Filière du café : la success-story qui cache la crise

Une nouvelle étude vient de révéler l’extrême fragilité de la filière café alors que la valeur des ventes en France a plus que doublé depuis 2003.

Rédigé par Marie Mourot, le 1 Oct 2018, à 13 h 00 min
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À l’occasion de la Journée Internationale du café qui a lieu aujourd’hui, Commerce Équitable France, Max Havelaar France et le collectif Repenser les filières publient une étude socioéconomique inédite du Basic sur le café. Cette dernière met en avant les dysfonctionnements de cette filière alors même que cette boisson connaît un renouveau chez les consommateurs.

La filière du café, fragile, malgré une explosion de sa valorisation sur le plan mondial

Matière agricole la plus échangée au monde, le café est un produit emblématique du commerce équitable. Alors qu’il fait vivre 25 millions d’agriculteurs, les conditions s’aggravent : prix bien trop bas pour les producteurs, manque de ressources pour investir, impact des mauvaises conditions climatiques sur les récoltes…

Au moment où les prix internationaux s’effondrent (passant sous la barre symbolique du 1 dollar/livre) poussant même certains producteurs latino-américains à refuser de vendre leur production, les acteurs du commerce équitable alertent sur la non durabilité de la filière café.

Le café, une filière fragile © Mila Supinskaya Glashchenko

Une création de valeurs qui explose mais qui ne profite pas aux producteurs

Depuis 2003, en France, les ventes de café ont plus que doublé en valeur, notamment grâce à l’émergence des café arabicas premium en capsules et en dosettes dont les français sont les premiers consommateurs par habitant.

Cependant, cette évolution est loin de profiter à tous : les trois premiers acteurs du marché en France (Nestlé, JDE, Lavazza) se partagent aujourd’hui 81 % du marché contre 70 % en 2008. À 20 ans d’intervalle, torréfacteurs et distributeurs ont retiré 1,2 milliard d’euros supplémentaires de leurs ventes annuelles de café en France, tandis que les producteurs et les négociants n’ont perçu que 64 millions d’euros en plus. La situation est d’autant plus grave pour les producteurs que leurs coûts de production augmentent alors que les prix mondiaux chutent.

À titre d’exemple, les producteurs péruviens et éthiopiens ont touché en 2017 un revenu 20 % plus faible que 12 ans auparavant et restent très en dessous du seuil de pauvreté.

Des impacts sociétaux aggravés par le changement climatique

Des conditions difficiles pour les producteurs de café © Sunshine Seeds / Shutterstock

Les familles des producteurs de café souffrent de cette situation : malnutrition, analphabétisme, travail des enfants… Ces impacts sociaux et économiques engendrés par cette explosion des inégalités les empêchent de faire face aux besoins d’adaptation liés aux défis du changement climatique qui pèsent sur eux.

Au Pérou et en Éthiopie par exemple, derrière chaque dollar généré par les exports de café, en 2017 il y avait entre 85 et 90 centimes de coûts cachés, c’est à dire de coûts sociétaux, à la charge de ces pays et de leur population.

Lire aussi : Café : les grands crus éthiopiens menacés par le réchauffement climatique

Le commerce équitable : un outil qui fonctionne mais qui ne peut pas répondre à tous les enjeux

L’étude nous montre que le commerce équitable apparaît comme un système performant pour améliorer la situation des producteurs de café, notamment les revenus qu’ils dégagent de leur activité (+21 % au Pérou par exemple). Le commerce équitable permet également de réduire de 15 à 35 % (variable selon les pays) l’impact des coûts sociétaux. De plus, l’organisation collective des producteurs leur permet de renforcer leur pouvoir de négociation.

La complémentarité de la labellisation commerce équitable et de l’agriculture biologique génère les meilleurs résultats dans l’étude : pour chaque dollar lié à l’export de café bio-équitable, les coûts sociétaux sont réduits de 45 % en Éthiopie, 58 % en Colombie et 66 % au Pérou. Cependant, ces leviers ne semblent pas suffisants pour répondre aux enjeux actuels.

Des mesures possibles pour plus d’équité au sein de la filière café

Cette étude révèle donc une situation alarmante et complètement déséquilibrée : en effet, alors que les industriels et les distributeurs s’enrichissent, les producteurs, eux, s’appauvrissent. Il est donc temps d’agir rapidement.

Comment améliorer les conditions des producteurs ? © Lano Lan / Shutterstock

4 mesures proposées par les acteurs du Commerce Équitable

Commerce Équitable France, Max Havelaar France et le collectif Repenser les Filières proposent ainsi 4 mesures pour initier un partage plus équitable de la richesse au sein de la filière café :

  • Nestlé, JDE et Lavazza doivent revoir rapidement leurs politiques d’approvisionnement et garantir des revenus décents aux producteurs.
  • Des programmes et des réformes spécifiques pour lutter contre les inégalités de revenu entre les hommes et les femmes au sein de la filière café doivent être mis en place par les acteurs des pays producteurs.
  • L’Organisation internationale du café (ICO) doit initier la mise en place d’un observatoire des coûts et des marges car la transparence est essentielle pour une meilleure répartition de la richesse.
  • Enfin, les acteurs publics et privés doivent accompagner les stratégies d’adaptation au réchauffement climatique des producteurs en finançant notamment des programmes de recherche sur l’agroforesterie

Selon Julie Stoll, déléguée générale de Commerce Équitable France, « Pour faire face aux défis de la pauvreté et de la protection de la biosphère, il est temps de rentrer dans une culture économique du partage de la valeur. Les entreprises de commerce équitable démontrent qu’une meilleure manière de commercer est possible. Cette étude montre que pour les producteurs de café, cette nécessité n’a jamais été autant d’actualité ».

Illustration bannière : Des dysfonctionnements importants dans la filière du café – © rzoze19
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Rédactrice web freelance et maman de trois enfants, je me suis toujours sentie très concernée par l'écologie et le développement durable. Constamment en...

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