Début 2016, sortiront au moins 5 films prenant les loups pour thème central, du scénario de série B bien kitsch – un homme est recruté par les Alliés pendant la IIe Guerre mondiale spécifiquement pour sa capacité à devenir loup-garou et arrêter un complot nazi visant à libérer des gaz toxiques sur l’Angleterre dans The Wolf’s Hour – au dessin animé gentillet – par exemple Sheep and Wolves : « Dans un pays lointain magique, dans un petit village pittoresque niché parmi les vertes prairies et collines, vit un troupeau de moutons sans souci. Mais leur vie pastorale et sans stress est interrompue quand une meute de loups s’installe dans le ravin à proximité. » Et ceci après les films Wolf, Wolf Totem, Get the Last Wolf, ou encore la série Teen Wolf, saison 5, en 2015.
Depuis l’antiquité, l’homme a toujours imaginé des histoires plus ou moins fantastiques concernant les loups. Au moyen âge, on attrapait des loups-garous, des hommes qui se changeaient en loups à la tombée de la nuit, et on les brulait avec les sorcières. Il y a aussi des histoires d’enfants sauvages, élevés par des loups, Romulus et Remus, les légendaires fondateurs de Rome en étant l’exemple le plus célèbre. Quelle part de réalité et de vérité sur les modes de vie des loups se cache derrière cette fascination ?
Le loup-garou : nos fantasmes prennent corps
Aujourd’hui le loup-garou, ou lycanthrope pour utiliser le terme savant, fait partie de la panoplie d’êtres fantastiques et mystérieux qui peuplent nos séries télé, films et romans, à côté des vampires, sorcières et autres zombies. On adore se faire peur avec ces histoires, très largement fantasmagoriques, qui flirtent avec la mort et le satanisme.
Mais il est certain qu’en Europe, à une certaine époque, notamment entre le 13° et le 18° siècle, les gens étaient persuadés qu’il existait des hommes, parfois des femmes ou des enfants, qui se changeaient en loups à la tombée de la nuit et qui erraient dans la campagne à la recherche de proies humaines.
Contrairement à nos portraits modernes, qui montrent la plupart du temps un homme se changer en animal poilu, avec de grandes dents et des griffes acérées, la créature du moyen âge était décrite plutôt comme pâle, au teint verdâtre, les yeux et les dents rougis, le regard fuyant et l’esprit confus, errant dans la campagne pendant la nuit.
Le loup-garou : de vrais humains se cachent derrière
Pendant plusieurs siècles, notamment au cours de l’Inquisition, les loups-garous ont été persécutés comme les sorcières pour hérésie et pactes démoniaques. Puis, petit à petit, cette croyance a disparu, en même temps d’ailleurs que les loups eux-mêmes.
La vérité ? Selon le docteur Illis, médecin au Guy’s Hospital à Londres(3), il s’agissait en fait de gens atteints d’une maladie rare, la porphyrie, qui produit précisément les symptômes décrits plus haut : teint verdâtre, yeux et dents rougis, esprit confus et surtout, une extrême sensibilité à la lumière du jour.
Les malades avaient aussi de nombreux ulcères sur la peau, qui formaient les cicatrices que les villageois prenaient pour des morsures et griffures de loups.
Les enfants-loup : une triste réalité
Beaucoup d’histoires existent au sujet d’enfants abandonnés qui survivent dans la jungle ou dans la forêt grâce à des animaux. Tout le monde connaît Mowgli, le petit enfant indien du Livre de la jungle, qui est perdu dans la jungle par sa famille et adopté par des loups. Tarzan, rejeton de lord anglais, est élevé par des singes. Sans parler des célèbres jumeaux romains Romus et Romulus. Voilà pour la littérature. Mais il existe bien plusieurs cas de véritables enfants sauvages.
Au 18° siècle en France, deux exemples célèbres ont défrayé les chroniques : celui de Victor de l’Aveyron, objet du film L’enfant sauvage, de François Truffaut, et celui de Marie-Angélique Le Blanc, La fille sauvage de Champagne, qui aurait survécu seule dans la forêt pendant 10 ans, avant d’être trouvée par des villageois en septembre 1731.
En Russie, le jeune Lyokha, trouvé en 2007, aurait été élevé par des loups. Il a été pris en charge dans un hôpital de Moscou, avant de s’échapper. Il est soupçonné de vivre de nouveau à l’état sauvage. Il y a aussi le cas de Natacha, une fillette de cinq ans, qui a été retrouvée à Tchita en Sibérie en mai 2009. Elle était enfermée dans une pièce insalubre avec des chats et des chiens qui l’ont probablement élevée. La fillette se comportait comme un chien, lapait, sautait et aboyait pour communiquer.
En Inde ont été recensés de nombreux cas d’enfants sauvages, dont le plus connu est celui d’Amala et Kamala, les « fillettes louves » découvertes en 1920 au Bengale, qui auraient vécu dans une famille de loups avant d’être trouvées par un missionnaire anglais. En mai 1972 un petit garçon de quatre ans a été trouvé en train de jouer avec des louveteaux dans une forêt à une trentaine de kilomètres de Sultanpur. Il avait la peau très matte, de longs ongles incurvées, et de nombreux calles sur les mains, les coudes et les genoux. Ses dents étaient pointues, il chassait des poules et buvait leur sang, aimait se promener la nuit et fréquentait des chiens et des chacals de préférence à des hommes.
Video National Geographic (en anglais) : la vérité derrière les enfants sauvages
Quelle part de vérité derrière les histoires d’enfants-loups ?
Certaines de ces histoires ont de toute évidence été fabriquées, d’autres semblent authentiques. Serge Aroles, dans L’Enigme des enfants-loup(4), affirme que, alors que tout semble prouver que Marie-Angélique Le Blanc a réellement vécu seule entre l’âge de 9 et 19 ans dans la forêt champenoise, l’histoire d’Amala et Kamala est une escroquerie fabriquée par le Révérend Singh, l’homme qui les a soi-disant trouvées. En fait, il s’agissait de deux enfants débiles qu’il avait dans son orphelinat et qu’il a battus pour qu’elles marchent à quatre pattes et gémissent comme des animaux.
Pourquoi une louve s’occuperait-elle d’un petit humain ?
Maintenant, s’il est matériellement possible pour un enfant de vivre seul parmi des animaux sauvages, pourquoi une louve s’occuperait-elle d’un petit humain ?
D’après les spécialistes, par exemple le docteur David Mech, auteur de nombreux ouvrages sur les loups, et directeur de l’International Wolf Center, les loups ne sont pas hostiles aux humains, s’ils ne sont pas agressés par eux, et peuvent accepter la présence d’un humain parmi eux. La preuve : Mech a lui-même intégré des meutes de loups sauvages au Canada.
Les loups sont très coopératifs et s’occupent, par exemple, de louveteaux orphelins suite au décès de leur mère. On pourrait donc imaginer qu’une louve adopte un enfant humain. Le cas de Natacha montre en tout cas que les chiens peuvent le faire et le comportement des loups est assez proche de celui des chiens.
En fin de compte, il est très difficile d’en savoir plus avec certitude. On peut difficilement insérer un bébé dans une meute pour voir comment cela se passe ! Ceci dit, les scientifiques qui travaillent sur le comportement des animaux découvrent tous les jours des faits étonnants concernant leur intelligence et leur organisation sociale et il se peut qu’un jour on ait la confirmation scientifique de cette possibilité. Pas de doute néanmoins, nos fantasmes sur les loups continueront longtemps et seront alimentés par de nombreux films, plus ou moins bons, dans les prochains mois.
Illustration bannière : Le loup – © Andamanec Shutterstock
- “On Porphyria and the Etiology of Werwolves”, conférence donnée le 2 octobre, 1963 devant la Royal Society of Medicine, et publiée dans le Actes, Volume 57, janvier 1964, pp. 23-26.
- Paris, Publibook, 2007. Voir aussi Les enfants sauvages, Lucien Malson, 10/18, 2002.
- “On Porphyria and the Etiology of Werwolves”, conférence donnée le 2 octobre, 1963 devant la Royal Society of Medicine, et publiée dans le Actes, Volume 57, janvier 1964, pp. 23-26.
- Paris, Publibook, 2007. Voir aussi Les enfants sauvages, Lucien Malson, 10/18, 2002.