consoglobe.com – Une cinquantaine de responsables d’ONG, avocats, journalistes et directeurs de médias sont poursuivis en justice par le groupe Bolloré et ses partenaires. Vous avez récemment signé une tribune dans Médiapart pour dénoncer ces « poursuites-bâillons ». Pouvez-vous nous expliquer l’origine de ces poursuites ?
Jean-François Julliard : nous sommes poursuivis par la Socfin, détenue à près de 39 % par Bolloré, qui possède des plantations de palmiers à huile et d’hévéas en Afrique et en Asie du sud est(1). Notre rapport contre la déforestation, sorti en 2016 – Menaces sur les forêts africaines, n’a pas plu à Socfin qui nous poursuit en diffamation.
Greenpeace a maintenu ses informations [NDLR : selon lesquelles les concessions de la Socfin en République démocratique du Congo et à Sao Tomé-et-Principe incluent des forêts primaires, mais aussi des forêts secondaires ou en régénération qui stockent d’importantes quantités de carbone]. Nous avions rencontré Vincent Bolloré dans les bureaux de Canal Plus, pour lui demander d’intervenir auprès de son ami, le PDG de la Socfin, mais rien n’a été fait. Nous lui avions montré des cartes très précises de l’état de la déforestation sur les plantations de la Socfin. Il nous avait vanté les mérites des actions du groupe en faveur de l’environnement et nous avait promis d’intervenir.
Selon nous, ce type de poursuite est une façon d’essayer de nous faire taire. Après des mois de campagne, en 2016, la Socfin a publié des engagements de « gestion responsable » de ses plantations, s’alignant sur la politique Zéro Déforestation prônée par Greenpeace. Nous attendons toujours leur mise en oeuvre sur le terrain.
consoglobe.com – Les ministres de l’Environnement de neuf pays, dont la France, ont été convoqués par la Commission européenne ce 30 janvier, au sujet de la qualité de l’air. Les seuils de pollution ne sont pas respectés. Pourquoi fait-on figure de mauvais élève dans ce domaine ?
Jean-François Julliard : beaucoup de pays européens, dont l’Allemagne et le Royaume-Uni, sont concernés. L’Union européenne a raison, les États ne s’attaquent pas réellement au sujet. Les Assises de la mobilité se sont tenues en fin d’année. On verra quelles réponses concrètes seront apportées concernant la pollution des transports, notamment dans le cadre de la loi Mobilité prévue par le gouvernement. La question du transport routier n’a jamais suffisamment été prise en main en France, que ce soit sur l’usage des voitures ou des camions.
Quand on entend Nicolas Hulot qui souhaite mettre fin à la vente des véhicules diesel et essence en 2040, c’est bien mais insuffisant et on ignore pour l’instant quel est son plan d’action. Il faut repenser notre mobilité, notamment en ville, développer le transport et le fret ferroviaire… Pas seulement remplacer le diesel par de l’essence, ou l’essence par des voitures électriques mais bien accompagner le développement de solutions alternatives, comme des transports en commun plus efficaces et plus nombreux, des aménagements cyclables pour sécuriser l’usage du vélo. Le vélo continue à être principalement considéré comme un loisir en France, alors que c’est un vrai moyen de transport du quotidien, dans de nombreux pays.
La Commission pourrait décider de sanctionner les États membres coupables d’infraction et saisir la Cour européenne de justice. Sans nouvelle mesure, les normes de qualité de l’air sont susceptibles de ne toujours pas être respectées. Pour le moment, Nicolas Hulot reste flou ou passe encore sous silence des enjeux clefs. J’espère que cette fois, il fera en sorte de dresser un véritable plan d’action.
Lire page suivante : agriculture et alimentation