Une vaste enquête internationale a permis de prouver que 3.000 navires déversent chaque année de l’huile minérale dans les eaux européennes.
Dégazage des navires en haute mer – Plus de 200.000 m3 de rejets par an rien qu’en Europe
À quoi bon disposer d’images satellite si les méfaits se poursuivent en toute impunité ? Chaque année, des milliers de navires continuent de polluer les océans en y rejetant leurs eaux de cale mazoutées.
Les mois d’enquête de Lighthouse Reports auront permis de mettre en lumière que ce sont plus de 3.000 navires qui déversent chaque année de l’huile minérale dans les eaux européennes.
À raison de 200.000 m3 par an, cela représente l’équivalent de huit déversements par jour, chacun ayant la taille de 750 terrains de football. En plus du pétrole, ces eaux usées huileuses non traitées, produites par les navires et rejetées en mer, contiennent des métaux et des produits chimiques dangereux.
Le crime environnemental est total, cargos et autres porte-conteneurs ne cherchant qu’à gagner du temps et de l’argent, quitte à polluer. En effet, si l’analyse des images satellites prouve que les dégazages illégaux en haute mer sont monnaie courante dans le monde entier, in fine, seule une minorité de navires et armateurs finit par faire l’objet de poursuites judiciaires.
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L’habitude de contourner le système
Il faut dire que, selon les données de 2019, seulement 1,5 % de tous les déversements potentiels sont vérifiés par les États membres dans un délai critique de trois heures.
Pourtant, l’Agence européenne pour la sécurité maritime (AESM) a dépensé des millions d’euros pour créer un système élaboré, CleanSeaNet, visant à surveiller et à prévenir le déversement de cales en mer à l’aide de la technologie radar.
Ses rapports détaillés n’étant pas rendus publics, Lightouse Report a fait appel à l’organisme de surveillance de l’environnement SkyTruth pour détecter des centaines de décharges de cale potentielles dans les eaux européennes depuis la mi-2020.
« Six lanceurs d’alerte nous ont confirmé la nature structurelle du phénomène et nous ont donné un aperçu de la façon dont ils contournent le système : en utilisant des pompes spécifiques, en falsifiant les registres pétroliers ou en déchargeant la nuit lorsque la technologie radar peut le détecter, mais pas facilement vérifier la décharge », explique les enquêteurs.
Pire encore, la culture de la peur décourage les éventuels lanceurs d’alerte. Ainsi, un marin ayant parlé aux enquêteurs a été détenu à bord de son navire pendant plus de 10 jours pour avoir refusé de rejeter de l’eau huileuse. D’autres ont été licenciés quelques mois après le début de leur contrat pour avoir dénoncé de tels déversements illégaux.
Des rejets à plus petite échelle, mais plus nombreux
À la différence des grands déversements d’hydrocarbures, de tels dégazages ne sont pas aussi visibles, car à plus petite échelle. Mais la fréquence à laquelle ils se produisent les rend tout aussi préoccupants. Comme le rappelait récemment l’Institut suédois de recherche sur l’environnement, la pollution maritime par les hydrocarbures a des effets toxiques directs sur les petits organismes marins.
Pour Lighthouse Reports, « qu’il s’agisse d’un manque de ressources de la part des autorités nationales compétentes ou de failles dans le système de responsabilité de l’AESM, le déversement de cale reste une réalité inconfortable et toxique dans nos océans ».
Face à une véritable culture de l’impunité, « c’est un problème qui était jusque-là invisible pour le public », souligne quant à lui le président de Skytruth, John Amos.