Le faux sang de la viande : la vérité sur un mensonge persistant
Ce petit liquide rouge qui s’écoule d’une barquette de viande fraîche serait, paraît-il, du sang. Mais si l’idée est bien ancrée, la vérité est ailleurs.

On l’a tous cru, on l’a tous dit, certains le croient encore. Ce petit liquide rouge qui s’écoule d’une barquette de viande fraîche serait, paraît-il, du sang. Mais si l’idée est bien ancrée, la vérité est ailleurs. Et ce qu’elle révèle sur nos habitudes d’alimentation, nos réflexes de consommateurs et nos fantasmes autour de l’industrie agroalimentaire mérite une enquête approfondie.
Viande et myoglobine : ce que cache le rouge
La viande, dans l’imaginaire collectif, c’est du muscle saignant, coupé vif. Cette image simpliste — et, disons-le, un brin dramatique — est en grande partie responsable d’une confusion vieille comme le rayon boucherie : ce liquide rouge dans les emballages de viande ne serait autre que du sang. Faux. Absolument faux.
La myoglobine est une protéine musculaire. Sa mission ? Transporter et stocker l’oxygène dans les cellules des muscles. Elle agit comme un réservoir local d’oxygène, vital pour l’effort prolongé. On la trouve principalement dans les viandes rouges, riches en fibres musculaires fines, destinées à un usage prolongé — à l’opposé des fibres épaisses des viandes blanches comme le poulet. Quand la viande est tranchée, cette myoglobine se libère avec l’eau naturellement contenue dans le muscle, formant ce fameux liquide rouge. Mais qu’on se le dise une fois pour toutes : le sang est retiré de la viande lors de l’abattage. Il ne reste dans le muscle que des traces infimes, biologiquement inoffensives et invisibles à l’oeil nu.
L’emballage, ce complice silencieux
Mais ce n’est pas tout. Car la coloration de la viande est également influencée par les procédés industriels. Le conditionnement sous atmosphère modifiée — souvent à base d’oxygène ou même de monoxyde de carbone — permet de fixer la couleur rouge grâce à la formation d’oxymyoglobine ou de carboxymyoglobine. Un vrai tour de passe-passe moléculaire. Dans une atmosphère riche en monoxyde de carbone, « la teinte rose peut persister près d’un an ». Voilà de quoi rassurer — ou inquiéter — les amateurs de belles pièces rouges au supermarché.
Une couleur stable n’est pas toujours synonyme de fraîcheur réelle. Dans ce contexte, la myoglobine devient bien plus qu’un pigment : elle est un outil de marketing visuel. Et le consommateur, qui croit y voir du sang, en ressort conforté dans ses croyances, même si celles-ci sont infondées.
Un liquide rouge… bon pour la santé
Ironie du sort : ce liquide honni par certains, suspecté par d’autres, serait en réalité… riche en fer. La myoglobine, structurellement proche de l’hémoglobine, est un atout pour les personnes carencées. On est loin de l’image sale ou impure que beaucoup associent instinctivement à ce fluide. Il n’y a rien d’insalubre, ni de pathogène, dans ce jus de viande.
Ce qu’il faut retenir, c’est que le liquide rouge des barquettes de viande n’a rien de sordide. Il est le reflet d’un processus biologique ordinaire, mais mal compris. Il est aussi l’indicateur de pratiques industrielles optimisées. Le mythe du sang persiste parce qu’il flatte notre besoin de simplification. Mais il est temps d’en finir avec ces illusions. Non, ce n’est pas du sang. C’est de la myoglobine. C’est de la science.
A lire absolument




