Compensation carbone ; attention à l’effet rebond
Certains reprochent à la démarche de compensation des émissions de gaz à effet de serre par le financement d’un projet vert, de simplement déculpabiliser les pollueurs. C’est ce qu’on appelle l’effet rebond : une personne qui a installé un panneau photovoltaïque se met à consommer plus d’électricité ou bien une personne qui compense ses déplacements se met à prendre l’avion plus souvent. Les chercheurs pensent donc que les personnes qui « compensent carbone », ne penseraient plus à réduire leurs émissions, sous prétexte qu’ils « payent pour polluer« .
De nouvelles indulgences … à l’effet illusoire
Quand les écuries de Formule 1 compense le gaz carbonique, quand Yann-Arthus Bertrand ou une vedette de cinéma compense ses déplacement en avion, ils se donnent bonne conscience. Mais le compte n’y est pas ; loin de là.
En effet, la compensation fonctionne à bien trop petite échelle. En 2010, le volulme de CO2 « capté » dans le monde par la compensation était de 50 000 tonnes, ce qui représente les émissions de 2 régions françaises. D’après les calculs de l’organisation Ecosystem Marketplace, si tout le monde se mettait à faire de la compensation carboen, en 2020, au grand maximum 7 % des émissions de carbone seraient compensées.
Jean-Marc Jancovici, spécialiste de l’effet de serre, souligne qu’il faudrait planter des arbres sur 15 millions de kilomètres carrés pour compenser les émissions de CO2 en excès. Ou reboiser 4 fois la superficie de l’Union européenne. « Cela implique de planter sur des terres agricoles. Bon courage pour le chef de projet », explique Jancovici.
Des projets de compensation pas toujours efficaces
« La compensation conforte les consommateurs dans leur philosophie hédoniste : ils brûlent aujourd’hui chez eux et réparent plus tard ailleurs« , renchérit Augustin Fragnière. Comme l’écrit Franck Dedieu dans un article de L’Expansion, c’est un peu comme dans l’immobilier, financer un puits de carbone « sur plan » peut réserver de mauvaises surprises. Dans le cadre de sa tournée labélisée « neutre en carbone », en 2006, le groupe de rock Cold Play a financé la plantation d’une forêt de manguiers dans le sud de l’Inde. A cause du manque d’eau, elle ne piège que quelques grammes de carbone.
Il y a même des projets de compensation qui n’en sont pas : ainsi l’annonce de compensations qui, en réalité, ne sont que des projets déjà en cours de réalisation, alors que le mécanisme de la compensation implique une création ex nihilo.
Selon l’ONG International Rivers, 89 % des 400 projets hydroélectriques chinois présentés comme des initiatives de compensation étaient presque achevés. Autrement dit, la compensation n’est pour rien dans la conception de ces barrages. Elle profite surtout à leurs concepteurs, ravis de recevoir une aide. La compensation ne piège pas que le carbone.
Quelle alternative à la compensation carbone ?
Ne vaut-il mieux pas investir dans des installations plus vertes, des panneaux solaires, des véhicules électriques, des lieux de vie bioclimatiques, plutôt que de payer pour un projet de compensation carbone à l’autre bout du monde ?
Ne pas confondre crédits carbone obligatoire et compensation carbone !
Le protocole de Kyoto a définit des obligations de réduction de gaz à effet de serre pour les Etats industrialisés. Ces obligations ont été transférées à un certain nombre de gros émetteurs (centrales thermiques, raffineries, cimenteries, etc.) qui doivent ainsirespecter des quantités maximales annuelles d’émissions de CO2 (appelées « quotas de CO2 » ou « droits à polluer » ).
Si, en fin d’année, un de ces industriels dépasse les quotas fixés, il se trouve dans l’obligation d’acheter des crédits-carbone soit à un autre gros émetteur qui, lui, aura émis moins de CO2 que ce à quoi il avait droit, soit à un porteur de projet de réduction des émissions de CO2.
La compensation du CO2 est, elle, un acte volontaire. Elle vise des entreprises, collectivités locales ou particuliers qui ne sont pas soumis à une contrainte réglementaire quant à leurs émissions de GES. Des personnes comme vous et nous, vont volontairement acheter des crédits-carbone pour compenser les émissions de CO2 dont elles sont responsables.
Les compagnies aériennes doivent payer pour polluer
À l’origine d’une pollution importante, les compagnies aériennes au départ et à destination de l’Europe doivent désormais payer pour polluer, à auteur de 8€ la tonne de CO2 émise.
Un système de compensation carbone obligatoire et prélevé à la source basé sur l’achat de quotas d’émissions. L’objectif de cette mesure : obliger les entreprises à assumer leur pollution, tout en les poussant à prendre des mesures de réduction des émissions.
- Pour en savoir plus : Compagnies aériennes : payer pour polluer
De plus, la compensation carbone des émissions de gaz à effet de serre, qui est aujourd’hui volontaire, contribue aujourd’hui à donner une bonne image de l’entreprise qui affiche sa volonté de limiter l’impact de son activité sur la planète. Or, une entreprise peut tout à fait se vanter de compenser ses émissions de GES tout en multipliant sa flotte de véhicules à essence et en ne pratiquant pas le tri sélectif.
Les systèmes de compensation carbone sont une bonne idée, mais doivent être encadré. Ils doivent intervenir dans une véritable démarche verte qui ne passe pas seulement par l’achat de crédits carbone afin de polluer ensuite. A retenir : les meilleures émissions sont celles que l’on ne fait pas !
Connaissez-vous des personnes qui ont fait appel à la compensation CO2 ? Qu’en pensez vous ?
*
C’est une bien triste vision des choses que de présenter uniquement la compensation carbone sous son angle le plus négatif.
Pourquoi ne pas mettre en avant tous ses bénéfices ? Si on compense une action néfaste par une autre positive, c’est plutôt bien non ?
Si on est obligé d’avoir une voiture pour se déplacer mais qu’on fait le choix de consacrer une partie de son budget pour compenser ce déplacement, on va dans le bon sens.
Et c’est déjà bien mieux que de ne rien faire. Si tous les pollueurs du monde (c’est à dire à peu près tout le monde) donnaient collectivement des milliards à des projets de compensation, ça financerait une grande partie de la transition énergétique.
Je connais également une autre organisation qui propose de la compensation carbone en complément de ceux déjà listés : Vecteur Carbone.
Par rapport aux remarques qui sont faites sur la compensation carbone et son manque de transparence, il faut savoir que chaque projet possède des labels particuliers garantissant la qualité du projet.
De plus, il faut également voir la compensation carbone comme une action en faveur des pays en développement et pas uniquement le côté environnemental de la chose. De plus, comme c’est mentionné dans les commentaires, ça n’a rien à voir avec le fait de se racheter une conscience, la compensation est une action volontaire donc il est de toute façon évident que c’est toujours mieux d’agir que de ne rien faire. Même s’il est possible de réduire certaines émissions, il restera toujours des émissions qu’on ne pourra pas supprimer ou diminuer, la compensation est alors le seul moyen à l’heure actuelle.
Bonjour,
Je me permets de porter à votre connaissance la publication de mes articles sur la compensation des gaz à effet de serre générés par nos voyages, mais pas seulement :
http://blog.voyages-eco-responsables.org/?p=946
Il est publié sur le blog de l’association V.V.E. (Voyageurs et Voyagistes Ecoresponsables), et a été repris par le site du Ministère du Tourisme.
La compensation carbone de toutes nos activités, est un problème complexe, à la fois technique, éthique, psychologique, social, etc.
Cet article, et le précédent, expliquent le mécanisme, l’organisation du marché de la compensation volontaire, et surtout ces pièges ; en particulier celui de la non validité en la (re)forestation comme outil de compensation. Le premier évoque les modes de calcul.
Mon blog rassemble d’autres articles de diverses origines qui vont dans le même sens.
http:// pascal-planeteclimat.blogspot.com
Je ne peux que recommander le petit livre très bien fait d’Augustin Fragnière « La compensation carbone : illusion ou solution », lequel aborde toutes ces aspects.
Sous l’angle de la compensation carbone, il pose aussi les questions de la durabilité des modèles du tourisme, mais de toutes les activités humaines, d’aujourd’hui.
Vos commentaires sont les bienvenus.
Cordialement,
Pascal Lluch
Payer pour polluer à la place de gens qui de toute façon ne polluent pas n’a aucun interêt
La meilleure manière de limiter son impact ou l’impact de son activité sur l’environnement est de prendre conscience de la pollution qui se cache derrière chaque objet et pouvoir ainsi opérer un choix éclairé, de réfléchir à sa consommation en limitant les objet superflus et en choisissant soigneusement ceux qui nous sont nécessaires (provenance, mode de production, matériaux qui le composent…).
A mon sens c’est la seule manière d’aller de l’avant et d’éviter l’effet « indulgences » de notre temps (évoqué en page 2). Je pollue d’un côté et je me rachète de l’autre … en toute bonne conscience!