La stratégie Camif
Cette initiative du Tour Made in France, c’est une des innovations de la Camif 2.0. En effet, depuis son rachat en 2009, l’entreprise a radicalement changé de visage. Si, à l’origine, c’était la coopérative des adhérents à la mutuelle des instituteurs (MAIF), elle touche aujourd’hui un public beaucoup plus large.
Il fallait oser racheter la Camif : l’entreprise était alors en défaut de paiement vis-à-vis de beaucoup de clients et de fabricants. Emery Jacquillat l’a pourtant fait, et cette vieille entreprise, au nom si familier pour les instituteurs et professeurs français, est aujourd’hui l’un des symboles des entreprises du Made-in-France et de l’économie circulaire.
« Depuis la création de Matelsom en 1995, mon but était de réussir sur Internet », explique Emery Jacquillat, « mais pour réussir sur internet, il faut une marque forte, un projet original, et un bon positionnement ». Quand il a vu que la Camif était à vendre, l’entrepreneur n’a pas hésité. « C’était une occasion incroyable, surtout vu l’attachement des clients à la boîte ! »
Si la Camif n’a pas récupéré tous ses adhérents, 40 % des anciens clients ont tout de même accordé leur confiance au nouveau patron. Depuis, deux tiers des clients sont nouveaux. Ils ont été séduits par la nouvelle stratégie du groupe. La vente ne se fait désormais que sur Internet, et elle ne concerne que l’ameublement et la literie. Mais la véritable innovation, c’est la transparence.
Pour chaque produit, les clients peuvent désormais connaître d’où viennent les principaux composants, combien d’employés travaillent à l’usine, où est produit l’article et à combien de kilomètres se trouve l’usine. La Camif développe aussi un réseau afin de mettre les clients en contact, pour qu’ils puissent tester les canapés entre eux, sans avoir à passer par un magasin : « Avec toutes les informations données sur le site, les clients deviennent plus spécialistes qu’un vendeur en magasin », s’enthousiasme Jacquillat.
Remettre la France au centre
Les consommateurs recherchent aujourd’hui la qualité plus que la simplicité. Selon une étude de la Fondation indépendante du Made in France (Fimif), effectuée sur 1.014 consommateurs acquis au Made in France, 80 % des concernés disent ne pas payer plus, ou seulement un peu plus qu’auparavant depuis qu’ils ont changé leur manière de consommer.
« La qualité, ça n’est pas forcément plus cher », renchérit René-Jacques Dufour, « le plus cher aujourd’hui ce sont les transports de marchandises. Alors, si l’on réduit les distances, les bons produits deviennent bien plus abordables. » Les frais de transport s’élèvent de 100 à 110 euros pour chaque canapé, ce qui représente la part la plus importante du coût total.
Parmi les clients présents lors de cette onzième étape, il y avait Charles Huet, membre de la Fimif. Venu saluer l’implication de la Camif, il en profite pour faire un plaidoyer pour ce qu’il estime être l’un des piliers de l’économie de demain.
« Pour moi, le Made in France, c’est comme le bio : c’est mieux, mais il faut du temps pour qu’il se fasse accepter. » La Fimif a été fondée pour braquer les projecteurs sur une nouvelle manière de produire au sein de la société civile. « Certains hommes politiques ont fait beaucoup pour le Made-in-France, parce qu’ils l’ont inscrit dans l’agenda médiatique. Mais derrière, c’est à la société civile d’agir. Le politique n’en sera jamais l’initiateur. »
La communication est clairement le point fort d’entreprises comme la Camif. Pour autant, malgré cette transparence et ce souci de transmettre aux clients les clés d’une consommation durable, seuls les consommateurs qui font la démarche de s’informer, ont réellement accès à ces nouvelles pratiques.
Si la Camif a bénéficié de sa notoriété pour mettre un place un modèle de vente qui touche à l’économie circulaire, il ne faut pas perdre de vue que la route est longue avant de voir toutes les entreprises françaises se rattacher à cette cause. En attendant, Emery Jacquillat et les siens ont au moins le mérite de vendre un peu de rêve.