Face à l’urgence écologique et aux enjeux sanitaires, la transition agricole et alimentaire est indispensable, mais s’avère complexe. En particulier, l’avenir de l’élevage et des prairies recèle une contradiction apparente, qu’un groupe de travail de La Fabrique écologique s’est essayé à résoudre. En effet, comment trancher entre le besoin de protéger les prairies permanentes (pour le stock important de carbone qu’elles abritent dans leurs sols et pour leur valeur écologique) et la nécessité de réduire les importantes émissions de méthane dues aux ruminants (environ 9 % des émissions de gaz à effet de serre de la France), comme notre consommation de protéines animales (pour des raisons de santé publique) ?
La note qui résulte de ce travail est actuellement soumise à consultation.
La vision proposée intègre les impératifs de lutte contre l’effet de serre et de préservation de la biodiversité, les enjeux de santé humaine comme ceux spécifiques à l’élevage (difficulté des éleveurs à vivre de leur travail, déficit d’attractivité de leur métier à l’heure de la relève des générations) et à l’avenir des territoires ruraux.
La production animale consomme une grande partie de la production végétale, partout dans le Monde. En France, en complément des 9 millions d’hectares de prairies permanentes, 7 millions d’hectares de terres arables nourrissent également les ruminants. Il est proposé d’en « libérer » de 3 à 5 millions d’hectares, aujourd’hui consacrés principalement au maïs ensilage, au colza (pour les tourteaux) et aux céréales. Cela est possible par une réduction du cheptel (baisse du nombre d’animaux de – 30 à – 50 %) et un recentrage de l’élevage de ruminants sur les prairies permanentes, avec un complément alimentaire limité apporté notamment par des prairies temporaires plus riches en légumineuses (« retour à l’herbe »).
La viande de boeuf sera alors largement issue d’un élevage laitier (vaches de réforme, génisses et jeunes mâles), impliquant des croisements avec des races à viande ou le recours à des races mixtes ou « légères » supportant un engraissement à l’herbe et produisant lait et viande de qualité. Une telle production, aux meilleures qualités nutritionnelles (notamment oméga-3), sera valorisée économiquement, au profit des éleveurs, par une politique rigoureuse de labellisation des produits, et rendue désirable pour les consommateurs par une meilleure information nutritionnelle conduisant à « moins mais mieux » de consommation de produits animaux et permettant de sauvegarder leur pouvoir d’achat. L’élevage des ruminants cessera de faire appel à des protéines (tourteaux de soja) contribuant à la « déforestation importée », notamment du Brésil. De nouvelles surfaces de production végétale pourront être consacrées à l’alimentation humaine : la sécurité et la souveraineté alimentaires de notre pays en sortiront renforcées.
La réduction du cheptel bovin, d’ores et déjà en marche (- 1,5 % par an en tendance), doit
être assumée et accompagnée économiquement auprès des éleveurs, plutôt que subie, pour éviter la « casse sociale », maintenir l’attractivité du métier et s’assurer qu’elle ne porte pas préférentiellement sur la production laitière (contrairement à la tendance actuelle).
La note formule trois propositions-clés
- Orienter la demande des consommateurs en introduisant une mention spéciale “élevage à l’herbe” associée progressivement à tous les signes et labels de qualité concernant les produits de l’élevage des ruminants (lait et viande), et en promouvant le “moins mais mieux” dans la consommation, par l’information et la formation sur les recommandations de santé publique, la régulation rigoureuse de la publicité et les exigences sur la restauration collective.
- Orienter l’offre et accompagner socialement les éleveurs dans le redimensionnement et le recentrage de leur activité, en mobilisant des financements innovants (« crédits » du label bas-carbone) vers des projets de limitation du cheptel associés à des actions de réduction de la demande, et en développant les paiements pour services environnementaux (PSE) pour protéger les prairies permanentes. Il faut aussi améliorer le Plan stratégique national (PSN) d’application de la Politique agricole commune (PAC) 2023-2027, notamment pour l’agriculture biologique, et en prévoyant sa révision à mi-parcours.
- Impliquer davantage les collectivités territoriales. Les intercommunalités devraient intégrer la préservation des prairies permanentes et le « retour à l’herbe » de l’élevage des ruminants aux plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) et aux projets alimentaires territoriaux (PAT), ainsi qu’à leurs décisions d’aménagement et de lutte contre l’artificialisation des sols, et promouvoir des filières locales de produits de qualité reconnue (issus d’un élevage « à l’herbe »), appuyées notamment sur l’approvisionnement de la restauration collective. Et les régions devraient réunir des conférences régionales sur cette thématique, puis financer des investissements et des actions de conseil, de coopération et de promotion de ces produits (avec les crédits du 2ème pilier de la PAC et des crédits régionaux).
François DEMARCQ
Président du groupe de travail
en résumé: remettre la vache d’où elle n’aurait jamais dû sortir: dans son pré !!!
Que du bon sens qui a été fortement oublié, qui éviterait la ruine des éleveurs, les souffrances de la vache à cause d’une nourriture inadaptée et permettrait de manger plus sain.
Certes mais comment donner aux vaches des labels bios si vous ne pouvez plus importer des tourteaux « bios » d’Amérique du sud?