A quelques semaines de la COP21, la négociation sur le climat qui se tiendra à Paris du 30 novembre au 11 décembre, se pose une question en apparence théorique, mais au fond essentielle : le PIB, qui évalue la richesse des pays et dicte les politiques économiques, ne pollue-t-il pas les esprits, et, indirectement, l’atmosphère ? En effet, depuis plusieurs années le PIB est sous le feu des critiques pour son incapacité à prendre en compte l’épuisement des ressources et la pollution de l’environnement qu’entraîne notre modèle de développement économique. Nous faisons le point.
Bien comprendre les critiques faites au PIB
Le PIB – ou Produit Intérieur Brut – mesure uniquement des productions qui possèdent une valeur monétaire. Ainsi, toutes les activités qui génèrent de l’argent sont comptabilisées positivement au regard du PIB sans regard sur la durabilité de ces activités, tout particulièrement en termes d’empreinte carbone. Pour bien comprendre, prenons un exemple qui illustre l’incapacité du PIB à prendre en compte les fameuses « externalités négatives » générées par les activités humaines : quand un pétrolier transporte du pétrole, le PIB augmente. S’il fait naufrage, le PIB augmentera aussi, du fait que du personnel est engagé pour stopper la marée noire. Absurde, mais véridique.
Des propositions diverses pour de nouveaux indicateurs de richesse
Depuis les années 1990, différents indicateurs de richesse se développent pour contrer la toute puissance du PIB et estimer la richesse des pays grâce à des indicateurs prenant en compte la durabilité des modes de vie et les conditions de vie des populations. C’est le cas de l’indicateur de développement humain proposé par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD). Celui-ci tient compte de différentes données sociales : taux d’alphabétisation, de scolarisation, espérance de vie…
Dans le champ de l’environnement, l’un des indicateurs phare est « l’empreinte carbone ». Il permet de mesurer la portion de planète nécessaire à nos besoins. Ainsi, si l’ensemble des habitants de la terre vivait comme un citoyen américain moyen, 7 planètes seraient nécessaires pour assurer nos besoins.
Enfin, d’autres indicateurs regroupent les aspects sociaux et environnementaux. C’est le cas de l’indice de bien-être économique ou du happy planet index. Cependant, malgré le développement de ces différents indicateurs, le PIB reste encore aujourd’hui l’unique référence dans le monde politique pour les décisions macroéconomiques. Et ce pour trois raisons, nous explique Géraldine Thiry d’Alternatives Économiques : « la taille des États demeure aujourd’hui corrélée à la taille de leur économie », le niveau d’emploi est corrélé à la croissance, et enfin la croissance du PIB est la condition d’équilibre des comptes sociaux.
Un nouveau modèle de société
De plus, nous explique encore Géralidne Thiry, « riches et pauvres aspirent à la croissance, les premiers parce qu’ils craignent de perdre des privilèges réels ou symboliques ; les seconds, parce qu’ils aspirent à sortir de leurs situations et aimeraient accéder au mode de vie des plus riches ». Ainsi changer d’indicateur de croissance remet en cause un modèle de société qui corrèle croissance, consommation et bien-être pour affirmer que la satisfaction des besoins individuels et collectifs n’est pas que de cet ordre et ne peut être évaluée uniquement par l’évolution du PIB et de la croissance.
Des changements à espérer
Il est toutefois possible d’espérer qu’en France cette approche unique par le PIB soit remise en cause pour aller vers une évaluation de la richesse prenant en compte des données sociales et environnementales. En effet, une proposition de loi sur les nouveaux indicateurs de richesse a été adoptée en octobre dernier. Composée d’un unique article, elle oblige le gouvernement à publier un rapport présentant « l’évolution sur les années passées, de nouveaux indicateurs de richesse, tels que les indicateurs d’inégalités, de qualité de vie et de développement durable ». En effet, plusieurs actions gouvernementales ont permis de définir de nouveaux indicateurs depuis 2010.
Tout d’abord à la suite du Grenelle de l’environnement, deux actions avaient entreprises dans ce domaine. D’une part la mise en place de la commission Stiglitz qui a permis de mettre en lumière la question des indicateurs de richesse. D’autre part, un débat public organisé par le CESE et qui avait débouché sur la proposition d’un ensemble d’indicateurs de développement durable. Ces actions avaient toutefois été suivies de peu d’effet au niveau du gouvernement faute de volonté politique. Plusieurs régions, dont le Nord-Pas-de-Calais, s’en étaient néanmoins emparé, avec des résultats tangibles : les politiques de transport et de logement ont été influencées par ces indicateurs alternatifs au PIB.
En 2014 cette préoccupation de trouver des indicateurs de richesse plus pertinents est réapparue avec la proposition conjointe du CESE et de France Stratégie – le think tank officiel du Premier Ministre – de dix indicateurs de richesse pour « mesurer la qualité de la croissance » répartis en trois grandes catégories : économie, social et environnement.
Les différents indicateurs environnementaux proposés
Dans le domaine de l’environnement, trois indicateurs sont proposés :
- L’empreinte carbone au niveau de la consommation : il permet de prendre en compte la quantité de carbone dégagé dans l’atmosphère engendré par nos consommations et ainsi, à l’inverse du PIB, ne pas compter que positivement cette dernière.
- L’indice d’abondance des oiseaux ; il permet de donner un état de santé des écosystèmes.
- Le taux de recyclage des déchets : cet indice permet d’évaluer la durabilité de nos modes de consommation vis-à-vis des ressources.
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