Remise en cause locale et internationale
Heureusement, les populations locales parviennent parfois à infléchir les décisions. À Madagascar, la signature d’un contrat de location sur une superficie d’1,3 million d’hectares avec le Sud-Coréen Daewoo Logistics avait été à l’origine de manifestations monstres ayant entraîné la chute du gouvernement en mars 2009.
En juillet 2014, un tribunal londonien a jugé recevable la plainte d’un fermier originaire de Gambela en Éthiopie, affirmant que l’aide publique au développement du Royaume-Uni en faveur de l’Ethiopie a servi au programme controversé d’expropriation forcée l’ayant contraint à l’exil.
Encore récemment, des fermiers ougandais ont attaqué en justice la firme internationale de production d’huile de palme de Singapour, Wilmar International pour des terres saisies en 2011, avec l’aide de banques et gouvernements européens, ainsi que le fonds international des Nations Unies pour le développement de l’agriculture (IFAD).
Selon les Amis de la Terre, ces banques seraient BNP Paribas, Deutsche Bank et Rabobank. Samuel Lowe, responsable de la campagne aux Amis de la Terre, déclare : « Il nous faut des réglementations contraignantes en Europe pour que les acteurs financiers ne puissent plus apporter leur soutien à sociétés impliquées dans l’accaparement des terres.«
Réaction internationale timide
La communauté internationale a commencé à réagir, timidement, au regard de ces scandales. En 2012, la FAO a émis des directives contre l’accaparement des terres. Celles-ci incitent à la reconnaissance et la protection de droits de tenure légitimes, même en présence de systèmes informels, promeut de meilleures pratiques pour l’enregistrement et le transfert des droits de tenure, et aide à veiller à ce que les systèmes administratifs de tenure soient accessibles et abordables.
Échecs et retournement de tendance : 4,1 millions d’hectares sur 61 millions saisis
Certains projets de mainmise territoriale ont par ailleurs échoué. C’est le cas par exemple de, ProSAVANA, une aventure hasardeuse qui devait convertir 35 millions d’hectares de terres soi-disant inoccupées au Mozambique pour y cultiver du soja, soutenu par un consortium brésilien, japonais et mozambicain. Mais d’investissement sur le terrain, point jusqu’ici.
Mieux : les réalités économiques ont commencé à se faire sentir sur ces projets d’acquisition de terres. Les prix des matières premières sont en baisse, les prix bas du pétrole ont réduit les marges bénéficiaires sur les biocarburants, et les découvertes de pétrole et de gaz dans certains pays en développement ont réduit l’intérêt pour des projets d’énergies alternatives qui avaient alimenté certains projets d’accaparement de terres.
En conséquence, le rythme des acquisitions de terres à grande échelle a ralenti, de nombreux projets ont échoué, et ceux en cours opèrent souvent sur une fraction de la terre remis à eux.
Mi-septembre 2014, on comptait 956 transactions foncières transnationales menées à bien dans le monde depuis 2000, et 187 en cours de négociation. Les accords finalisés, dont la plupart ont eu lieu depuis 2007, couvrent 61 millions d’hectares (environ 150 millions d’acres), avec environ la moitié de cette terre sous contrat formel. Fait intéressant, sur les 37 millions d’hectares sous contrat, seulement 4,1 millions (soit seulement 11 %) sont actuellement confirmés comme étant exploités.
Cette superficie beaucoup plus faible réellement mise en production suggère comment à quel point il peut être difficile de transformer des intentions vagues en plans d’affaires concrets. La vigilance reste néanmoins de mise, les facteurs sous-jacents au retournement de tendance n’étant probablement eux-mêmes significatifs qu’à court terme.
Sources utilisées pour cet article :
- Stratégie Internationale de Prévention des Catastrophes Naturelles des Nations Unies – http://www.un.org/fr/humanitarian/overview/sipc.shtm
- Rapport de l’Agence européenne de l’environnement 2015 : http://www.eea.europa.eu/soer
- Le site spécialisé http://farmlandgrab.org/
Quand on voit le Liberia et la sierra-Léone sur la carte on comprend tout de suite le lien avec le fantôme Ebola.
La croissance est le problème, pas la solution…(Pierre RABHI)