Paradoxe étonnant : au Groenland, la fonte des glaces s’accélère tandis que certains glaciers, à l’instar du Jakobshavn, se reforment.
Jakobshavn Isbrae – un glacier qui s’épaissit
Peut-on revenir en arrière ? Ce qui a fondu des calottes glaciaires terrestres, du fait de l’épisode de réchauffement climatique que nous connaissons, peut-il, demain, se reconstituer ? En principe, la glace fond et ne se reforme pas.
Et pourtant… Au Groenland, une partie du glacier Jakobshavn Isbrae a gagné en masse(1). Impossible ? Pas tant que cela, mais cette réalité remet en cause quelques idées sur le sujet.
En effet, une impulsion d’eau plus froide a permis à une partie de ce glacier de prendre de la masse. C’est ce qu’a révélé le projet Oceans Melting Greenland (OMG) initié par la Nasa. Selon lui, le bord de ce glacier se développe de nouveau.
Il se serait légèrement épaissi grâce aux eaux océaniques relativement froides à sa base, en entraînant le ralentissement de sa fonte. Un renversement de tendance inattendu, après deux décennies d’amincissement et de recul.
Un rôle des océans plus essentiel que supposé
Selon Josh Willis, océanographe au Jet Propulsion Laboratory de la NASA et scientifique principal du projet OMG, d’autres glaciers arctiques pourraient connaître une croissance similaire. Cela laisse à penser que les flux et reflux des glaciers, dans un contexte de réchauffement climatique, pourraient être plus difficiles à prédire que prévu.
« On a longtemps pensé qu’une fois que les glaciers auraient commencé à reculer, rien ne les arrêterait. Nous avons constaté que ce n’était pas vrai. »
Ici, l’élément le plus surprenant tient au fait que c’est l’océan qui a inversé le recul de ce glacier. Les scientifiques, jusque-là, ne pensaient pas que l’activité océanique pouvait avoir un tel impact.
Cette réaction souligne la sensibilité des glaciers aux températures océaniques, les océans jouant un rôle essentiel dans la fonte des glaces au Groenland. Selon les scientifiques, un afflux récent d’eau exceptionnellement froide en provenance de l’Atlantique Nord s’est propagé dans l’Arctique, et tout particulièrement là où se trouve ce glacier. Ainsi, à une profondeur de 250 mètres, les températures ont chuté de 2°C depuis 2014. C’est cette eau plus froide qui a aidé le glacier à ralentir sa fonte et même, à croître légèrement.
La fonte se poursuit et s’accélère
En soi, cet afflux d’eau froide correspond à un cycle naturel dans l’océan Atlantique, qui alterne entre chaud et froid environ une fois tous les vingt ans. À cette phase de refroidissement va succéder un réchauffement qui devrait encore accélérer la fonte des glaces.
Et, malgré la croissance inattendue de ce glacier, l’ensemble de la calotte glaciaire du Groenland perd toujours énormément de glace, Jakobshavn Isbrae ne représentant qu’environ 7 % de la calotte glaciaire.
Entre 1991 et 2016, les océans se sont réchauffés en moyenne, chaque année, de 60 % de plus que ne l’avait estimé le GIEC. Et comme plus de 90 % de la chaleur piégée par les gaz à effet de serre vient, in fine, réchauffer les océans, la calotte glaciaire va continuer à fondre et la glace, à reculer de plus en plus vite. Le Groenland contient au total 10 % de l’eau douce de la planète sous la forme d’eau gelée.
Si cette dernière venait à fondre complètement, nos océans pourraient s’élever d’environ 7,60 mètres et la carte du monde, s’en trouver littéralement métamorphosée.