Mercredi 23 octobre, six ONG ont décidé de poursuivre en justice le groupe Total pour ses activités en Ouganda. Le projet pétrolier que le géant du pétrole souhaite mener aurait des « impacts désastreux » pour les habitants et la biodiversité. C’est ce que dénoncent les ONG selon lesquelles la première action en justice est basée sur la loi relative au « devoir de vigilance » des multinationales. De l’autre côté de l’Atlantique, s’est ouvert un procès historique contre ExxonMobil accusé d’avoir menti à ses actionnaires sur les risques liés au changement climatique.
Total dans la tourmente – Le projet pétrolier « Tilenga »
En 2006, des réserves de pétroles ougandaises ont été découvertes dans le bassin du lac Albert. Ces réserves sont estimées à plus de 1,5 milliard de barils. Un chiffre qui fait rêver Total, opérateur du projet « Tilenga » en Ouganda, ainsi que les compagnies chinoises CNOOC et Britanniques Tullow, qui prévoient donc d’y forer 419 puits de pétrole !
Ce projet devrait permettre d’atteindre une production de pétrole d’environ 200.000 barils par jour : une aubaine pour Total, qui en France ne cesse de « réaffirmer son engagement en faveur des énergies renouvelables », – comme l’attestent entre parenthèses les très nombreux communiqués de presse du groupe dans les boites mail de notre rédaction !
Mais il y a un hic et pas des moindres : la majorité des puits se trouvent dans le parc naturel des Murchison Falls.
Des communautés interdites d’utiliser leurs terres
Les ONG ont constaté une évolution négative de ce projet en Ouganda. Les maisons et les terrains de milliers de personnes sont accaparés. De plus, elles craignent un déséquilibre de la biodiversité très riche du parc et une menace de l’écosystème.
Bon à savoir
Plus de 50 % des espèces d’oiseaux du continent africain se trouvent dans le bassin de ce lac. Sont également présentes plus de 39 % des espèces de mammifères vivant en Afrique. Les ONG, qui avaient déjà publié un rapport en février dernier, avaient constaté des plans de vigilance très « largement insuffisants ».
La responsable aux Amis de la Terre, Juliette Renaud a indiqué au Figaro(1) : « Après la date limite d’éligibilité fixée par Total, l’entreprise interdit aux communautés d’utiliser leurs terres et de les cultiver ». Le problème majeur est qu’une année s’est écoulée entre le moment où 4.800 personnes n’ont plus eu le droit de cultiver et celui où elles ont reçu une compensation. Selon l’association, ces communautés auraient souffert de famine. De plus, elles n’avaient plus d’argent pour envoyer leurs enfants à l’école ou acheter des médicaments.
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Respecter la loi du « Rana Plaza »
Les ONG, les Amis de la Terre, Survie, AFIEGO, CRED, NAPE et NAVODA, avaient déjà demandé à Total, en juin dernier, de respecter la loi du « Rana Plaza », du nom de cet immeuble qui s’est effondré en 2013 au Bangladesh et qui avait entraîné la mort de 1.138 ouvriers. Depuis 2017, cette loi exige des multinationales françaises un plan de vigilance visant à « prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement ».
Les ONG reprochent notamment à Total la publication d’un plan trop fractionné. Deux ONG françaises et quatre ougandaises qui ont assigné le groupe en référé devant le Tribunal de grande instance de Nanterre souhaitent obtenir une solution rapidement face à cette situation préoccupante. Selon le communiqué, une audience a été fixée au 8 janvier 2020.
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Le géant pétrolier ExxonMobil également en procès
Outre Atlantique, un procès inédit oppose actuellement ExxonMobil, accusé d’avoir minimisé son impact climatique, au procureur démocrate de New York.
Dans ce procès historique, le pétrolier américain est accusé d’avoir menti à ses actionnaires ainsi qu’à ses investisseurs au sujet de ses projections d’activité liées au changement climatique. Le représentant du procureur, Kevin Wallace a fourni des preuves, des extraits de communications aux actionnaires, dans lesquels le groupe américain confirme utiliser un système intégrant les coûts de ses émissions carbone d’ici 2040(2).
Selon le procureur, ExxonMobil utilisait en réalité des estimations de coûts moins élevées que celles en interne afin de ne pas pénaliser les prévisions de marges et la rentabilité présentées aux actionnaires. Ces fausses informations pourraient coûter cher au groupe pétrolier américain, jusqu’à 1,6 milliard de dollars de préjudice. De son côté, l’entreprise dénonce un procès influencé par des lobbies anti-énergies fossiles.
Le vent commencerait-il à vraiment tourner pour les grands groupes pétroliers qui ont mis pendant si longtemps l’environnement et la démocratie à genou au profit de leur développement économique ?
Illustration bannière : Forage pétrolier en pleine mer – © lastdjedai