« La France n’atteindra pas ses objectifs de neutralité carbone sans mobiliser la filière forêt-bois, véritable atout pour agir simultanément sur l’atténuation et l’adaptation au changement climatique » a reconnu la récente étude Carbone 4 intitulée “Quel scénario carbone pour la filière forêt-bois à horizons 2030 et 2050 ?”, réalisée en partenariat avec les acteurs de la filière.
À la fois confrontées à ses effets et nécessaires à son atténuation, les forêts françaises et plus largement la filière forêt-bois jouent un rôle prépondérant dans la lutte contre le changement climatique. Dans le cadre de la préparation de la Stratégie Française Énergie Climat (SFEC) de la planification écologique, la filière forêt-bois et Carbone 41, ont réalisé une étude pionnière pour construire un scénario commun pour le futur. Pour ce faire, les experts ont étudié quatre dimensions : l’état de la filière en 2019, l’évolution de la demande en bois et de la récolte à horizon 2050, puis le bouclage entre ces différentes projections. Constat : la filière tient une place importante dans l’atteinte des objectifs de neutralité carbone tricolores.
Diminution du puits de carbone et adaptation sylvicole
L’une des premières observations de l’étude réside dans la diminution du puits de carbone dans la plupart des prospectives de l’IGN. En effet, l’étude s’appuie sur une hypothèse d’amplification graduelle des phénomènes climatiques d’ici à 2050, en prenant en compte les effets du changement climatique sur les forêts françaises, comme le ralentissement de la croissance et le dépérissement. Selon les experts, le puits de carbone forestier diminuera donc sensiblement à court et moyen terme en raison de la mortalité accrue des arbres, avec sans doute, des effets par crises et des changements importants du puits d’une année à l’autre. Toujours selon ces analyses, le puits de carbone forestier restera très probablement insuffisant pour satisfaire les objectifs nationaux de la Stratégie Nationale Bas Carbone adoptée en 2020.
Fort de ce constat, l’adaptation des forêts françaises au changement climatique apparaît comme un impératif pour les experts afin de gérer le risque d’un déstockage massif de carbone et préparer des forêts mieux adaptées, capables de rester des pompes à carbone. La nécessité des plans de reboisement avec des essences et des modes de gestions diversifiés et adaptés à la réalité des territoires a également été soulignée.
Un plus grand recours au matériau bois
La filière forêt-bois a choisi de se positionner sur un scénario de société tournée vers la sobriété et l’usage de matériaux biosourcés avec un besoin plus fort en bois matériau (notamment pour la rénovation et la construction). L’étude montre que ce choix stratégique a un effet positif sur le bilan carbone de la France, même à l’horizon 2050, où les produits bois conserveront une meilleure compétitivité en matière d’émission carbone en dépit de la décarbonation des autres matériaux.
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1 Carbone 4 est un cabinet de conseil indépendant spécialisé dans la stratégie bas-carbone et l’adaptation au changement climatique
La valorisation des produits bois sera donc une dimension essentielle pour répondre à l’augmentation des usages. Pour réussir le bouclage, une part plus importante de feuillus devra être valorisée en bois d’oeuvre. Cette valorisation passera aussi par une surveillance plus accrue de la santé des forêts afin de mener des coupes anticipées pour les arbres malades ou présentant un risque sanitaire élevé, afin de valoriser au maximum en matériau ces bois avant leur dégradation.
Pour limiter la tension de la récolte de bois nécessaire à l’augmentation des usages (+10 Mm3 d’ici 2035), un effort et des améliorations devront par ailleurs être consentis en matière de recyclage et de tri, pour continuer de valoriser au mieux la matière. L’étude souligne en ce sens la nécessité de changer les comportements des producteurs et des consommateurs. En outre, « cela nécessitera également une augmentation des capacités de transformation et de l’attractivité socio-économique des activités de gestion et d’exploitation forestière » précisent les experts.
Priorité à l’autoconsommation pour le bois énergie
Concernant le bois énergie, l’étude donne la priorité à l’autoconsommation de cette énergie pour les acteurs de la filière, plus précisément les professionnels de la transformation du bois, afin d’assurer leur compétitivité. L’objectif : doubler le volume consommé à cet usage avec +7 Mm3 d’ici à 2050 par rapport à 2019.
Une filière forte et agile pour réussir la transition
La contribution des acteurs de la filière forêt-bois semble donc nécessaire si ce n’est vitale pour la décarbonation nationale. Un rôle central, qui nécessitera, comme le souligne l’étude, une adaptation de la forêt à l’accélération du changement climatique et une adaptation de la filière à une transformation drastique de son approvisionnement avec un enjeu d’accélération de l’innovation pour valoriser des bois plus diversifiés et variables, parfois dépréciés par les crises et en assurer leur compétitivité.
Comme le rappelait Meriem Fournier, présidente du centre Inrae Grand-Est à Nancy, dans une tribune au Point : « Un défi de transition s’annonce donc pour l’industrie, qui devra, en même temps que nous envisageons les forêts de demain, s’adapter agilement à des ressources imprévues, diversifiées et changeantes »