Les fermiers du sud de la France, avec la joualle, et les Indiens précolombiens d’Amérique centrale avec la milpa, ont pratiqué pendant des siècles un système de culture qui minimise le travail du paysan, utilise de façon optimale les ressources naturelles, favorise la biodiversité et protège l’environnement. Histoire d’une redécouverte et conseils pratiques, pour le bonheur de la biodiversité et la beauté de vos jardins !
La joualle : un compagnonnage harmonieux des plantes cultivées
La joualle, joala en occitan [1], est un très ancien système de culture qui remonte au début de l’époque gallo-romaine. Elle associe sur une même parcelle de la vigne poussant sur des arbres fruitiers et plusieurs autres cultures intercalaires réalisées entre les rangées d’arbres : légumes, blé, fourrage, betteraves, pommes de terre ou tabac.
Contrairement à l’agriculture intensive du 20e siècle, cette technique enrichit au lieu d’appauvrir le sol, élimine naturellement le besoin de pesticides, est très économique et fournit un régime équilibré pour le jardinier et sa famille.
Cette méthode culturale a été pratiquée dans plusieurs régions d’Europe, et notamment dans le Sud-Ouest de la France [2]. Dans le sud de la France les arbres support étaient souvent des arbres fruitiers : abricotiers en Lot et Garonne, cerisiers en Gironde, pêchers de vigne en Charentes, pruniers d’Ente en Périgord.
Malheureusement, l’agriculture intensive, le remembrement et la mécanisation à outrance au cours du XXème siècle ont eu raison de ce beau modèle agricole. Ainsi que la Politique Agricole Commune paradoxalement, car un cultivateur ne peut déclarer, s’il veut toucher les subventions, qu’une seule et même parcelle est à la fois, cultivée en verger, vigne, maraîchage ou pâturage.
Le « remembrement » est un terme agricole qui désigne en fait tout simplement… la réunion de plusieurs petites parcelles en une seule grosse parcelle.
La Politique Agricole Commune est un ambitieux programme de l’Union Européenne lancé en 1962. Il a pour objectif d’accroître la productivité agricole, d’assurer la sécurité d’approvisionnement aux populations européennes, et d’assurer un niveau de vie correct aux agriculteurs tout en garantissant un prix convenable aux consommateurs.
La joualle redécouverte
Poussée par l’intérêt grandissant aujourd’hui pour l’agriculture biologique et l’agroforesterie, la joualle renait peu à peu sous diverses formes dérivées, dans nombre de régions d’Europe. Une expérience menée par Evelyne Leterme au Conservatoire végétal d’Aquitaine tente d’actualiser ces techniques de compagnonnage botanique traditionnelles dans un cadre novateur [3].
Le Conservatoire végétal régional d’Aquitaine propose ainsi une nouvelle forme de verger, de type agroforestier en systèmes associés (diversité spécifique, étages végétaux, développement de la diversité microbiologique tant aérien que dans le sol). Ce système amène à réduire au minimum les interventions phytosanitaires, à protéger les sols et à réduire les apports en eaux.
Créez une joualle chez vous ! Mode d’emploi
Vous avez un jardin, un verger, une vigne et souhaitez tester l’association des cultures chez vous ? Le principe est simple, mais il faut des muscles, un terrain bien ensoleillé, de préférence au sud de la Loire, et beaucoup de patience, sans oublier la fameuse main verte !
On plante ou on utilise des arbres fruitiers déjà plantés en rang, espacés de 5 ou 6 mètres, et on met entre eux des vignes ou des haies arbustives tous les un mètre. Le conservatoire d’Aquitaine utilise des arbres fruitiers comme le néflier, le cognassier, le figuier ou le noisetier, qui acceptent une taille sévère tous les ans.
La technique de Leterme consiste à buter, c’est-à-dire à monter une butte horizontale très enrichie en engrais naturel et bien arrosée, et de planter les arbres, vignes ou arbustes dans celle-ci. Les rangées seront plantées à 5 mètres les unes des autres et on utilisera l’intervalle pour mettre son jardin maraîcher.
La biodiversité qui se créera naturellement dans cet environnement maintiendra une bonne humidité et permettra de contrôler les parasites sans avoir recours aux produits phytosanitaires. Le sol sera naturellement enrichi par l’apport d’engrais verts.
VIDÉO – Vers un verger agroforestier ? / Evelyne Leterme, conservatoire végétal d’Aquitaine
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[1] Dérivée de « jouelle » forme féminine de l’ancien français du xve siècle « jouau, une pièce de bois servant à attacher la vigne », elle-même issue du latin « jugum, la jugulaire, le joug ».
[2] L’agroforesterie à l’ancienne était appelée, selon le pays et la technique :l’oulière, la canche, la joualle, un hautain, des plantades ou l’arial : voir Agroforesterie : des arbres et des cultures, Christian Dupraz et Fabien Liagre, Editions France Agricole, 2008.
[3] On peut lire sur ce sujet le beau livre Les fruits retrouvés : patrimoine de demain, E. Leterme et J-M Lespinasse, Editions du Rouergue, 2008.
Bonjour,
merci pour votre bel article. Pourrais-je avoir la référence de la peinture representant une scène de vendange avec la femme en tunique bleu et l’homme foulant le raisin?
merci
Bjr
N’est-il pas déconseillé de cultiver sous le noyer . En principe rien ne pousse dessous, j’en ai un et les framboisiers n’ont jamais rien donné et ont disparu.Toute végétation légumière rien .
A +
Ou voyez-vous mention des noyers dans cet article? On parle de noisetiers, d’abricotiers mais point de noyers…
Merci pour ce très bel article. Deux petites précisions.
D’après Agroforesteries. La revue des arbres ruraux. N°1. Juillet 2008 et Les prés-vergers, Fiche pratique n°9, IBIS (Intégrer la BIodiversité dans les Systèmes d’exploitation agricoles.) Sans date, les principaux systèmes traditionnels de culture associant arbres et cultures étaient : oulières (vigne/céréales) ; hautains (vigne courant sur les arbres) ; joualles (vigne/arbres fruitiers) ; ou encore vigne puis oliviers/céréales.
Le hautain, appelé arbustra dans les cours d’agriculture latins est le système illustré par la photo de l’article. Pour l’oulière, l’étymologie détecte une erreur. En effet, le mot oulière vient de l’occitan oliera qui signifie « qui donne de l’huile ». Il s’agit donc d’une argroforesterie fondée sur l’olivier, associée à une autre culture, vigne ou céréales. Enfin, le mot joualle n’existe pas en occitan. Le terme le plus proche est jalhada équivalent au français jale (http://www.panoccitan.org/diccionari.aspx?diccion=jale&lenga=fr). Ce mot vient du latin gerula « porteuse » et désigne une cuve de bois qui permet de vendanger. La « joualle » est donc historiquement une argroforesterie fondée sur la vigne, associée à une autre culture, arbres fruitiers ou céréales.
Cela me rapelle un week-end « Foret nourricière » ou « Jardin-Foret » ou l’on apprenait a associer 7 couches de vegetaux (arbres, arbutes, plantes grimpantes, baies, jardin…), je recopie vulgairement ici ceci:
– Sur le sol est d’abord plante un premier ≪ étage ≫ de fruits et légumes, voir de céréales.
– On trouve au dessus les buissons, arbustes fruitiers qui peuvent donner des fruits, des baies.
– La couche supérieure est constituée des arbres fruitiers, tels que les cerisiers, pommiers, pruniers etc (pour les climats tempérés).
– Puis enfin la canopée, la couche d’arbres les plus hauts, dont le rôle peut être : remonter des nutriments pour ses congénères du sous-sol, fixer l’azote atmosphérique de l’air, produire des noix, du bois de chauffe, d’œuvre etc…
– Les autres couches qui composent cette foret nourricière sont les racines, tubercules comme les carottes, topinambour… etc, les plantes grimpantes comme les vignes, lianes telles que les kiwis, et enfin les plantes rampantes.