La laine à tricoter pas cher n’est pas forcément de la laine éthique, et inversement. Le cliché « baba cool écolo » a longtemps collé à la peau de ceux, ou celles, qui arborent fièrement des pulls faits maison. Et avec le succès du Do It Yourself et de la consommation responsable, c’est devenu tout à fait tendance. Bref, en plus d’être mode, le tricot nous donne bonne conscience. Et pourtant… savez-vous avec quoi a été traitée la laine qui s’enroule sur vos aiguilles ? D’où elle provient ? Peut-être même pas d’un mouton !
La laine à tricoter en version écoresponsable, c’est possible
Des fibres synthétiques…
« Une majorité de ‘laines’ ne sont plus du tout des laines naturelles, issues de la fibre animale, mais proviennent de fibres 100 % synthétiques. Dans les fils à tricoter, les étiquettes indiquant un pourcentage dépassant 20 % de laine de mouton sont devenues denrées rares, » révèle Géraldine Cauchy, directrice de Lainamac(1), qui représente la filière laine du Massif central et de Nouvelle Aquitaine – les deux principales régions productrices en France, qui n’en compte plus beaucoup. Car dans notre pays, le mouton est surtout élevé pour sa viande, et l’essentiel de la laine récoltée est plutôt destinée aux tissus d’ameublement.
D’où le succès des fibres artificielles, moins chères à produire… mais très peu écologiques ! « La transformation chimique pour produire les laines artificielles est extrêmement polluante, c’est une industrie qui travaille sur des matériaux issus de la houille, de l’extraction minière, » explique Claire Rius, co-fondatrice du site Tricotez-moi, qui s’adresse aux tricoteuses branchées(2).
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Des pelotes qui filent… loin !
Quant à la laine naturelle destinée aux vêtements et au tricot, elle provient pour l’essentiel de moutons mérinos élevés en Afrique du Sud, Nouvelle-Zélande ou Australie. Alpaga ou mohair peuvent venir d’Europe, et la France compte quelques élevages. Mais la laine n’est plus filée en France : c’est l’Italie qui s’est spécialisée dans la filature haut-de-gamme, fournissant les marchés luxe du Nord de l’Europe, Allemagne, Suisse et France. Les pelotes moins chics filent (et se filent)… en Asie : autant dire que le coût carbone de la laine, même naturelle, ne fait guère de votre tricot un modèle écoresponsable !
Mais il y a pire : « Même quand la fibre est naturelle, la laine bio n’existe pas, » regrette Claire Ruis. « Les moutons peuvent être élevés selon les critères du bio, mais le traitement des toisons ne l’est pas pour autant. »
Une laine (mal)traitée
Il faut d’abord retirer le suin, ce qui est très difficile : au mieux on utilise de la soude… et d’énormes quantités d’eau ! Qu’il s’agisse de dégraisser, de teindre, de fixer les pigments, les produits utilisés sont généralement toxiques et très polluants. Pour reverdir nos tricots, la filière Lainamac vient donc de se lancer dans un ambitieux projet, réunissant un collectif de fabricants français et baptisé ‘Oh My Laine !’.
« Notre réseau utilise 100 % de laine de mouton, provenant de nos régions et non traitée chimiquement, explique Géraldine Cauchy. Nos entreprises sont partenaires d’éleveurs qui ont le souci du bien-être animal, sans intrant chimique, voire en élevages biologiques. Elles limitent au maximum les transports de matières et assurent une traçabilité totale à chaque étape : récolte, lavage, filature, tricotage, distribution en vente directe principalement… en rémunérant au prix juste les différents acteurs. » ‘Oh My Laine’ espère ainsi aller vers un label, travail de longue… haleine !
Un label pour la laine à tricoter ?
« La difficulté, mais la richesse, des laines françaises, est leur diversité et les nombreuses étapes de transformation qui rendent complexe l’obtention d’un label unique touchant à la fois l’élevage, la tonte, la récolte, le lavage, la filature, la teinture et le tricotage. » Pour l’instant, le seul label sur la laine à tricoter reste donc le Woolmark, très connu dans le monde entier, et qui est celui des laines vierges d’Australie.
Tricot responsable = tricot durable !
En attendant un vrai label français, qui puisse nous garantir la provenance, le naturel et le traitement écologique de notre laine, on peut toutefois prendre quelques précautions pour s’assurer d’une laine saine : privilégier les fibres naturelles, chercher à connaître leur provenance, et dans la mesure du possible… éviter le bas-de-gamme ! « Moins la laine est chère, plus elle a subi de traitements afin de lui donner un aspect soyeux et naturel… qui disparaîtra en quelques lavages, » résume la co-fondatrice du site ‘Tricotez-moi’, qui a choisi de ne proposer que des fibres 100 % naturelles et de qualité. De même, moins il y a de travail de filature, plus la fibre se détend vite – attention, notamment, aux très gros fils, qu’on tricote avec d’énormes aiguilles : ludique, tendance… mais très peu durable !
Pas trop de bas de gamme
Une récente enquête du magazine UFC-Que Choisir vient d’ailleurs de le confirmer : nos vêtements s’usent de plus en plus vite ; et en matière de laines, le cachemire, dont les fibres courtes peluchent en un rien de temps, est pointé du doigt dans ses versions ‘bas-de-gamme’. « Prendre les fils les plus longs et les plus fins pour fabriquer nos pelotes assure la durabilité des produits : c’est ce qui nous permet de parler d’un produit éco-responsable, souligne Claire Ruis. Un tricot devrait durer toute la vie : j’ai encore des pulls tricotés par ma grand-mère ! Aujourd’hui, on nous vend des fibres synthétiques en prétextant qu’elles sont écolo car issues du recyclage : mais l’ultime déchet est tout aussi polluant que le premier ! Et on dépense de l’eau, de l’énergie, pour le recycler. »
Les campagnes de l’industrie textile qui prétendent qu’acheter recyclé c’est acheter responsable, lui mettent donc les nerfs… en pelote. Elle conseille plutôt de privilégier des des matières nobles et bien filées, pour être sûre que le doux pull tricoté de vos mains durera autant que vous le souhaitez. C’est-à-dire longtemps, car quand on fabrique soi-même… on a beaucoup moins envie de jeter !