C’est une menace à la biodiversité à ne surtout pas sous-estimer : le coût annuel des espèces exotiques invasives est tout simplement inimaginable.
Responsables du déclin de la biodiversité
La pollution et le réchauffement climatique sont hélas loin d’être les seuls ennemis mortels de la « biodiversité ordinaire« . Une autre menace, moins visible pèse sur les écosystèmes locaux : les espèces introduites par l’homme dans un milieu naturel, que ce soit volontaire ou non.
Une équipe de scientifiques vient de publier dans la revue Nature les résultats de son étude approfondie sur le coût de ces espèces invasives chaque année. Et ces résultats les ont eux-mêmes surpris par leur ampleur.
11 espèces en voie de disparition imminente
En effet, expliquent ces chercheurs, « ces invasions biologiques sont responsables de déclins substantiels de la biodiversité ainsi que de pertes économiques élevées pour la société et de dépenses monétaires associées à la gestion de ces invasions ».
Le recours à une base de données baptisée InvaCost leur a permis de dresser « une synthèse fiable, complète, standardisée et facilement actualisable des coûts monétaires des invasions biologiques dans le monde ».
Et l’addition est plus que salée : entre 1970 et 2017, ces espèces invasives ont coûté la bagatelle de 1.100 milliards d’euros à l’humanité.
Un coût annuel moyen de 26,8 milliards de dollars
Au total, cela représente, selon les scientifiques, un coût annuel moyen de 22,7 milliards d’euros. Ce coût a triplé à chaque décennie, pour atteindre 138 milliards d’euros pour la seule année 2017. Soit une somme vingt fois supérieure aux budgets combinés de l’OMS et du Secrétariat de l’ONU la même année…
De tels résultats sont aussi la preuve que jusque-là, ces coûts demeuraient massivement sous-estimés et sous-reportés. Et aucune chance que cette tendance se ralentisse, alors que « le nombre d’espèces envahissantes tend à croître avec la multiplication des échanges à l’échelle globale ».
Ces chercheurs notent par ailleurs que les montants liés à la prévention, la surveillance et la lutte contre la propagation de ces espèces restent marginaux comparés aux coûts des dégâts engendrés.
« Des organismes aussi divers que le moustique tigre, la fourmi de feu, la jussie rampante, la moule zébrée ou encore le rat noir cumulent chacun des dizaines de milliards dus aux ravages engendrés dans les pays qu’ils envahissent ».
Un coût dix fois supérieur aux mesures prises
Pourquoi une telle sous-estimation ? Il faut dire que ce travail constitue la première synthèse de tous les coûts reportés pour les invasions biologiques, dans le monde entier, toutes espèces confondues.
Elle se fonde au total sur l’analyse de 850 études, soit 2.419 données disparates que les chercheurs et chercheuses ont standardisées, comparées et classées selon une quarantaine de variables (espèces, régions, type de milieu, secteur économique…), au sein de la base de données InvaCost.
Au final, après analyse, 1.319 données ont finalement été retenues pour l’étude. « Les approches de recherche qui documentent les coûts des invasions biologiques doivent encore être améliorées, estiment les chercheurs. Néanmoins, nos résultats appellent à la mise en oeuvre d’actions de gestion cohérentes et d’accords politiques internationaux visant à réduire le fardeau des espèces exotiques envahissantes ».
En effet, il est clairement impossible de combattre un fléau aussi ruineux, alors que les dégâts économiques causés par ces espèces invasives sont approximativement dix fois supérieurs à l’argent dépensé pour y faire face… De quoi faire d’elles une des plus grandes menaces à la biodiversité qui soit.
Guide des plantes invasives,
de Guillaume Fried
Une introduction qui synthétise les connaissances actuelles et permet de mieux comprendre le mécanisme des invasions biologiques.