Né le 24 janvier 1970, Gaël Giraud est chef économiste de l’Agence française du développement, docteur en mathématiques appliquées de l’École polytechnique, spécialiste de la théorie des jeux, directeur de recherches au CNRS et responsable scientifique de la Chaire énergie et prospérité, financement et évaluations de la transition énergétique. Il est le coordinateur de l’équipe de recherche « Riskergy » sur la résilience de l’énergie et de la dette souveraine, ainsi que membre du comité scientifique du « Laboratoire d’excellence » consacré à la réglementation financière (LabEx Refi).
Il a été membre du comité d’experts sur la transition énergétique auprès du gouvernement français. Il a fait partie de la Commission internationale Stern-Stiglitz sur la tarification carbone en 2017. Il est également membre de l’ONG européenne Finance Watch et de la Fondation pour la Nature et l’Homme. Enfin, il a participé à la naissance du campus de la transition, lieu écoresponsable où les chercheurs du monde entier, ainsi que les entreprises peuvent venir réfléchir dans un regard écosystémique à des solutions pour la mise en oeuvre de la transition écologique.
Portrait de Gaël Giraud, un économiste qui casse les codes et ouvre des voies pour le financement de la transition écologique
Gaël Giraud a un parcours hétéroclite et a fait un virage à 180°, quand il est passé des milieux financiers new-yorkais, où il était trader, à une vie de religieux au sein des jésuites (prêtres membre de la compagnie de Jésus).
La mise en place d’un centre des enfants de la rue à Balimba au Tchad l’a amené à s’intéresser aux enjeux énergétiques et climatiques. Les pays de la corne de l’Afrique, peu émetteurs, subissent fortement les conséquences de l’augmentation des températures. Ainsi, il a très vite compris que les pays les moins émetteurs allaient être les premières victimes du réchauffement climatique.
Fin pédagogue dans la façon de présenter les conséquences d’un monde où la température augmentera de plus de 2°C à la fin du siècle, il est surtout un économiste qui remet en cause les grands dogmes de l’économie moderne et défend le besoin de sortir de l’économie de la croissance.
La question de la dette et de la captation de l’épargne par les marchés financiers
À revers d’une grande partie des économistes, il ne cesse de rappeler que parmi tous les acteurs économiques, les États sont les moins endettés de tous. De plus, eux seuls ont la possibilité de lever des fonds pour les investissements massifs que demande la transition énergétique.
Pour Gaël Giraud, les États doivent investir et donc s’endetter à bon escient pour réussir la transition écologique.
Nous avons jamais eu autant de monnaie en circulation
Il n’hésite également pas à répéter que certes la transition écologique coûtera plusieurs milliards, mais qu’il n’y a jamais eu autant de liquidités qu’aujourd’hui. En effet, les banques centrales des États ont injecté une quantité importante de monnaies pour faire repartir l’économie après la crise de 2008.
Cependant cet argent est actuellement piégé par les marchés financiers et alimente des bulles spéculatives tout particulièrement immobilières (c’est par exemple le cas de la pierre papier : on appelle pierre papier toute forme de placement financier ayant l’immobilier pour support).
Il n’est pas réinjecté dans l’économie verte. Les États ont à trouver la « tuyauterie » financière pour emmener cette masse monétaire vers des investissements verts. D’autant que le prix de l’éolien et du photovoltaïque sont extrêmement bas : 7 centimes par kWh.
Dans ce contexte, il n’hésite pas à montrer que la politique d’austérité budgétaire est un leurre et ne répond qu’à l’injonction d’un besoin de croissance lié au PIB. Les États doivent se défaire de cet indicateur qui ne reflète en rien le niveau de vie d’un pays, ni son engagement en faveur de la transition écologique.
Un besoin de lois plus strictes pour séparer banques de dépôt et banques d’investissement
Dans ce besoin de mobilisation d’épargne, il milite également pour une séparation réelle entre les banques de dépôts (où les citoyens placent leur argent) et les banques d’investissement. En effet, actuellement l’épargne sert encore et toujours à des placements sur des marchés à risque. Or les banques ont des fonds propres (c’est-à-dire leur propre argent) très faibles. Ainsi, dans l’éventualité d’une crise, elles seront contraintes d’utiliser l’épargne des particuliers pour ne pas faire faillite.
La nécessité de nouveaux indicateurs selon Gaël Giraud
Ainsi, il est, pour l’économiste, primordial que de nouveaux indicateurs voient le jour. Tout particulièrement pour que les entreprises puissent comptabiliser, dans leur bilan comptable, les impacts sur les écosystèmes comme une dette.
Pour citer un exemple, les entreprises spécialisées dans l’extraction minière ne comptent les prélèvements du sous-sol que comme une recette. Or la terre étant finie, ses ressources le sont tout autant. De ce fait ce qui est prélevé est avant tout une perte en capital naturel. Autant pour les ressources disparues du sous-sol que pour les impacts forts et souvent irréversibles sur les écosystèmes de l’extraction minière.
La mise en place d’une dette écologique dans la comptabilité des entreprises et des États permettrait, pour Gaël Giraud, de limiter les décisions prises qui sont destructrices pour l’environnement.
Dans cette réflexion, reste à déterminer quels sont les communs à protéger au niveau de la planète : ressources naturelles ? énergie ? minerais ? Un débat à ne surtout pas oublier et négliger.
Mettre en place un marché carbone à l’échelle mondiale avec un prix plancher
Un autre point important qu’il défend avec d’autres comme Alain Grandjean est la mise en place, à l’échelle mondiale, d’un corridor de prix carbone avec un prix plancher et un prix plafond, les deux allant en augmentant d’année en année.
Les recommandations du rapport porté par Alain Grandjean et Pascal Canfin pour la tarification du carbone, étaient de commencer avec un prix plancher de 40 dollars (américains) et un prix plafond de 80 dollars en 2020, pour arriver à un prix plancher de 50 dollars et plafond de 100 dollars en 2030.
Chaque État devrait mettre les mesures en place pour réussir à aboutir au prix fixé pour le carbone : c’est le marché carbone ou taxe carbone. Pour l’Agence française de développement, il est même nécessaire de dépasser les 100 dollars.
Une transition écologique qui doit se faite vite dans un regard de justice sociale et de protection de tous.
Pour Gaël Giraud, le réchauffement climatique est déjà en cours et certains pays, comme le Bangladesh ou les pays de l’Afrique de l’Est le vivent de plein fouet. Les pays et populations les plus pauvres seront les premières victimes.
Les dérèglements climatiques mettent en péril les structures de notre société actuelle augurant des déplacements massifs de population et des conflits pour le partage des ressources. Pour Gaël Giraud, la transition écologique n’est pas simplement une question technique mais elle doit nous interroger sur le modèle de société que nous voulons construire.
Illustration bannière : Gaël Giraud lors d’une conférence de la Fondazione Centro Studi Filosofici di Gallarate – capture d’écran YouTube UniGregoriana
Non au développement durable ?
Oui à l’EVOLUTION SOUTENABLE
… soutenue par des femmes et des hommes ne manquant pourtant pas d’R, bien au contraire ?
Eclairés par des non grégaires encore trop rares comme Gaël GIRAUD, çà peut marcher ou au moins nous permettre de mourir debout.