consoglobe.com – Greenpeace France a fêté ses 40 ans à l’automne dernier. Pouvez-vous revenir les premiers combats du mouvement en France ?
Jean-François Julliard : Greenpeace France a été créée en 1977. Elle a une histoire en deux étapes. Nous avons commencé par les combats emblématiques du mouvement avec la campagne sur la protection des phoques, celle sur la protection des baleines et la campagne contre les essais nucléaires.
Notre navire, le Rainbow Warrior amarré en Nouvelle-Zélande, s’apprêtait à mener une campagne dans les eaux polynésiennes françaises contre les essais nucléaires. Il y a eu un avant et un après Rainbow Warrior, suite à l’attentat par les services secrets français qui fit un mort, avec une interruption de deux ans entre 1987 et 1989. Nous sommes ensuite repartis sur de nouveaux sujets, dans les années 90.
Il y a eu une campagne emblématique contre les OGM. Aujourd’hui, avec la question des « nouveaux OGM » qui arrive, c’est à nouveau un sujet de préoccupation. Le nucléaire a toujours été le fil conducteur de Greenpeace en France et le reste encore aujourd’hui. Il y a eu le nucléaire militaire, puis le nucléaire civil.
consoglobe.com – Quels sont les autres événements principaux qui ont émaillé ces quatre décennies d’engagement ?
Jean-François Julliard : la campagne sur la protection des mammifères marins a porté ses fruits en 1982, avec l’adoption d’un moratoire international sur la chasse baleinière commerciale. La campagne pour la protection de l’Antarctique, à laquelle Greenpeace France a participé, a abouti à la signature d’un traité international, en 1991.
L’organisation a aussi joué un grand rôle dans l’interdiction de l’immersion des déchets nucléaires en pleine mer, avec l’adoption d’une convention internationale en 1993. On peut dire qu’elle a largement contribué à la signature du traité d’interdiction totale des essais nucléaires, une grande victoire.
Plus récemment, la campagne anti-OGM, dans laquelle elle a été très active, a permis d’interdire la culture du maïs MON810 de Monsanto en France. Ce sont quelques-uns des combats gagnés, mais de nombreux autres restent à mener…
consoglobe.com – Quelle est la mesure du mouvement en France aujourd’hui ?
Jean-François Julliard : Greenpeace France, c’est environ 188.000 adhérent-e-s. Dès qu’on donne un euro, on adhère à l’association au sens où l’on a le droit de vote pour les élections à l’assemblée générale. C’est un peu plus de 20 millions d’euros de budget, avec une centaine de salariés à Paris, principalement.
Il y a 28 groupes locaux animés par des bénévoles un peu partout dans l’Hexagone. Ils sont chargés de relayer nos campagnes sur le terrain, faire de la sensibilisation du grand public, distribuer des tracts, mener des animations sur certains événements, rencontrer des élus locaux… Greenpeace ne serait rien sans ses groupes locaux qui soutiennent le mouvement sur les territoires.
consoglobe.com – Historiquement, Greenpeace est connue pour être une ONG de protestation. Ces dernières années, une transformation s’est opérée et vous proposez aussi au public de soutenir des solutions : des projets d’agriculture écologique, d’énergies renouvelables citoyennes… Comment s’est opéré ce tournant ? Est-il bien intégré ? Avez-vous d’autres projets d’actions de ce type ?
Jean-François Julliard : nous continuons à protester, à dénoncer les menaces sur l’environnement. Mais nous avons conscience que nos objectifs doivent aussi trouver un écho dans la vie quotidienne des gens.
Le public a besoin de solutions concrètes et de mieux comprendre des enjeux du quotidien, comme l’impact de la viande et notre surconsommation. Démontrer qu’un couscous végétarien est aussi nourrissant pour nos enfants qu’un steak frites, c’est montrer à des familles, qu’elles soient militantes ou moins impliquées dans la défense de l’environnement, que les solutions existent, et qu’elles peuvent être simples.
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Proposer un classement des marques de thon en boîte, c’est aider les consommateurs et consommatrices à acquérir de bons réflexes, tout en leur conseillant de diminuer leur consommation.
En faisant la promotion des énergies renouvelables, Greenpeace veut prouver qu’on peut sortir du nucléaire sans retourner à la bougie. Aujourd’hui, trop peu de gens savent qu’il est possible de consommer une électricité produite uniquement grâce aux énergies renouvelables, ou que l’énergie solaire est possible, même quand il pleut !
Greenpeace : 40 ans d’engagement en vidéos
consoglobe.com – Quels sont vos grands axes de plaidoyer pour 2018 ?
Jean-François Julliard : Greenpeace International a une mission en Antarctique et c’est la première fois depuis très longtemps. D’ici la fin de l’année, l’objectif est d’obtenir une aire marine protégée dans la mer de Weddell. Ce serait une sorte de parc national marin, le plus grand au monde. Un équipage, notamment composé de scientifiques, est parti sur l’un de nos bateaux pour documenter les fonds marins, montrer à quel point cette région riche et intacte, est essentielle à la préservation de la biodiversité…
Greenpeace France mène une autre campagne conjointe avec Greenpeace Brésil, pour faire en sorte que Total n’obtienne pas la licence pour ouvrir un nouveau puits de forage au large de l’Amazone, à la frontière guyanaise (territoire français). Il y a bien entendu le frein climatique qui exhorte à ne pas aller chercher des nouveaux gisements d’hydrocarbures [NDLR : très émetteurs de CO2], mais il y a aussi un récif corallien important qui serait dévasté en cas de marée noire. Nous allons donc envoyer un bateau.
Nous allons poursuivre des actions sur la question de l’élevage et la restauration collective, et sur le nucléaire bien entendu. Au-delà de nos procès, nous allons continuer pour que ces failles de sécurité soient sérieusement prises en compte.
consoglobe.com – Que peut-on vous souhaiter pour cette nouvelle année ? Comptez-vous encore sur l’action de Nicolas Hulot ?
Jean-François Julliard : au-delà des mots, qu’il y ait de vrais actes pour la protection de l’environnement en France. Nous sommes un peu lassés des belles paroles. Nicolas Sarkozy a fait de très beaux discours sur l’environnement, François Hollande et Emmanuel Macron également. Mais cela manque de mesures concrètes à chaque fois. Avec Nicolas Hulot, on espère des avancées réelles. Ce 5 février, il a reçu une douzaine d’ONG, dont Greenpeace, pour faire le point sur différents sujets. Ce n’était pas un rendez-vous pour prendre des engagements. Nous avons parlé énergie, alimentation, transports, etc. Le ministre était en position d’écoute de nos propositions, nos inquiétudes, nos critiques. On attend de lui désormais qu’il passe véritablement à l’action.