C’est hier jeudi 11 juillet que se réunissait le Comité National de l’Agriculture Biologique (CNAB) de l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO) sous la présidence d’Olivier Nasles. Repoussé par 2 fois faute de consensus, le vote afin de prendre une décision concernant l’autorisation du chauffage des serres pour la production des légumes d’été (aubergines, concombres, courgettes, poivrons, tomates) en agriculture bio a enfin eu lieu.
Alors que la demande de produits bio a augmenté de 15,7 % en France en 2018 selon l’Agence Bio, les poids lourds l’agriculture conventionnelle, comme la Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FNSEA), les chambres d’agriculture et les grandes coopératives étaient favorables à la pratique de chauffage des serres.
De leur côté, la Fédération de l’agriculture biologique (FNAB), le Syndicat national des entreprises agroalimentaire bio (Synabio), plusieurs organisations de protection des consommateurs ou de l’environnement, une centaine de parlementaires, ou encore de grands chefs y étaient opposés craignant les dérives de l’industrialisation de l’agriculture biologique, et souhaitant garder la « dimension artisanale » de la Bio, gage du lien de confiance avec le consommateur.
Verdict – Les serres chauffées sont autorisées dans l’agriculture bio
Le nouveau cadre exige pour toutes productions saisonnières d’appliquer les principes fondateurs, repris par le règlement européen parmi lesquels le respect des cycles naturels et de la saisonnalité et la réduction de l’utilisation de ressources non renouvelables.
Le chauffage des serres en bio autorisé dans le respect des cycles naturels
Si le chauffage pourra rester allumé tout l’hiver dans les serres, les légumes d’été (aubergines, concombres, courgettes, aubergines, poivrons et tomates) produits entre le 21 décembre et le 20 avril ne pourront pas prétendre au label AB.
En résumé, tomates, poivrons et concombre bio issus de la filière AB française n’apparaitront pas sur nos étals avant le mois de mai.
Ces légumes auront tout de même besoin d’être plantés en serres chauffées pour leur croissance en février, mars et avril. Toutefois, ce compromis devrait permettre de diviser par 2 la consommation d’énergie par hectare.
La FNAB et les acteurs historiques de la Bio souhaitaient retenir la date du 1er juin pour commencer à commercialiser des fruits et légumes bio, tandis que la FNSEA et les chambres d’agriculture espéraient obtenir la date du 21 mars.
Obligation d’utiliser des énergies renouvelables pour chauffer les serres
À partir de janvier 2020, les exploitations entrant en conversion vers la Bio seront tenues de n’avoir recours qu’aux énergies vertes pour le chauffage des serres : énergie-bois, chaleur issue de la méthanisation, etc. Pour les autres (en conversion ou déjà certifiées), l’obligation est reportée à janvier 2015.
D’après une étude de l’Ademe, une tomate produite sous serre chauffée émettrait, avec 2,2 kilos de CO2 pour un kilo, 7 fois plus de gaz à effet de serre qu’une tomate produite en France en saison, et près de quatre fois plus qu’une tomate importée d’Espagne !
NB : L’ensemble des dispositions ne s’applique pas à la production de plants.
Un compromis entre les tenants d’une agriculture biologique plus éthique à ceux qui veulent profiter d’un marché en pleine expansion
Dans un communiqué de presse, l’INAO estime à l’issue du vote, que « l’Agriculture Biologique française est la seule en Europe et dans le monde à s’imposer de telles dispositions. En faisant ce choix, les professionnels français se distinguent par un niveau d’exigence unique et des pratiques vertueuses novatrices ».
La FNSEA, principal syndicat agricole, qui craint « les distorsions de concurrence » au sein de l’Europe, reste inquiète : « Près de 78 % de la tomate biologique présente dans les circuits longs de la distribution en France est importée d’Allemagne, de Pologne, d’Israël, ou encore d’Argentine », selon la présidente Christiane Lambert.
La Confédération paysanne, quant à elle, a salué une décision qui vient « contrer l’OPA sur la Bio orchestrée par l’agro-industrie ».
Le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, Didier Guillaume qui a assisté à ce vote tellement l’enjeu était important, se félicite : « J’avais raison de faire confiance aux membres du CNAB. Par leur décision courageuse, ils ont aussi montré qu’ils répondaient aux demandes claires des consommateurs en matière d’Agriculture Biologique. Fort de la décision du CNAB, je peux maintenant porter à Bruxelles une demande d’harmonisation au niveau européen ».
Jean-Paul Gabillard, secrétaire national à la FNAB en charge des légumes, interrogé par Libération a déclaré pour sa part : « Pour nous, il ne s’agit pas d’une victoire complète, puisque nous défendions le non-chauffage. Mais c’est tout de même un bon compromis, car c’est une véritable avancée par rapport à ce qui existait jusqu’ici, puisqu’il n’y avait aucun encadrement du chauffage des serres en bio ».
Et d’ajouter : « Nous serons très vigilants face à la première échéance du 1er janvier 2020 mais aussi pour 2025. Cela vient très rapidement et on sent bien qu’il y aura sans doute une pression pour dire qu’il n’est pas possible de chauffer les serres aux énergies renouvelables. Dès 2023 ou 2024, il faudra que nous remettions cette échéance en lumière pour rappeler aux producteurs qu’à partir de 2025, ils ne seront plus labellisés en bio s’ils chauffent aux énergies fossiles ».
Illustration bannière : Des tomates qui poussent en hiver pour être vendues au printemps – © hans engbers
A lire absolument
Bio industriel, forcément !!!
Des tomates n’importe quand, n’importe comment, souvent sans terre et maintenant du chauffage, des aliments vides, de toute façon … du grand n’importe quoi et je pense qu’on n’a pas encore tout vu ni entendu !!!
Le « bio » prend un très, très mauvais virage…
A nous de faire le tri et d’être vigilant sur la provenance et la qualité de ce qu’on mange, perso je n’achète rien en grande surface, rien d’industriel et jamais rien d’emballé.