La France a lancé en 2015 le plan Ecophyto 2 visant à diminuer la quantité de pesticides utilisés en épandages agricoles, de 25 % d’ici 2020, et de 50 % d’ici 2050. Cependant à trois ans de la première échéance le bilan est loin d’être positif. Décryptage.
Épandages de pesticides : une réduction de la consommation de produits phytosanitaires qui peine à voir le jour
Malgré un léger recul (-2,7 %) entre 2014 et 12015, la France est le premier consommateur de pesticides européen (et le 3e mondial) : le volume global a augmenté de 5 % en moyenne entre 2009 et 2013, de 9,2 % en 2013, avec un bond de 16 % en 2014 pour les substances actives vendues à des fins agricoles et une augmentation de 20 % pour les produits d’épandage contenant des molécules cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques.
Le danger des pesticides dénoncés par les associations environnementales et des chercheurs de l’INRA
Début mars, l’association Génération Future donnait les résultats d’une étude déterminant l’exposition aux substances toxiques pour les riverains des grandes cultures, vignes et vergers. À l’aide de plus de 400 témoignages, l’association a élaboré une carte des victimes des pesticides. En effet les riverains entourés de ces grandes cultures inhalent les produits pulvérisés lors des épandages.
Chose mis également en avant lors de l’émission Cash Investigation « Nos enfants en dangers » dirigée par Élise Lucet (ci-dessus), où des test sur des cheveux d’enfants scolarisés dans une école entourée de vignes avait mis en évidence la présence des molécules actives et dangereuses provenant des pesticides.
Une autre étude menée par D. Bourguet et T. Guillemaud, deux chercheurs de l’INRA, mettait en avant les coûts cachés de ces substances(2). D’après les deux chercheurs, le coût total de l’usage des pesticides dépassent de loin les bénéfices.
Une nécessité d’agir
Tout d’abord du fait de la destruction des services rendus par les écosystèmes, comme que la pollinisation. Ensuite par les impacts sanitaires et le coût de santé publique que représente l’augmentation du nombre de cancers imputés aux pesticides, tel que le cancer de la prostate présenté comme le « cancer des viticulteurs« . S’ajoute à cela les fonds publiques nécessaires au contrôle de ces substances, ainsi que les frais d’assainissement et de dépollution.
Ainsi, « les coûts sanitaires liés aux pesticides aux États-Unis approchent les 15 milliards de dollars par an« , explique l’association Génération Future, et « les impacts environnementaux sont chiffrés à environ 8 milliards par an« .
Ce que stipule aujourd’hui la loi en France
En France, les épandages de pesticides sont régis par le code rural. Dans celui-ci, il est stipulé qu’il est interdit de pulvériser si la vitesse du vent est supérieure à 20 km/h. Il est également obligatoire de respecter une zone tampon entre les bords des champs et les cours d’eau qui peuvent les entourer ou les traverser.
De plus en 2006, a été rédigé un arrêté encadrant l’utilisation des pesticides pour les professionnels. Abrogé une première fois, il a été réécrit en 2017 et mis en consultation publique entre janvier et février.
Un arrêté en-deçà des attentes
C’est un arrêté plutôt revu à la baisse, où l’on peut constater l’absence de mesures claires pour limiter les épandages aux abord des habitations, et une restriction de la notion de points d’eau aux cours d’eau, excluant les plans, fossés ou encore les mares.
Enfin pour les professionnels, le délai de rentrée sur les parcelles traitées est réduit à 6h au lieu de 24h voir 48h, si le travailleur est vêtu d’un équipement de protection individuel, alors même que l’efficacité de ces combinaisons est remise en cause.
Des alternatives aux pesticides qui semblent tout de même progresser
Dans ce tableau un brin morose, de bonnes nouvelles sont tout de même à signaler avec une loi votée en 2014 : La « Loi Labbé », interdisant l’utilisation des produits phytosanitaires pour les collectivités et les particuliers d’ici 2019.
S’ajoutant à cela un projet dans la Loi sur la biodiversité qui prévoit pour 2018, l’interdiction des néonicotinoïdes, responsables de la mort des abeilles. En parallèle l’agriculture biologique progresse chaque année et six français sur dix consomment régulièrement des produits sans pesticides.