Alors que plusieurs des projets d’éoliennes immergées permettant de transformer les courants marins en énergie électrique rencontrent des déboires et retards, le marché de l’hydrolien pourtant reste prometteur.
L’hydrolien connaît quelques déconvenues
« Le marché n’est pas au rendez-vous des espoirs suscités entre 2009 et 2013 » : c’est par cette explication laconique que l’entreprise américaine General Electric (GE) a fait part de sa décision de suspendre le développement de sa turbine Océade. C’est cette hydrolienne qui devait permettre au groupe français Engie d’installer un parc au Raz Blanchard, dans le Cotentin, capable de délivrer une puissance de 1,4 mégawatt (MG) par turbine et d’alimenter quelque 15.000 personnes en électricité. Les quatre hydroliennes devaient être livrées par GE à l’horizon 2018.
La décision du conglomérat américain représente un nouveau coup dur pour le développement de l’énergie hydrolienne en France. Immergés sous la mer, silencieux, ces monstres de technologie atteignant parfois 20 mètres de diamètre utilisent la force des courants marins afin de produire de l’électricité. Comme leur nom l’indique, les hydroliennes sont en quelque sorte les éoliennes des fonds marins, à la différence près que les courants marins sont prévisibles, contrairement au vent. Le gisement potentiel des courants marins est estimé entre 75 et 100 gigawatts (GW) dans le monde, et entre 2 et 3 GW en France – ce qui représente 20 % du potentiel européen.
Un potentiel important donc, mais qui tarde à être exploité. De fait, nombre d’industriels qui s’étaient très tôt positionnés sur cette technologie ont depuis revu leurs ambitions à la baisse, quand ils n’ont pas tout simplement jeté l’éponge, à l’instar des Allemands Siemens et Voith Hydro.
Pour Jean-François Daviau, le patron de la PME bretonne Sabella, « les premières fermes commerciales ne devraient pas entrer en service avant 2023-2025, un horizon trop lointain pour ces grands groupes ». Mais si les grandes entreprises internationales se montrent frileuses, ce n’est justement pas le cas de Sabella, qui reste à l’heure actuelle la seule entreprise à avoir remporté le pari de produire de l’électricité marine en France.
En Bretagne, l’hydrolien, ça marche !
« Toujours les seuls », twittait l’entreprise bretonne le 6 janvier dernier. Un tweet mi-victorieux mi-défaitiste, qui reflète les débuts laborieux de la filière hydrolienne dans l’Hexagone. De fait, la PME basée à Quimper, à la tête d’une petite quinzaine de salariés, peut se targuer d’être à la pointe dans le domaine de l’énergie marine. En immergeant, de juin 2015 à juillet 2016, sa « Sabella D10 » dans le passage du Fromveur, l’entreprise pionnière a réussi l’exploit de fournir 70 Mwh sur la période aux habitants de l’île d’Ouessant.
Toujours les seuls… https://t.co/umJFDo8nsy via @LesEchos #hydrolien #EMR #PME #MadeInFrance #Ouessant
— Sabella (@SabellaTidal) 6 janvier 2017
Si l’hydrolienne Sabella D10 a dû être sortie de l’eau au bout d’un an afin de remédier à la détérioration d’un câble et au piratage de l’ordinateur permettant la connexion par satellite avec son système de pilotage, les dirigeants de la PME comptent bien pouvoir l’immerger à nouveau au cours du printemps. Ils placent également leurs espoirs dans le lancement d’un nouvel appel d’offres pour une ferme de quatre hydroliennes au large d’Ouessant, également attendu ce printemps.
Sabella ne devrait pourtant pas garder le monopole de l’hydrolien tricolore très longtemps. Depuis 2012, un démonstrateur a été lancé par EDF à Paimpol-Bréhat, en Bretagne. Le prototype, d’un diamètre de 16 m et d’un poids de 850 tonnes pour une puissance de 2 MW, inspire le développement d’un parc de 7 hydroliennes conçu par EDF Energies Nouvelles et DCNS dans le Raz Blanchard, au large du Cotentin. Baptisé « Normandie Hydro », ce projet devrait, dès le raccordement des turbines au réseau, prévu en 2018, marquer une étape décisive dans la création d’une filière industrielle française digne de ce nom.
Si DCNS Energies compte exploiter l’énergie marémotrice, le spécialiste de la mer entend également exploiter le potentiel des océans de deux autres façons : via l’énergie thermique des mers et l’éolien en mer flottant. C’est justement sur cette dernière énergie que mise une autre start-up française, Ideol.
L’éolien flottant, autre solution marine innovante
Basée à La Ciotat, dans les Bouches-du-Rhône, Ideol emploie déjà 60 personnes et a réalisé, en 2015, un chiffre d’affaires de 2,8 millions d’euros. Son créneau ? Les éoliennes flottantes, dont le premier exemplaire est aujourd’hui en construction, pour une mise en service prévue d’ici à la fin de l’année 2017. Associée à Bouygues Travaux publics, Ideol a développé un modèle de flotteur innovant, en béton, alors que la plupart de ses concurrents choisissent l’acier.
Pour l’un de ses dirigeants, Paul de La Guérivière, qui évalue le marché des éoliennes flottantes à 20 milliards d’euros pour les seuls Royaume-Uni, Japon et France, « la France et l’Europe, sur ce marché émergeant, ont l’opportunité de devenir leader mondial ». La France, qui a accumulé du retard en termes d’éolien en mer en raison de l’opposition de nombreuses associations, pourrait bien le rattraper grâce à l’éolien flottant. En effet, les installations flottantes peuvent être disposées au-delà de 40 mètres de profondeur, la limite pour l’éolien « posé » sur les fonds marins. Un atout de taille en matière de pollution visuelle, que compte bien exploiter Paul de La Guérivière, pour qui « l’avenir de l’éolien en mer passe par celui du flottant ».
Éolien ou hydrolien, une chose est sûre : l’avenir de l’énergie issue de la mer sera dessiné par les acteurs les plus innovants.