29.000 gigaoctets, c’est la quantité de données publiées dans le monde chaque seconde. Cela représente plus de 2000 téléchargements des 21 épisodes de La Casa de Papel. Chaque seconde… Une croissance effrénée à l’origine de ce que l’on appelle le « big data », un volume de données si grand qu’il dépasse les capacités d’analyse des outils informatiques classiques. En son sein, certaines données représentent une précieuse source d’information pour faire face aux nombreux défis liés au changement climatique (mobilité verte, efficacité énergétique, transition agricole, etc.).
Les données au service de la transition écologique
De nombreuses tensions subsistent entre la transition écologique et l’expansion du numérique. Indéniablement, la numérisation a une empreinte écologique directe (consommation énergétique, exploitation de terres rares) et indirecte (évolution des pratiques sociales et des comportements). Pour autant, elle constitue un outil puissant pour la réalisation de la transition écologique, notamment pour répondre à la complexification du pilotage des systèmes énergétiques.
Quelques exemples concrets
Par exemple, dans le 13e arrondissement de Paris, la société Quantmetry teste un système qui analyse le nombre de passants dans les rues en fonction des téléphones portables afin d’adapter l’éclairage public en conséquence. Dans un autre domaine, le Montpelliérain Fruiton Sciences a mis en place des capteurs dans le vignoble pour mesurer précisément les flux de sève et les besoins en eau. À Lyon, Veolia modélise en temps réel individus, foules, véhicules, trafic et autres flux avec la start-up ForCity. Il s’agit de mieux saisir les interactions au sein d’une ville (habitants, infrastructures, services, géographie), et mieux visualiser l’impact du développement urbain.
Les données peuvent donc être au service de la transition écologique, à condition d’en avoir un usage raisonné. Le recours au numérique ne doit pas être automatique. Il faut ainsi poser pour principe de toujours évaluer la captation et l’utilisation de données au regard de leur impact environnemental et de leur intérêt réel pour la transition écologique.
Quels sont les freins à un usage efficace des données pour la transition écologique ?
Ils sont de plusieurs ordres :
- des difficultés à appréhender les techniques et le traitement des données,
- un empilement législatif incohérent créant parfois des obligations contradictoires,
- un manque de dialogue – voire une méfiance réciproque – entre le monde de la technologie et celui de l’écologie.
Une harmonisation réglementaire semble être une issue souhaitable pour à la fois inciter et rassurer les parties prenantes. Malgré une tendance récente à la diffusion plus large des données, un certain nombre de textes existants vont à son encontre. Ceux-ci assurent la protection de certaines données (notamment le droit des personnes et des affaires) ou contiennent des dispositions visant à sécuriser les systèmes d’information des opérateurs d’importance vitale (électricité, télécommunications, transports…) – autant de restrictions à une exploitation plus facile des données.
Les propositions de la Fabrique Ecologique
Plusieurs pistes sont avancées pour un usage plus efficace des données :
1- Donner un statut exceptionnel aux données utiles à la transition écologique.
Celui-ci différencierait ce type de données de toute autre en lui faisant bénéficier par défaut d’une licence libre afin que le plus grand nombre puisse s’en saisir. Pour citer le récent rapport au premier ministre sur la donnée dans les administrations : « La circulation [de la donnée] doit devenir la règle, et la non-circulation l’exception justifiée ». Cela permettrait de limiter le nombre de capteurs et susciterait l’émergence et la diffusion d’initiatives afin que l’ensemble de la planète profite de sa captation et de son traitement.
2- Une utilisation plus intensive et opérationnelle des données utiles à la transition écologique
Ce qui passerait notamment par deux mesures :
- La création d’un poste de Green Data Officer (exploration et gestion des données) pour aider les élus et les administrations à définir et atteindre leurs objectifs. Il serait alors chargé d’éclairer la prise de décision et de proposer des stratégies d’exploitation des données collectées afin de renforcer l’action publique dans le cadre de la transition écologique.
- La création d’une « Nudge Unit », ou structure de conseil au gouvernement qui préconisent des manières d’utiliser les résultats de la psychologie comportementale pour améliorer l’action publique) au sein du ministère de la Transition écologique et solidaire qui serait chargée de prospecter, identifier, promouvoir et diffuser des nudges (‘coups de pouce’ à donner) basés sur l’usage des données dans l’objectif d’inciter à peu de frais les gens à adopter des comportements environnementaux vertueux.