Née en juillet 1962, Dominique Méda est philosophe et sociologue, professeur à l’université de Paris Dauphine. Elle a dirigé un service du Centre d’études de l’emploi et anime aujourd’hui la chaire « Reconversion écologique, travail, emploi, politiques sociales » au Collège d’études mondiales, au sein de la Maison des Sciences de l’Homme. Elle a également été conseillère auprès de Benoît Hamon lors de sa campagne à la présidentielle.
Dominique Méda prône une réduction du temps de travail massif et la fin de du travail salarié
Le premier grand pavé lancé par Dominique Méda a été sa réflexion autour du travail avec la parution en 2010 de son livre : « Le travail, une valeur en voie de disparition ? ».
Elle met en avant que face à une absence de croissance depuis les années 60, les pays développés doivent absolument faire le nécessaire pour ne pas structurer la société uniquement autour du travail salarié.
En effet, les différents modèles de protection sociale des pays européens se sont développés dans un contexte de plein-emploi, et de fait sont très fortement liés à la croissance. Or avec plusieurs millions de chômeurs, ce modèle ne peut plus tenir toutes ses promesses.
La mesure majeure à mettre en place est donc de réduire le temps de travail de 35 à 32h afin de redistribuer le travail.
Remettre en valeur d’autres activités que celles exercées dans le cadre d’un travail salarié et permettre l’égalité homme-femme.
Cette réduction permettrait en outre à chacune et chacun de s’investir plus fortement au sein de la vie familiale, politique ou associative.
Pour Dominique Méda, cette réduction du temps de travail est également la seule façon de réduire les inégalités hommes-femmes dans le monde professionnel, puisqu’elles sont dues en grande partie à la mise en place de temps partiel pour les femmes afin de leur permettre de se consacrer aux enfants.
La fin du travail salarié
Dominique Méda prêche également la fin du travail salarié pour redonner aux citoyens la possibilité de s’épanouir dans leur travail. Actuellement pour un grand nombre d’employés, le travail est aliénant et ne fait pas grandir. Il est composé de tâches répétitives sans possibilité de prendre des initiatives.
Or, le travail devrait au contraire, retrouver sa valeur sociale d’émancipation et de partage de valeurs communes.
Quoiqu’il en soit, cette disparition progressive du salariat doit être fortement encadrée par l’État afin de ne pas conduire à une augmentation des travailleurs pauvres.
Un nouveau modèle social pour un changement radical de société et répondre aux exigences de la transition écologique
Pour Dominique Méda, la transition de notre modèle social n’est pas une option mais une obligation au regard des menaces que fait peser le réchauffement climatique si nous ne faisons rien.
En effet, même si la croissance revenait, elle ne peut continuer à être la principale boussole pour notre société. Car la recherche de la croissance via l’augmentation du PIB a eu comme conséquence de faire augmenter les émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) : la corrélation est forte entre augmentation de la croissance et augmentation des GES.
La croissance verte non plus, ne pourra pas nous sauver
Quant à la la croissance verte, c’est, pour la sociologue, est une fausse solution car elle appelle à une révolution technologique forte et une réduction massive du partage des tâches, le travail tendant à être fait par des machines. Ceci aboutirait inévitablement à une augmentation massive du taux de chômage.
De plus, pour Dominique Méda et d’autres y ayant réfléchi avant elle, et tout particulièrement l’économiste Robert Gordon, nous avons atteint les gains maximums en terme d’éducation, de régulation de la démographie et d’innovation technique avec les années de croissance de ces 250 dernières années(1). Il sera très difficile de faire de nouveaux bonds technologiques.
Dominique Méda : accompagner les changements radicaux dans les secteurs économiques
Pour Dominique Méda, il est certain que des pans entiers de l’économie vont décroître et d’autres grossir. La décroissance touchera les secteurs liés aux énergies fossiles tandis que la croissance ceux de l’agriculture, des énergies renouvelables et de l’artisanat, avec notamment la rénovation thermique des bâtiments. Dans ce contexte l’État et l’Union Européenne ont un rôle majeur à jouer pour accompagner cette transition.
De plus, au-delà des enjeux techniques et de formation, l’Europe doit s’orienter vers un renforcement du modèle communautaire, rendre cette société désirable.
La société à bâtir doit être source d’emploi et protéger le patrimoine auquel nous tenons, à savoir la cohésion sociale et la beauté de notre environnement.
La nécessité de nouveaux indicateurs
Comme Gaël Giraud, autre grande figure de la transition écologique, Dominique Méda plaide pour de nouveaux indicateurs afin que toutes les activités et aides de l’État soient corrélées à la réduction de notre empreinte carbone.
Quant à nous, nous devons nous interroger sur notre addiction à la croissance et à notre capacité à acheter des produits et des aliments de mauvaise qualité. Pour Dominique Méda, la transition se fera si nous remettons de la qualité dans les produits que nous consommons et que nous mettons « résolution de la crise écologique […] au service de la crise sociale ».
La défense du modèle social français et la dénonciation des politiques néolibérales
Dans ce contexte, Dominique Méda s’insurge contre les discours qui pointent la France comme le pays malade de l’Europe, avec des dépenses sociales beaucoup trop élevées.
Même si ce modèle n’est pas parfait, il a permis de ne pas creuser les inégalités lors de la crise de 2008 et des politiques d’austérité demandées par les instances internationales (FMI et OCDE en tête), contrairement à des pays comme le Royaume-Uni ou les État-Unis, qui ont vu ce fossé se creuser.
Il est primordial en France et en Europe de maintenir un système de protection forte si nous voulons être source d’exemple pour une transition écologique réussie.
Un étouffement de l’économie
Ce n’est pas donc les politiques sociales qui sont à dénoncer, mais l’étouffement de l’activité du fait des politiques néolibéralismes prônées par les institutions internationale et l’Union Européenne depuis plusieurs années.
Nous devons arrêter d’être dans une logique de compétitivité exacerbée qui tire les salaires vers le bas. Il est nécessaire de relocaliser et réindustrialiser la production pour réduire le chômage et stopper l’étouffement de l’économie.
Sortir les investissements pour la transition écologique du calcul du déficit
Pour cela, il faut, au niveau de l’Union Européenne, sortir des règles de Maastricht et ne pas inclure les investissements pour la transition écologique dans la règle des 3 %. En effet actuellement toutes les dépenses réalisées par l’État rentre dans le calcul du déficit et même les dépenses d’investissements.
Or, nous savons que si nous voulons réussir la transition écologique les États doivent investir plusieurs milliards d’euros. Il est donc primordial que les pays européens puissent avoir la liberté de réaliser les investissements nécessaires.
Une révolution douce à engager maintenant
Dominique Méda appelle donc à une révolution douce pour une prise en compte sérieuse de l’écologie avec réduction du temps de travail et la fin du travail salarié afin de permettre à chaque citoyen de s’investir dans la cité.
Une société fortement socialisée qui aide les plus fragiles, avec de nouveaux indicateurs pour une production de qualité, locale qui réponde aux périls environnementaux qui nous menacent.
Illustration bannière : Dominique Méda – Capture d’écran YouTube – Médiapart