ConsoGlobe.com – N’est-ce pas paradoxal qu’un accord international fasse fleurir ses effets essentiellement au niveau local ?
Anne Bringault – Ce n’est pas complètement illogique. Les changements à faire sont menés au niveau local. Au premier chef, réduire la consommation de l’énergie, isoler les logements. Prenons l’exemple de la mobilité. L’État doit donner un cadre et éviter d’investir dans de nouveaux complexes autoroutiers. Mais au niveau local, les collectivités disposent de nombre de leviers pour favoriser les transports en commun ou les infrastructures pour le vélo.
Beaucoup de ces aspects sont liés à l’agriculture ou à l’alimentation. Et beaucoup de choses peuvent être faites et sont faites au niveau local, avec les menus dans les cantines par exemple. Les citoyens et les collectivités s’emparent de ce sujet et se disent « moi aussi j’ai envie d’agir au niveau local ». Cet ensemble d’actions va à terme influencer les gouvernements nationaux. Et on l’espère, les rendre plus ambitieux.
ConsoGlobe.com – Mais cette dynamique est-elle réellement due à la Cop21 ou était-elle présente avant ?
Anne Bringault – La Cop21 a accéléré les choses, il y a eu une prise de conscience. Le sommet de Paris a fait monter ce sujet un peu plus haut dans les préoccupations des Français.
Il a incité des responsables de collectivités à s’engager et à mener des actions. Il y a eu des dynamiques, comme Alternatiba, qui s’est développée pendant la COP21, et qui est en train de continuer sur le terrain. Pour preuve, cet été, il y a eu un « camp climat » qui a réuni une centaine de personnes. C’est quelque chose qu’on n’aurait pas vu il y a quelques années.
Ces personnes se mobilisent pour influencer les décisions locales conçues par les collectivités, comme les plans climat énergie territoriaux qui vont être conçus par les collectivités. On a un tissu associatif qui s’est recréé avec des modes d’actions variés, mais une volonté réelle d’influencer les politiques, notamment locales.
ConsoGlobe.com – Quels territoires sont en pointe sur la question ?
Anne Bringault – Il y a des territoires en pointe depuis longtemps, comme Loos-en-Gohëlle, mais il y a Maloney par exemple, dans la commune de Rouen. Elle fait des choses extraordinaires dans beaucoup de domaines comme la transition énergétique. Par exemple, dans une maison de retraite où chaque personne âgée avait sa voiture, ils ont mis à disposition un véhicule électrique partagé. Une petite action certes, mais très concrète.
ConsoGlobe.com – Est-ce que dans un pays jacobin et centralisé comme la France, des dynamiques aussi locales peuvent avoir une réelle influence à un niveau national ?
Anne Bringault – Ça ne suffira pas. La vraie question ; est-ce que ça ira assez vite pour changer les choses à temps ? Au CLER, on mise beaucoup sur les grandes villes. Il y a un mouvement international de territoires qui s’engagent vers le 100 % renouvelable. Comme Paris, la métropole de Bordeaux ou encore l’Occitanie qui s’est engagée à être une région 100 % renouvelable. Ce sont des acteurs locaux importants qui peuvent donc avoir du poids sur des politiques nationales.
ConsoGlobe.com – Comment expliquez-vous l’absence de l’écologie dans la campagne 2017 ?
Anne Bringault – On ne peut effectivement pas dire qu’elle est présente. Il y a même eu un peu de climato-scepticisme de la part de Nicolas Sarkozy. C’est le pompon !
La première préoccupation des Français c’est l’emploi. Or la transition énergétique apporte des emplois. Une autre de leurs préoccupations est le développement territorial notamment des territoires ruraux, or les énergies renouvelables sont vouées à être développées dans de tels territoires. Il y a aussi l’enjeu de la migration. Encore une fois, on sait que les changements climatiques vont conduire à des centaines de millions de déplacés. Les questions de climat ne sont pas mises en avant en tant que telles.