Quelques semaines après l’adoption de la Loi pour la transition énergétique, dès la fin juillet 2015, se créait l’association HOP, pour Halte à l’Obsolescence Programmée. Son objectif : se constituer en force citoyenne et mener des actions collectives contre les fabricants abusant de l’obsolescence programmée, mais aussi dénoncer les mauvaises pratiques, et informer des bonnes.
Plus que 7.500 membres et « Halte à l’Obsolescence Programmée » pourra attaquer les marques qui abusent : allez, HOP, rejoignez-les vite !
ConsoGlobe.com a rencontré la fondatrice de cette association de « consomm’acteurs », Laëtitia Vasseur, pour faire le point et prendre part à cet effort contre les abus de l’obsolescence programmée.
consoGlobe.com – À bientôt un an de l’adoption de la Loi pour la transition énergétique, où en est son application et qu’a-t-elle changé dans la pratique, avec la Loi Hamon ?
Laëtitia Vasseur : Notons déjà que l’on a mis beaucoup de temps à arriver à ces éléments législatifs. Tout avait commencé avec une proposition de loi de Jean-Vincent Placé début 2013, dont les principaux éléments ont été repris dans la loi consommation de Benoît Hamon l’année suivante, qui a surtout porté sur les actions de groupes, sur les pièces détachées, et sur la garantie. L’avancée concrète, c’est qu’aujourd’hui une garantie est valable non plus six mois mais deux ans.
Concernant les pièces détachées, on a fait introduire dans la loi Hamon un amendement imposant aux distributeurs du type Darty ou Auchan, de donner l’information sur la disponibilité des pièces détachées. Désormais, pour toute machine achetée, on devrait obtenir des renseignements quant à l’existence de pièces pour la réparer. Mais cet amendement n’est pas appliqué, car le décret d’application a été reformulé de manière à spécifier que seuls les fabricants proposant des pièces détachées sont tenus de le faire. Or près de 80 % des grandes marques ne donnent pas cette information aux consommateurs : il faut donc que l’État fasse respecter la loi. Nous demandons aussi que les fabricants qui ne proposent pas de pièces détachées le signalent.
consoGlobe.com – Et la Loi sur la transition énergétique, quelles avancées concrètes a-t-elle permis ?
Laëtitia Vasseur – Les propositions reprises dans la loi sur la transition énergétique portent essentiellement sur le délit d’obsolescence. Cela a permis d’introduire un délit juridique, c’est important parce qu’il y a maintenant une définition officielle de ce qu’est l’obsolescence programmée et des sanctions pour les cas avérés.
consoGlobe.com – Très bien, mais est-ce mis en oeuvre ?
Laëtitia Vasseur – Pour le moment il n’y a pas eu de cas porté devant la justice, à la fois parce que c’est récent, mais également parce que c’est un délit assez difficile à prouver : la loi est écrite de telle façon qu’il est compliqué pour les particuliers de la faire appliquer. Il faut donc porter les cas ensemble, avec des actions en justice collectives, ce que permet justement la Loi Hamon sur la consommation. Avec tout de même un garde fou : le collectif portant le dossier doit être une association de consommateurs agréée. Le problème étant que pour être agréé, il faut compter 10.000 membres et exister depuis plus d’un an, ou bien faire des recherches scientifiques.
Nous avons créé HOP en juillet, dans le but de mener à terme des actions collectives, mais pour le moment, nous ne pouvons pas encore le faire : nous avons moins d’un an et moins de 10.000 membres puisque nous recensons aujourd’hui 2.500 membres inscrits. Il faut donc nous rejoindre très vite !
consoGlobe.com – Pour résumer, les dispositions en vigueur aujourd’hui représentent donc une prise de conscience du législateur, mais se traduisent pas des avancées encore faibles pour les consommateurs ? Quelles sont donc vos autres revendications ?
Laëtitia Vasseur – On aimerait d’abord qu’il y ait un affichage de la durée de vie des produits, ce qui permettrait aux consommateurs de savoir qu’ils peuvent payer plus cher pour un produit qui dure plus longtemps. Il y a une étude du Conseil Économique et Social Européen(1) , qui montre que si les consommateurs disposaient d’une information sur la durée de vie, cela aurait une influence positive sur leurs choix. Surtout, les constructeurs savent parfaitement estimer la durée de vie de leurs produits, mais ne veulent pas donner cette information.
On souhaite également étendre la garantie légale. Aujourd’hui, elle est de deux ans, mais on pourrait imaginer l’étendre à cinq ans sur certains produits, quand c’est pertinent. Du coup le consommateur bénéficierait d’une garantie étendue, et le producteur aurait un intérêt à produire des produits plus durables.
consoGlobe.com – Pour quels types de biens ?
Laëtitia Vasseur – C’est valable surtout pour le plus gros de l’électroménager : les frigos, les lave-vaisselle, etc. On s’attendrait à ce que de telles machines durent 15 ans plutôt que cinq. Pour les ordinateurs, cela peut aussi être envisageable, même si c’est plus délicat.
consoGlobe.com – La législation française sera-t-elle renforcée dans les prochains mois par le niveau européen ?
Laëtitia Vasseur – Ce qui est actuellement prévu au niveau européen dans le cadre de la prochaine Directive déchets(2) ainsi que le paquet économie circulaire, restent très insuffisants.
consoGlobe.com – Aujourd’hui, quels sont les abus les plus communs que vous observez ?
Laëtitia Vasseur – Ils sont de trois types. Il y a d’abord l’obsolescence technique que l’on observe largement sur les ordinateurs portables et les smartphones. Elle concerne par exemple, le fait que l’on ne puisse pas changer la batterie : c’est un abus clair puisqu’il s’agit d’un consommable qui s’épuise facilement. Autre exemple criant : les vis particulières, propriété d’Apple, qui compliquent beaucoup la réparation ou l’opération de changement de pièces sur les appareils de cette marque.
On observe ensuite l’obsolescence logicielle, qui désigne le fait que les logiciels soient programmés pour ne durer qu’un certain temps. Il faut ensuite faire des mises à jour qui font bugger le téléphone ou l’ordinateur parce qu’elles nécessitent plus de mémoire que ce que ne peut supporter l’appareil.
Et puis il y a l’obsolescence esthétique, soit toutes les stratégies marketing mises en oeuvre pour essayer d’influencer les comportements afin que le consommateur remplace ses biens alors qu’ils n’ont pas besoin d’être changés. Mais dans ce cas-là, la responsabilité de tous est partagée : les consommateurs aussi doivent prendre conscience des effets de mode et faire un meilleur usage des biens.
consoGlobe.com – Et c’est aussi le plus difficile à réglementer…
Laëtitia Vasseur – Oui. Ici, l’action passe aussi par la prévention, avec des résolutions de bonne conduite des fabricants, et des campagnes de sensibilisation des pouvoirs publics pour encourager à la sobriété plutôt que de pousser à la consommation.
consoGlobe.com – À l’inverse, quelles sont les marques et les bonnes pratiques que l’on pourrait citer en exemple ?
Laëtitia Vasseur – Du côté associatif, il y a bien sûr les Repair Cafés : si vous avez une imprimante, un fer à repasser ou tout autre appareil cassé, ces « cafés de la réparation » peuvent vous aider à les réparer bénévolement. Il y a aussi des start-ups qui émergent, par exemple Spareka qui fabrique des pièces détachées, et propose des tutoriels en ligne pour apprendre comment réparer, ou encore commentreparer.com, un site très bien fait aussi.
Du côté des marques, on trouve Backmarket qui reconditionne les téléphones ainsi que les Fairphones qui sont prometteurs. L’idée du Phoneblock de Google est intéressante : il faudrait voir le cahier des charges, mais il est clair que la voix du modulable est encourageant. Il y a aussi le projet « l’increvable » de deux designers qui veulent créer une machine à laver en kit.
À terme quand elle aura suffisamment de membres, l’association HOP – Halte à l’Obsolescence Programmée a pour vocation de mener des actions de justice collectives, mais elle agit dès aujourd’hui, par la pédagogie et l’association des acteurs du changement.
Pour la suivre :
- Sur le site de la communauté HOP
- Sur la page Facebook HOP // Halte à l’obsolescence programmée
- Sur la plateforme produitsdurables.fr, où chacun peut dire si les produits achetés sont durables ou non
- Conseil Économique et Social Européen, Towards more sustainable consumption : industrial product lifetimes and restoring trust through consumer information, http://www.eesc.europa.eu/resources/docs/qe-02-13-764-en-c–4.pdf
- Législation européenne sur la gestion des déchets http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=URISERV:ev0010
De plus en plus de marques ont, en effet, pour projet de lancer des produits modulables, en particulier dans le domaine informatique (Microsoft, Nintendo, etc.). Reste à savoir si ces projets vont être réellement concrétisés et si le consommateur sera prêt à jouer le jeu.
L’article est intéressant, je demeure fasciné par la facilité avec laquelle nos smartphones sont rendus obsolètes pour des simples raisons logicielles…
Contrairement à ce qu’insinue l’article, un PC met du temps à devenir incompatible avec les logiciels récents (sauf les applications réputées gourmandes dont beaucoup se passent de toute façon). On peut aisément utiliser un PC datant du début des années 2000 avec les logiciels du moment.
J’ai acquis mon premier smartphone sur le tard, et j’ai été très surpris de voir à quelle vitesse ces appareils sont rendus inutilisables pour des raisons idiotes : il est quasiment impossible de mettre à jour leur système d’exploitation ! De nombreuses applications Android, par exemple, ne sont utilisables que sur les appareils récents… Et je n’ai jamais vu personne s’en offusquer… Le consommateur se montre très consentant, je trouve.