En effet, la situation est urgente. Non seulement le volume de déchets dans les pays en développement augmente de façon importante – on prévoit le doublement dans les quinze prochaines années – mais la gestion de ces déchets est très problématique. Par manque de ressources financières, les autorités publiques se concentrent sur l’urgence – la collecte – au détriment du traitement.
Dès lors, la décharge à ciel ouvert est souvent la seule solution possible, avec ses effets négatifs sur la santé des habitants : diarrhées, choléra, pestes, maladies respiratoires…, et son impact sur l’environnement – pollution de l’air, de l’eau et des sols, production de méthane par la fermentation sous terre…
Gestion des déchets dans les pays du sud : des municipalités tentent d’innover
Malgré ces difficultés, de plus en plus de villes dans les pays du Sud relèvent courageusement le défi et mettent en place des politiques innovantes et ambitieuses. En voici trois.
Les politiques publiques : Zéro sachet plastique à Koudougou
Koudougou, ville de taille moyenne à environ 100 km à l’ouest d’Ouagadougou, a reçu le 2 février 2018, le prix du Concours Inter-villes « Zéro plastique dans ma ville » de la Plateforme Re-sources(1). Pourquoi ce prix ?
Il faut savoir que l’utilisation des sacs plastiques, véritable « cancer des villes africaines », a été interdite au Burkina Faso dès le 1er janvier 2015. Les déchets abandonnés dans les rues, les parcelles vides, les caniveaux, les cours d’eau, etc., dégradent fortement la santé et le cadre de vie de la population. On estime qu’à eux seuls les déchets plastiques causent la perte de 30 % du cheptel chaque année et coûtent plus de 56 milliards de francs CFA au pays (soit plus de 85 millions d’euros).
Mais il ne suffit pas d’interdire ! Que fait-on des sacs et autres emballages déjà présents dans le pays ? Et comment recycler les déchets qu’on a ramassés ?
Collecte des plastiques à Koudougou
Le ministre de l’Environnement et du Développement durable a lancé une série de formations et mis en place, le 14 août dernier à Koudougou, une opération d’achat des déchets plastiques dans la région du Centre-Ouest. Des associations ou des individus se sont engagés à accompagner l’opération de collecte.
L’achat se fait au kilogramme et le paiement est direct et séance tenante. Une fois les déchets stockés, dans chaque région, des machines sont installées pour broyer les déchets plastiques collectés. Le résidu obtenu est ensuite conduit à Ouagadougou où il sera traité pour obtenir des granulés qui serviront à fabriquer des pavés, des tuiles, des tables-bancs, des poubelles, etc.
La lutte des chiffonniers de rue pour la reconnaissance
Les chiffonniers, ou récupérateurs de déchets, sont les héros non-reconnus du recyclage. Habitat, organisme de l’ONU, estime entre 50 et 100 le pourcentage des déchets ramassés par le petit peuple des poubelles dans les villes des pays en développement.
Leur efficacité est étonnante : en 2008, seul 7 % des villes brésiliennes avait un système de recyclage, mais grâce aux chiffonniers, 92 % de l’aluminium et 80 % des cartons étaient recyclés.
Pourtant, ils sont souvent mal considérés et leur rôle sous-estimé. Chaque fois qu’une ville comme le Caire ou Delhi cherche à « moderniser » son système de ramassage, les chiffonniers sont exclus du système, l’efficacité diminue et les coûts augmentent.
Nohra Padilla à Bogota en Colombie
Nohra Padilla a grandi dans une famille de chiffonniers à Bogotá. Quand la ville a fermé la décharge sur laquelle travaillait ses parents et ses onze frères et soeurs, ils ont été obligés de ramasser directement dans la rue, plus dangereuse que la décharge.
Avec les autres chiffonniers, Nohra a créé des coopératives, puis l’Asociación de Recicladores de Bogotá et pris petit à petit des responsabilités. En 2011 elle a gagné un procès contre la ville qui s’est vu contrainte d’attribuer des places aux chiffonniers dans chaque contrat de ramassage. Avec l’appui du maire Gustavo Petro, et malgré l’opposition continuelle des entreprises de ramassage qui voudraient les éliminer, les chiffonniers ont obtenu le droit d’être rémunérés, de porter des uniformes et d’avoir une carte professionnelle. Ils gèrent à présent deux centres de tri dans la ville.
Le traitement “circulaire” des déchets : l’exemple d’Istanbul
En 1990, devant l’augmentation régulière du volume des déchets et le manque de terrains disponibles pour l’enfouissement – qui représentait 80 % du traitement à l’époque, la ville d’Istanbul a décidé de mettre en place un programme de traitement « circulaire » intégré, c’est-à-dire permettant le fabrication de compost, mais aussi la conversion de la biomasse et du méthane provenant des déchets urbains en énergie.
Aujourd’hui, les deux sites de la ville traitent quelque 25.000 tonnes de déchets par jour. Le site d’Odayeri, situé sur un terrain de 266 hectares, du côté européen de la ville, traite les déchets municipaux, médicaux et organiques et est capable de produire 35 MW d’électricité, suffisamment pour couvrir les besoins annuels de 130.000 familles.
La chaleur produite par le système, qui est utilisée pour chauffer une serre de 3.200 m2, permet d’économiser quelques 800.000 tonnes de CO2 et 130.000 de dollars par an. Le compost produit est utilisé dans la serre, qui produit 600.000 fleurs par mois pour les parcs et jardins de la ville.
Ainsi, la gestion intégrée durable des déchets dans les pays du sud est un véritable défi qui nécessite de s’appuyer sur le secteur informel, très développé et performant en termes de collecte et de recyclage, et pas seulement par le secteur privé et des politiques publiques.
Synthèse très intéressante sur ce qui est mis en place pour gérer certains déchets, localement. Merci à vous. Sylvie (Burkina Faso + UE)
Merci pour votre commentaire, Sylvie. Il y a des dizaines d’exemples comme ceux-ci. On en présentera d’autres dans les prochaines semaines sur consoGlobe.