (calottes polaires, glaciers de montagne et banquises) : les rapports alarmants du GIEC se succèdent…. Les politiques à qui ils s’adressent vont-ils les lire (et comprendre) ces informations scientifiques ? Suivront-ils les recommandations des experts pour élaborer des politiques climatiques efficaces ?
On en doute un peu en France où par exemple un projet de ferme-usine pouvant contenir 120 000 poulets pourrait voir le jour en Bretagne, avec l’aide de subventions publiques !
[ポンタ]