Pour atténuer les effets du changement climatique à l’horizon 2050, vaut-il mieux privilégier une utilisation extensive ou intensive de la filière bois-forêt française ? Un récent rapport de l’INRA et de l’IGN a tranché la question.
Gestion des forêts françaises : des arbitrages à mener
Un rapport intitulé Freins et leviers forestiers à l’horizon 2050(1) publié le mardi 27 juin 2017 et réalisé par l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) et l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN), s’intéresse au rôle que pourrait jouer la filière forêt-bois française dans l’atténuation du changement climatique à l’horizon 2050.
La filière bois-forêt française peut contribuer de deux façons différentes, presque antagonistes, à la lutte contre le changement climatique : d’un côté, grâce à la vaste étendue des forêts françaises (17 millions d’hectares), 80 millions de tonnes de dioxyde de carbone par an sont stockées dans les arbres, les sols et les bois morts ; de l’autre, l’usage du bois comme élément de substitution à des combustibles ou matériaux plus polluants permet de limiter les rejets de dioxyde de carbone dans l’atmosphère.
Que son utilisation soit extensive ou intensive, les forêts françaises (ou d’ailleurs) jouent un rôle actif dans l’atténuation du changement climatique. Dans leur rapport, l’INRA et l’IGN ont tenté d’arbitrer laquelle de ces deux approches serait la plus efficace pour limiter les effets du changement climatique à l’horizon 2050.
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Trois scénarios de gestion forestière
Pour parvenir à trancher, l’INRA et l’IGN ont mis au point trois scénarios concernant les forêts françaises, prenant en compte les effets du changement climatique (hausse des températures) et des aléas en série (tempêtes, incendies, invasion biologique…) :
- L’Extensification : « dans lequel les niveaux de récolte actuels seraient maintenus, ce qui diminuerait les taux de prélèvement, et où les acteurs seraient les plus passifs face au changement climatique comptant sur les capacités d’adaptation des forêts » ;
- Les Dynamiques territoriales : « dans lequel les taux de prélèvement actuels seraient globalement maintenus, ce qui augmenterait l’intensification » ;
- L’Intensification avec plan de reboisement : « qui combinerait l’accroissement des taux de prélèvement dans toutes les zones où cela est envisageable, avec une politique volontariste de reboisement visant 500 000 ha/an sur dix ans en remplacement de peuplements peu productifs ou en impasse sylvicole par des nouvelles plantations plus productives« .
Quels que soient les aléas climatiques envisagés, « la capacité de stockage de carbone de la filière à l’horizon 2050 reste positive, et ce d’autant plus que la gestion forestière est active« , note le rapport. Néanmoins, en retenant la piste la plus sombre des prévisions du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), à savoir une hausse de 3,7°C des températures d’ici la fin du siècle, les chercheurs ont constaté que la contribution des forêts au stockage du dioxyde de carbone serait réduite en raison des sécheresses récurrentes qui nuiraient au peuplement de feuillus et de résineux.
Une gestion intensive des forêts
D’après les simulations menées, et compte-tenu des effets du changement climatique sur la capacité de stockage de la filière forêt-bois, c’est une gestion intensive des forêts, évoquée dans le troisième scénario, qui serait la plus indiquée pour atténuer les effets du changement climatique.
Néanmoins, les chercheurs estiment qu’il existe de nombreux freins économiques à une exploitation plus intensive des forêts françaises. « Il s’avère difficile et coûteux en aides publiques d’augmenter les taux de prélèvement actuels, car elle appellerait des incitations très fortes tant pour orienter les achats des consommateurs vers les produits issus du bois, que pour encourager les propriétaires forestiers et industriels dans l’intensification. Malgré l’effort nécessaire, les gains économiques pour la filière pourraient être conséquents. Consommateurs, propriétaires et transformateurs tireraient donc avantage de ces changements« , indique le rapport.