consoGlobe vous présente aujourd’hui un dossier original sur la question du régime. Trois volets articulent la démonstration de la psychanalyste Catherine Grangeard.
-> Lisez :
- la première partie – La chute du régime : pourquoi cette faim de régime ?
- la deuxième partie – La chute du régime : peut-on désirer une perte ?
Comprendre ce qui fait le succès des régimes sera notre fil conducteur.
Savez-vous que Dukan est numéro un des ventes en librairie ? Connaissez-vous les chiffres du marché de la minceur ? C’est énorme. Il est indispensable de saisir les mécanismes qui portent ceci et cela. On ne peut se contenter de le regretter.
L’AVENIR D’UNE ILLUSION
L’illusion, c’est prendre ses désirs pour la réalité. C’est une croyance motivée par la réalisation du désir. Il y a deux types d’illusions, celles qui sont sans danger puisque donnant l’illusoire comme tel, par exemple la magie, et celles qui sont dangereuses parce qu’elles se substituent à une appréhension objective de la réalité.
Le pouvoir de l’illusion est issu de l’omnipotence des débuts de la vie. L’illusion tire sa puissance de se soustraire à l’épreuve de réalité. L’illusion réalise un désir, elle se charge d’exaucer les vœux difficiles à réaliser. La seule exigence de la croyance, c’est la confiance.
Un petit détour, et un retour à S. Freud est ici utile. En 1927, il avance que « l’éducation en vue de la réalité » est un but qu’il espère de son travail.
« Les hommes sont peu accessibles à des arguments rationnels tant ils sont dominés par leurs désirs. »
« C’est déjà quelque chose que de se savoir réduit à ses seules forces (je cite) on apprend alors à s’en servir comme il convient ». Le raisonnement de Freud est le suivant, bébé, nous avons déjà connu un état de détresse insupportable. Le but est de s’en défendre. Le besoin de secours est moteur. Les illusions s’y enracinent. « Les désirs les plus anciens, les plus forts sont les plus pressants de l’humanité. Le secret de leur force est la force de ces désirs. » Dans cet essai où Freud parle de la religion, il décrypte la notion de croyance : « une illusion n’est pas la même chose qu’une erreur, ce n’est pas nécessairement non plus une erreur. La part de désir que comportent certaines erreurs est manifeste. Ce qui caractérise l’illusion, c’est d’être dérivée des désirs humains. »
Le projet de réconcilier le principe de plaisir au principe de réalité n’est pas illusoire pour Freud, comme projet thérapeutique.
J’en arrive à penser désormais qu’il faut s’appuyer sur d’autres satisfactions psychiques immédiates pour contrebalancer la perte. Je m’explique : le plaisir d’avoir dit « non » à ce qui entraîne une satisfaction sur-le-champ ne peut se produire spontanément lorsque justement la personne est mal en point.
Pour que, à terme la satisfaction psychique secondaire remplace la satisfaction pulsionnelle primaire, comme dans la sublimation, une étape intermédiaire est indispensable. Nous avons à faire à des personnes qui sont dans la recherche de compensation, il faut tirer conclusion de ce constat.
La nourriture est aussi l’antidépresseur facile
Pour éviter de décompenser, compenser a été jugé garant de maintien d’un équilibre, même mauvais mais équilibre tout de même.
La crainte de l’effondrement est un moteur. ANTEDPRESSEUR est un but assigné, déprimer parait trop grave, dangereux. Il faut agir avant.
La nourriture est aussi l’antidépresseur facile. L’excès n’est pas recherché pour donner du plaisir, il s’agit d’éviter le déplaisir. La plupart des patients disent quelque chose comme « c’est plus fort que moi » cet appel du frigo…
L’équilibre psychique visé est plus important que les chiffres de l’IMC alors.
Pour certains ANTEdépresseur, pour d’autres ANTIdépresseur, et pour tous le recours à la nourriture revêt des dimensions psychiques quand il est déconnecté d’une réelle faim. Nous aurons à repérer la pression interne et les clivages psychiques pour quitter le seul terrain de la restriction cognitive que sont les régimes hypocaloriques.
Pour résumer, le fait de considérer la personne en difficulté avec son poids, d’abord comme une personne, sans la suivre dans cette obsession de mettre en avant son poids, permet, à terme, de relativiser (côté symptôme) pour la diriger vers d’autres horizons.
Thérapie psychanalytique et obésité
Ce que nous faisons en thérapie. Reste à en informer les partenaires des prises en charge, les soignants et les patients.
Les psychanalystes peuvent montrer qu’ils interviennent sur ces trois niveaux :
1/ les raisons psychiques qui conduisent à l’obésité… Alors la psychanalyse peut proposer ses outils conceptuels.
2/ pour CERTAINS, la cure analytique peut être bénéfique.
3/ la psychanalyse comme méthode critiquant discours et pratiques aliénantes, comme ici les régimes. Nous sommes alors dans l’ouverture vers la société, nous sommes inscrits dans un temps particulier avec le symptôme du moment.
Loin d’être exhaustif, cet article vise à ouvrir des pistes de travail –pluridisciplinaire- car la personne en difficulté avec le poids, à tous les stades de ses difficultés, est d’abord une personne bien peu prise en charge …
> Suite : Les régimes chez les enfants – Témoignage de Lucas