La filière éolienne française entre vents et marées

La France a fait le choix de sortir de la prédominance de l’énergie nucléaire et des combustibles fossiles. Cette transition n’est possible que via une diversification de son mix énergétique. Avec un objectif de 25.000 MW installés en 2020 (19.000 MW terrestres et 6.000 en mer), soit 10 % de la production nationale, l’éolien est placé au coeur de cette transition. Pourtant, l’implantation des parcs éoliens en France est un véritable parcours d’obstacles.

Rédigé par François Lefevre, le 18 Oct 2017, à 7 h 35 min
La filière éolienne française entre vents et marées
Précédent
Suivant

La France possède un potentiel éolien conséquent. Le gisement éolien terrestre est le deuxième en Europe, après les Îles britanniques, ce à quoi il faut ajouter un important potentiel offshore. L’exploitation du vent a plusieurs avantages : elle est écologique, et réduit significativement l’empreinte carbone liée à la production énergétique, elle est disponible localement, se base sur une ressource inépuisable et permet de garantir une certaine stabilité de prix. Ces caractéristiques assurent à l’éolien d’occuper une place de choix dans le bouquet énergétique français de demain.

L’éolien français, un potentiel sous-exploité

L’énergie éolienne présente cependant un certain nombre de contraintes. Premièrement, toutes les régions ne disposent pas d’un capital venteux suffisant pour rendre l’implantation éolienne intéressante. Les vents varient aussi localement – mais ils peuvent être anticipés grâce aux progrès réalisés dans la collecte de données météorologiques. De plus, cette variabilité résiduelle peut être compensée en utilisant des sources de production complémentaires plus stables et en s’appuyant davantage sur les capacités de stockage d’énergie dont nous disposons.

Étapes d’un projet éolien terrestre

L’installation d’un parc éolien terrestre nécessite une procédure en plusieurs étapes. Après avoir identifié une zone favorable à l’implantation, les pouvoirs publics locaux et les éventuels exploitants agricoles présents dans la zone sont notifiés. Cette première rencontre peut donner lieu à des promesses de bail avec les propriétaires du terrain, qui louent les parcelles où les éoliennes seront installées.

eolien terrestre, filière éolienne

© ER_09

Une étude d’impact est ensuite réalisée afin de mesurer les retombées du projet. Elle se penche notamment sur l’environnement, la qualité de vie des riverains, la biodiversité, le paysage et le patrimoine.

Le porteur de projet doit ensuite obtenir des autorisations préfectorales, ministérielles, auprès de la commission départementale de la nature des paysages et des sites et de l’autorité environnementale. Au terme de cette lourde procédure, le Préfet délivre des décisions d’autorisation ou de refus. Peuvent alors enfin commencer les appels d’offre, puis les travaux de construction – qui durent en moyenne 6 mois. À l’issue de l’exploitation, la durée de vie moyenne d’une éolienne est de 20 ans, le parc éolien étant alors démonté et la plupart des pièces recyclées.

Étapes d’un projet éolien offshore

L’éolien maritime (dit aussi offshore) suppose l’implantation d’un parc d’éoliennes en mer. Il est en développement en France depuis 2007, et représente aujourd’hui une puissance cumulée de plus de 2.500 MW répartis sur les trois façades maritimes. S’il est plus rentable qu’une ferme au sol, son implantation est plus délicate. Aussi, la phase de prospection pour un gisement de vent doit tenir en compte de l’ensemble des contraintes techniques, réglementaires et d’usages liées à l’implantation offshore. Le plus souvent, ces parcs sont situés à moins de 40 m de profondeur et à moins de 30 km des côtes.

eolien offshore, filière éolienne

ferme éolienne offshore au Royaume-Uni © fokke baarssen

Une fois une zone favorable identifiée, place à la réalisation d’une étude d’impact, principalement tournée vers l’environnement (géophysique, paysagère, ornithologiques et mammalogiques, benthique, halieutique…) et les désagréments pour les activités déjà présentes dans la zone. Des études techniques sont ensuite menées afin de confirmer la faisabilité du projet et résoudre les dernières questions techniques.

Il faut ensuite élaborer un plan industriel afin de préparer la construction. Ce plan sera transmis dans le cadre d’une demande d’autorisation administrative, délivrée par la préfecture, après une enquête publique. Des appels au financement du projet sont ensuite lancés – on évalue le coût du MW installé offshore à entre 3 et 4 millions d’euros, pour un coût total du parc compris entre 1 et 2 milliards d’euros en moyenne. La construction dure de 2 à 3 ans, selon les difficultés techniques d’implantation.

De nombreux points de blocage

On le voit, ces procédures sont très lourdes et contraignantes. À cela il faut ajouter la multitude de recours en justice déposés par les associations anti-éoliennes, qui peuvent retarder toutes les interactions entre le porteur de projet et l’administration. Selon Pauline Le Bertre, déléguée de FEE (France énergie éolienne), « compte tenu des délais d’instruction nécessaires, le traitement des recours peut prendre jusqu’à six ans« . En définitive, environ 75 % d’entre eux sont, in fine, rejetés, mais les projets prennent beaucoup de retard, ce qui expose à des dépenses supplémentaires.

Les chiffres du Planetoscope : Production d’électricité éolienne en France

Aussi, le développement de l’énergie éolienne en France rencontre aujourd’hui des difficultés aussi bien dans le secteur offshore que terrestre – et ce malgré un potentiel solide. De fait, un projet qui met trois ou quatre ans à sortir de terre en Allemagne, prend six à huit ans en France. Ainsi, le ministère de la Transition écologique a lancé le 6 octobre 2017, un groupe de travail chargé de simplifier les règles, la procédure et réduire les contentieux.

Les énergéticiens français se tournent vers l’étranger

En attendant des actions concrètes prises pour simplifier l’installation de parcs éoliens, les énergéticiens français n’ont d’autre choix que de se tourner vers des projets à l’étranger. En entrant au capital d’EREN Renewable Energy, Total s’est ainsi lancé dans le renouvelable… à l’étranger ! De même, Engie développe de plus en plus projets éoliens à l’échelle internationale – notamment au Mexique et en Mer du Nord, avec un parc offshore qui produira suffisamment d’énergie pour approvisionner 500.000 ménages par an dès 2018. Autant que la France n’aura pas.

Même le leader mondial de l’énergie, EDF, est contraint de multiplier les projets éoliens à l’étranger, faute de perspectives en France. Désireux de se faire une place dans l’éolien, le groupe a d’achevé la construction d’un parc expérimental à Blyth au Royaume-Uni le 5 octobre 2017 – un projet lancé en 2013 et qui totalise une puissance de 41,5 MW.

« Nous sommes fiers de jouer un rôle moteur et pionnier avec le développement du parc éolien en mer pilote de Blyth, aux côtés d’acteurs industriels innovants. La réalisation de ce projet d’un genre nouveau s’inscrit dans les objectifs stratégiques du Groupe EDF dans le domaine des énergies renouvelables. […] L’installation de notre deuxième parc éolien en mer au large des côtes britanniques nous donne l’opportunité de perfectionner encore davantage nos compétences dans ce domaine ».
Antoine Cahuzac, Directeur Exécutif du Groupe EDF, en charge des Energies Renouvelables

 

EDF a bien des projets dans l’hexagone, mais ceux-ci sont empêtrés dans des procédures juridiques postées par les « antis« . Ainsi, les parcs prévus pour être implantés au large de Fécamp (Seine-Maritime) à Courseulles (Calvados) et Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), sont encore en ballottage, alors qu’ils ont été attribués en 2012. On estime leur mise en service à 2022 au plus tôt.

« Vu la vitesse à laquelle cela se développe en France, on a intérêt à regarder à l’international« , explique Antoine Cahuzac. Une stratégie qui se concrétise avec des acquisitions en Allemagne et aux États-Unis, mais aussi des vues en Chine. Le savoir-faire français sert donc aujourd’hui principalement d’autres pays. Une situation frustrante, et ce d’autant quand on sait que, d’après une étude de la Carnegie Institution for Science parue le 9 octobre 2017, l’éolien en mer pourrait fournir assez d’énergie pour la planète entière.

Illustration bannière : Éoliennes- © Perfect Lazybones
Pour vous c'est un clic, pour nous c'est beaucoup !
consoGlobe vous recommande aussi...



Chef de projet énergies renouvelables et ingénieur en génie énergétique, François Lefevre supervise depuis plus de 10 ans de nombreux projets, touchant...

Aucun commentaire, soyez le premier à réagir ! Donnez votre avis

Moi aussi je donne mon avis