Ce terme étrange est apparu au début des années 2000, et revient de plus en plus dans la bouche des scientifiques : l‘Anthropocène, autrement dit, « ère de l’Homme ». Fin août au Cap, en Afrique du Sud, lors du Congrès Géologique International, des scientifiques ont admis, à l’unanimité moins trois voix, que nous serions en train de vivre cette nouvelle époque au nom mystérieux.
La planète Terre serait entrée dans une nouvelle ère géologique, mettant fin à celle qu’on appelait « Holocène », et qui perdurait depuis plus de 10.000 ans. Le responsable de ce changement à grande échelle ? L’être humain et ses actions.
L’Anthropocène : une révolution géologique causée par l’Homme
C’est l’hypothèse qui avait été émise en 2002 par le chimiste et prix Nobel néerlandais Paul Cutzen, dans son article « Géologie du genre humain » publié dans Nature.
L’humain aurait transformé la Terre. Non pas de façon épisodique et temporaire. Mais profondément, durablement, au point de modifier sa structure et d’influencer la vie qui court à sa surface. Émissions de gaz à effet de serre bouleversant le climat, érosion des sols, disparition d’espèces animales et végétales : les conséquences de l’activité humaine sont multiples.
L’Anthropocène, c’est donc un nouvel âge géologique, marqué par la capacité de l’espèce humaine à transformer en profondeur la planète Terre. Mais quand cette période commence-t-elle ?
Une enquête de longue haleine
C’est tout le débat ! Avant de pouvoir déclarer officiellement que nous sommes entrés dans l’Anthropocène, encore faut-il en déterminer le commencement. Les scientifiques proposent à ce jour trois hypothèses :
- Première théorie : l’Anthropocène commencerait en même temps que les premières sociétés humaines, au Néolithique. Il y a environ 9.000 ans, les hommes commencent à travailler la terre avec l’agriculture et les débuts de l’élevage.
- Deuxième théorie : l’Anthropocène aurait été déclenché par la révolution industrielle, au milieu du XIXe siècle.
- Troisième théorie : les chercheurs réunis fin août au Cap considèrent que l’Anthropocène débuterait au milieu du XXe siècle, à la fin de la Seconde Guerre mondiale. En 1945, commence ce qu’ils appellent « la grande accélération », ou multiplication, des empreintes laissées par l’être humain sur la Terre. Les émissions de CO2 vont s’intensifier, tout comme la consommation d’énergie, et les effets des activités humaines sur la biodiversité deviennent de plus en plus visibles.
L’homme laisse des traces
Mais dans la grande enquête pour débusquer les indices permettant de déclarer une bonne fois pour toutes l’Anthropocène, il reste une étape. Les scientifiques-détectives doivent trouver un signe clair, une trace de l’activité humaine dans les strates géologiques de notre planète.
Où se trouve cet indice ultime ? Peut-être dans une carotte de glace, dans les rivières charriant nos pesticides, dans l’air pollué par nos voitures et nos usines, au fond des océans envahis de plastique, ou encore dans les coraux.
Et si l’hypothèse selon laquelle la Terre aurait basculé dans l’Anthropocène à la fin de la Seconde Guerre mondiale se confirme, la pièce manquante du puzzle pourrait bien être les éléments radioactifs rejetés par les essais nucléaires. Ces petites particules se retrouvent en effet en quantité dans l’atmosphère mais aussi les sédiments, comme le relevait Le Monde(2) en début d’année.
Réinventer un « futur durable »
L’enquête n’est donc pas terminée. Officiellement, la Terre vit encore dans l’Holocène, et ce depuis plus de 10.000 ans. Mais nous sommes peut-être déjà bel et bien entrés dans l’Anthropocène. Ce n’est pas une crise environnementale à court terme, mais une révolution géologique. Et pour la première fois, l’Homme en est à l’origine.
Faut-il alors se dire qu’il n’y a plus rien à faire, et que l’influence humaine sur la planète est irréversible ? À la fin du Congrès géologique international, le 29 août 2016, l’astronome Martin Rees nous engageait en tout cas à l’espoir, et à prendre en charge notre responsabilité vis-à-vis de notre environnement, dans les colonnes du quotidien britannique The Guardian : « Les sociétés humaines peuvent se frayer un chemin à travers ces menaces, réussir un futur durable et lancer des ères d’évolution post-humaine encore plus merveilleuses que celles qui nous ont précédés. »
La Terre survivra à ce nouveau cycle géologique. C’est pour la biodiversité, et pour la vie humaine en tant que telle, que les Terriens se doivent de réinventer une nouvelle manière de vivre.
- Le Monde, Allons-nous entrer dans l’anthropocène en 2016 ? http://www.lemonde.fr/planete/article/2016/01/02/allons-nous-entrer-dans-l-anthropocene_4840896_3244.html
- Le Monde, Allons-nous entrer dans l’anthropocène en 2016 ? http://www.lemonde.fr/planete/article/2016/01/02/allons-nous-entrer-dans-l-anthropocene_4840896_3244.html